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Enseignement

Face à l'échec scolaire, prêt pour le « décolâge » ?

Alors que 1800 enfants redoublent dès la maternelle, la Fédération Wallonie-Bruxelles lance « Décolâge », pour trouver des alternatives pédagogiques au redoublement

Chaque année, en Fédération Wallonie-Bruxelles, près de 1800 enfants sont maintenus en maternelle. Un redoublement qui ne semble pas être une réponse suffisante pour accompagner ces enfants en difficulté. Désormais, les écoles de Wallonie et de Bruxelles peuvent compter sur « Décolâge », un projet porté par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour trouver des alternatives pédagogiques au redoublement.

Le phénomène du redoublement n’est pas neuf, mais il reste toujours aussi préoccupant dans nos écoles. Une question qui débute dès la maternelle et qui interroge autant les parents que les instituteurs. Partout, on s’attaque au problème en mettant en place des projets spécifiques sur le terrain pour accompagner au mieux ces enfants en décrochage. Un chiffre : en maternelle, le redoublement touche 1885 enfants chaque année, selon les chiffres de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Un phénomène qui peut avoir des répercussions dans la suite du parcours scolaire d’un enfant. C’est là l’une des tristes réalités de notre système d’enseignement : on observe chez nous un pourcentage important d’élèves présentant un retard scolaire.

Bien évidemment, sur le terrain, on n’a pas attendu ces constats interpellants pour mettre en place des remèdes afin d’accompagner les élèves en décrochage, notamment dans la transition délicate du maternel au primaire.

« C’est un travail important que nous effectuons sur le terrain car c’est dès la maternelle qu’on développe les compétences préparatoires au primaire. C’est pour cela qu’on insiste auprès des parents pour mettre leur enfant tous les jours à l’école dès la maternelle, explique Rosette Claessens, directrice de l’Ecole n° 1 à Molenbeek-Saint-Jean1. A mes yeux, le maintien comme le redoublement en maternelle, c’est une réponse insuffisante et malheureuse pour répondre aux difficultés d’un enfant. »

Le principal souci, c’est le français

Dès lors, pour éviter ces situations, l’école a mis en place un travail important d’accompagnement pédagogique, social et logopédique, dès les premiers signes d’une difficulté, en fonction des besoins des enfants ou de leur situation familiale.

A côté de cela, plusieurs pistes sont déjà envisagées pour la rentrée prochaine afin de favoriser la communication et l’apprentissage du langage en classe maternelle et à la maison. « Car c’est là l’une des grandes difficultés rencontrées sur le terrain, celle de l’apprentissage du vocabulaire de base et du travail autour de la langue française. Nous allons travailler avec l’ensemble de l’équipe éducative, de l’enseignante à la logopède, sur l’apprentissage du vocabulaire orthographique de base. Comme cela, tous les enfants pourront avoir un même bagage en français, en le travaillant autant à l’école qu’à la maison avec les parents », poursuit la directrice de l’école.

La difficulté autour de l’apprentissage du français, c’est un constat que partage aussi Didier Vanheuverzwijn, directeur de l’école Sainte-Ursule de Molenbeek-Saint-Jean2. Selon lui, la plupart des enfants ne parlent pas français chez eux avec leurs parents, à la maison ou pendant les vacances, beaucoup n’ont pas de livres ou de jeux de société disponibles afin de développer et approfondir les compétences acquises à l’école. « Dès lors, c’est pour nous un travail de réactivation où plein de choses acquises à l’école sont à rétablir, sans compter qu’aujourd’hui, nous ne pouvons plus compter sur certains apprentissages acquis autrefois à la maison. Car nous sommes confrontés dans beaucoup de parcours de nos enfants, notamment pour ceux en décrochage, à l’absence de modèle, où beaucoup se demandent pourquoi venir à l’école, à quoi cela sert d’apprendre à lire, écrire ou compter… »

Là comme ailleurs, de nombreuses initiatives sont prises à l’école Sainte-Ursule, dès les premières difficultés, pour avancer au rythme de l’élève dans le passage de la maternelle au primaire : ainsi, un après-midi par semaine, pour les enfants de 5 à 8 ans, des activités communes sont mises en place comme la découverte de la bibliothèque scolaire, l’apprentissage de compétences autour de jeux de société… Enfin, selon ce directeur d’école, l’un des principaux outils pour lutter contre l’échec scolaire, c’est le travail quotidien de la médiatrice scolaire qui permet de favoriser des liens, souvent difficiles, entre les familles et l’école. Cette année, l’école a mis en place une initiative originale : le « Kawa des papas ». L’idée est simple : redonner aux pères de famille une place dans l’apprentissage et le suivi scolaire des enfants autour d’un café. « Grâce à ce travail essentiel, les parents n’ont pas peur de venir à l’école, ils participent aux réunions, ce qui permet évidemment un accompagnement plus performant pour les enfants qui rencontrent des difficultés dans leur apprentissage », explique encore le directeur.

Promouvoir une évolution positive du parcours de l’enfant

Depuis peu, les écoles de Wallonie comme de Bruxelles peuvent compter sur un nouveau projet à grande échelle, le projet « Décolâge ! » qui promeut une évolution positive du parcours de l’enfant de la maternelle à la fin de la deuxième primaire.

Suite à une recherche menée conjointement par l’ULg et l’ULB, le constat s’impose : le redoublement en maternelle ne facilite pas la suite du parcours scolaire de l’enfant. Il serait même inefficace, mais reste néanmoins extrêmement répandu dans notre système scolaire, faute d’alternatives crédibles et praticables sur le terrain par les équipes éducatives.

L’enjeu principal de « Décolâge ! », c’est donc de faire émerger des démarches innovantes ou de renforcer des pratiques existantes qui permettent à tous les enfants de se développer, d’apprendre, en proposant des parcours adaptés, différenciés en tenant compte des différents rythmes de chaque enfant et des contextes particuliers, propres aux écoles.

En s’engageant dans ce projet, l’équipe éducative s’engage à fédérer ses moyens, sur la base d’une approche collaborative, non pas autour de la seule lutte contre l’échec mais, au contraire, en se basant sur les difficultés vécues par chaque enfant afin de construire avec lui une progression positive.

Ainsi, à l’école Sainte-Ursule comme à l’Ecole n° 1, quelques enseignants ont décidé de se lancer dans ce nouveau projet pédagogique. « Ce projet, c’est surtout la conscientisation que le redoublement n’est pas une mesure efficace pour répondre aux difficultés d’un enfant, puis c’est un soutien important qui est fait par la Fédération Wallonie-Bruxelles en permettant aux enseignants d’échanger des outils testés dans les écoles pour lutter contre le décrochage, explique encore Didier Vanheuverzwijn, directeur à l’école Sainte-Ursule. Un enfant qui redouble en 3e maternelle redoublera par la suite, cela se confirme très souvent. Dans la structure actuelle, beaucoup d’enfants ne sont pas armés pour affronter de nouvelles connaissances dans le primaire comme l’apprentissage des fractions ou la lecture. »

D’où l’importance d’un projet comme « Décolâge ! » pour renforcer les pratiques mises en place sur le terrain par les écoles pour accompagner les enfants.

Pour plus d’infos à ce sujet :

http://www.enseignement.be

1. Ecole fondamentale « La rose des vents » :
– adresse : rue des Quatre Vents, 71 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 411 13 98
– courriel : ecole1.1080@molenbeek.irisnet.be

2. Ecole Sainte-Ursule :
– adresse : chaussée de Merchtem, 11 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 411 53 69
– courriel : didier@ecolesainteursule1080.be

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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