Sur le terrain, des groupes « transversaux » composés de représentants de différents secteurs se réunissent autour des problématiques jeunesse. Comment piloter l’innovation au niveau local sans la corseter ? Le groupe de travail 6 a élaboré une proposition de dispositif visant à libérer la créativité locale et à encourager des dynamiques de transversalité.
L’innovation majeure imaginée par le groupe de travail 6 pour piloter et soutenir la transversalité au niveau local serait la création d’un nouveau dispositif, un nouvel « organe ». « Cet organe proposerait un soutien méthodologique pour les projets ou les coordinations locales », nous apprend Isabelle Letawe, attachée du service Jeunesse. Pour Daniel Burnotte, de la société Tr@me, qui a accompagné les réflexions des groupes de travail, il s’agirait d’un « organe intersectoriel et interadministratif ».
« Faire du lien entre intervenants », « lever les obstacles qui empêchent les gens de se mettre autour de la table », « fournir un appui méthodologique » sont quelques-unes des missions dont s’acquitterait cette nouvelle institution. Un organe qui aurait aussi dans ses attributions la possibilité d’aider les porteurs de projets locaux à pérenniser les dynamiques. « Il s’agit de donner l’opportunité à des acteurs de se saisir de prérogatives, d’animer un réseau de structures professionnelles désireuses d’échanger et de développer des stratégies communes », complète Bernard Mathieu, conseiller de la ministre de la Jeunesse, Évelyne Huytebroeck.
« Bottom up » ou « top down » ?
« Il faut aller plus loin dans l’ouverture aux autres secteurs. Il y a encore du chemin à faire à ce niveau. En ce sens, la création d’un réseau, d’une plate-forme serait un plus, nous confirme François Beckers (du Réseau Idée), participant au groupe de travail. Nous avons besoin d’une structure pour nous aider à travailler en réseau. » Une crainte cependant, que la création d’une nouvelle institution ne fonctionne de façon descendante. « L’impulsion ne doit pas venir du haut, elle doit venir du terrain, continue François Beckers. Avec le nouvel organe, ça risque d’être « descendant », ce qui ne faciliterait pas les choses. Par contre, si ce sont les acteurs de terrain qui se réunissent dans une structure pour travailler ensemble, alors la dynamique sera différente. »
Une crainte écartée d’un revers de la main par Jean-François Guillaume, sociologue de l’Université de Liège qui a activement participé aux travaux du groupe. Au contraire, « cet organe pourrait titiller les pouvoirs publics, faire remonter des constats de terrain, rappeler des engagements ». On l’a compris, pour les membres du groupe de travail, pas question de créer un paysage de transversalité forcée. « Il faut préserver les dynamiques locales, précise le sociologue. Tout doit donc se faire sur base volontaire, en s’appuyant sur des diagnostics locaux partagés et sur les envies de faire quelque chose. » De même, la liberté méthodologique des initiatives locales ne sera pas remise en question, ajoute-t-il. « Cet organe serait là en plus de ce que les associations mettent déjà en œuvre, pour mettre des ressources à disposition, pour ajouter des éléments là où les partenaires peuvent se trouver en situation de fragilité et s’épuiser… »
L’équipe de cet organe serait de petite taille, cinq ou six personnes chargées d’alimenter et d’accompagner les éventuels partenaires qui veulent monter des projets ensemble ».
Pour soutenir le « mouvement de la transversalité », le groupe de travail propose une petite « carotte ». Soit une « enveloppe budgétaire », soit des « appels à projets intersectoriels », cela reste à trancher. « Mais ces appels à projets devraient être assez généraux », prévient le sociologue de l’Ulg, pour éviter de « trop cadrer » les initiatives. « Les besoins des jeunes varient d’un territoire à l’autre, explique Daniel Burnotte, donc il faut un dispositif très souple. »
Pas de couche administrative supplémentaire
Dans ce modèle imaginé par les membres du groupe de travail, le mouvement serait donc ascendant. Des initiatives venues du terrain, au plus proche des réalités locales, émergeant avec l’appui de ce futur « organe » encore à définir.
Mais il y aurait aussi un mouvement descendant, que résume Daniel Burnotte : « L’idée est que le Plan jeunesse devienne un référentiel commun et que la Conférence interministérielle assure la cohérence des politiques. La proposition est que les administrations identifient les espaces de concertation existants et voient comment leur envoyer un message clair pour traiter tel aspect de cette politique. Une circulaire interministérielle pourrait être un outil permettant de légitimer la dynamique. »
Il n’y aurait donc pas de nouvelle plate-forme estampillée « Plan jeunesse » au niveau local, pour éviter d’ajouter une « couche administrative supplémentaire ». L’idée serait plutôt d’investir les plates-formes existantes avec les thématiques du Plan jeunesse. Qu’il s’agisse des conseils d’arrondissement de l’Aide à la jeunesse, des plans de cohésion sociale ou des comités subrégionaux de l’emploi et de la formation par exemple. Ces lieux de concertation devenant ainsi des rouages entre le niveau politique et le terrain. Quelqu’un viendrait y parler « Plan jeunesse ». « Quelqu’un qui aurait une vision transversale de tous les diagnostics locaux et qui viendrait alimenter la réflexion », précise Daniel Burnotte. Certainement quelqu’un d’issu du fameux « organe ». Et, peut-être que certains professionnels reviendraient sur le terrain la tête pleine de rêves de collaborations transversales. Ils se lanceraient alors à bride abattue dans des projets transversaux. Qui sait ?
Cette architecture de l’animation territoriale reposerait donc sur les bonnes volontés locales. Sur ces associations volontaires animées par le désir de travailler ensemble. Le hic, c’est que les territoires de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne possèdent pas tous le même tissu associatif. « Il peut exister un problème dans les lieux où il y a peu de structures », admet Daniel Burnotte. « Le grand risque est que cela favorise les territoires où il y a déjà des dynamiques locales. Cela peut être très discriminatoire d’un territoire à l’autre », ajoute-t-il. Comment dépasser ce problème ? En renforçant le secteur jeunesse répond-on par exemple du côté de For’J. Le groupe de travail a une position plus mesurée, comme le détaille Daniel Burnotte : « C’est un enjeu important, mais avant de combler des disparités territoriales pour éviter des discriminations, il faut au moins faire un inventaire transversal des structures qui existent et des politiques qui sont menées. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de maison de jeunes dans une commune qu’il n’existe pas d’acteur qui assume un rôle dans le domaine de la jeunesse… »