Chaque année, à côté de l’accompagnement de réfugiés, Convivial sensibilise travailleurs sociaux, associations ou citoyens au parcours de ces personnes. Ils découvrent l’asile pas à pas avec l’aide de Pauline Wautie.
Des chaises, des tables, quelques matelas, et des kilos de vivres. Un petit groupe s’avance vers l’entrepôt de Convivial, un mouvement d’insertion des réfugiés, qui reçoit des dons et les trie pour ce public. Chaque année, Convivial accompagne en effet plus de 2.000 réfugiés dans leurs premiers pas d’installation et d’insertion à Bruxelles.
Durant l’après-midi, ce groupe va découvrir l’association, mais aussi s’immerger pendant quelques heures dans le parcours d’un réfugié: des raisons qui le poussent à quitter son pays jusqu’à son insertion en Belgique. C’est Pauline Wautie qui sert de guide. «Si Convivial existe depuis 25 ans, c’est qu’il y a un besoin d’accompagner ces personnes à s’installer et à s’intégrer dans notre pays. Elles n’ont pas choisi forcément d’être en Belgique et doivent tout recommencer à zéro, souvent en ayant été traumatisées dans leur pays d’origine…», lance-t-elle pour commencer la visite.
Des publics différents
Depuis quatre ans, Pauline propose régulièrement des séances de sensibilisation et d’information destinées au grand public, à des travailleurs sociaux ou à des écoles supérieures. «C’est toujours intéressant pour Convivial de rencontrer des publics différents lors de ces séances. On vise surtout les professionnels qui ont des contacts réguliers avec des réfugiés. On est convaincus qu’un tel moment permettra d’améliorer leur accompagnement», explique Pauline Wautie. La guide poursuit: «Les demandeurs d’asile et réfugiés sont bien souvent confrontés à des préjugés dus à un manque de connaissance sur leur parcours, les motifs de leur arrivée en Belgique, leurs difficultés et leurs perspectives d’avenir.»
Mais Pauline l’admet, il n’est pas évident de toucher le public, notamment professionnel, à l’instar des travailleurs des CPAS. «C’est pourtant celui qu’on essaie de sensibiliser le plus, mais tout dépendra de la politique locale et la volonté de travailler cette question avec les assistants sociaux. Souvent le temps manque… Cela dit, dans le cadre de l’installation des réfugiés, Convivial est en contact régulier avec les CPAS. Notre travail se veut complémentaire au leur.»
«Les demandeurs d’asile et réfugiés sont bien souvent confrontés à des préjugés dus à un manque de connaissance sur leur parcours, les motifs de leur arrivée en Belgique, leurs difficultés et leurs perspectives d’avenir.»
Aujourd’hui, c’est l’association Le Piment, une asbl proposant des formations diverses, notamment en alphabétisation, qui est présente pour cette séance. «Le public associatif est plus facile à toucher», reconnaît Pauline Wautie. À côté des CPAS et des associations, Convivial vise aussi à travers ces séances des groupes de citoyens ou des entreprises qui veulent s’investir sur cette problématique: «On laisse aussi la porte ouverte à ce type de demandes», poursuit Pauline.
Faire la différence
Après la visite des entrepôts, le groupe se dirige vers une salle d’exposition interactive et didactique. L’occasion de découvrir la répartition des réfugiés dans le monde, la procédure d’asile ou l’insertion dans notre pays une fois le statut obtenu.
«À chaque séance, des participants me disent qu’ils n’avaient jamais entendu parler de certaines procédures, qu’ils n’avaient pas toujours conscience de toutes les étapes du parcours d’un réfugié. Cela permet de remettre les pendules à l’heure.»
Pauline Wautie lance une première question au groupe: «Qu’est-ce qu’un réfugié?» Un bref silence, avant que les premières réponses ne fusent de la part des participants. Chacun y va de sa définition, avant que Pauline ne casse les idées reçues et simplismes. Elle explique aussi les nuances entre un réfugié, un demandeur d’asile et un migrant. «C’est essentiel de faire la différence entre une situation migratoire et un statut juridique», rappelle-t-elle. Puis vient l’heure d’aller dans le détail lors d’un premier jeu. Sur des morceaux de papier, les participants reçoivent différentes raisons de quitter un pays. On y lit: persécution des personnes LGBT, fuir la famine, regroupement familial, travailler, soigner une maladie grave… À eux de les classer entre raisons valables pour obtenir un statut de réfugié et raisons légales pour entrer dans l’Union européenne. Après un temps de réflexion, chacun va placer ces étiquettes sur un tableau. «Tu es sûr pour le regroupement familial?», lance l’un des participants. Pauline laisse faire avant de corriger l’exercice et de rappeler quels sont les socles légaux de la migration.
Remettre les pendules à l’heure
«À chaque séance, des participants me disent qu’ils n’avaient jamais entendu parler de certaines procédures, qu’ils n’avaient pas toujours conscience de toutes les étapes du parcours d’un réfugié. Cela permet de remettre les pendules à l’heure, notamment sur le cadre légal, continue Pauline. Il y a des déclics qui se font pendant la sensibilisation. Par exemple, sur la répartition des réfugiés dans le monde. Les participants qui viennent à ces séances sont loin d’être tous des ‘convaincus’, d’où l’intérêt de sensibiliser des personnes qui ne nous connaissent pas ou qui sont très éloignés de cette thématique. Face aux préjugés et aux simplismes, Convivial est là pour planter une petite graine, en somme.»
Et cette graine, Pauline Wautie l’a portée elle aussi. Si elle n’en parle pas durant la séance, la vie privée de Pauline a été fortement mêlée à tout ce processus migratoire. Après des études dans le secteur socioculturel, où la jeune femme a travaillé sur les questions migratoires, elle a été bénévole dans des camps de réfugiés au Moyen-Orient, région dans laquelle elle a rencontré son mari. Comme il ne pouvait pas venir en Belgique, Pauline a entamé de nombreuses démarches pour qu’il puisse avoir des papiers. C’est lors de ces démarches que Pauline va commencer à travailler à Convivial: d’abord comme bénévole, avant de se charger de la guidance socioprofessionnelle de réfugiés. «C’est une force de mon travail: avoir vécu certaines procédures longues, compliquées comme le regroupement familial, ou savoir ce qu’est l’intégration d’une personne étrangère en Belgique, tout cela permet, dans le cadre d’un travail de sensibilisation, d’expliquer les choses plus simplement, plus humainement surtout», conclut-elle.