« Ni vision, ni ambition », « un plan bâclé », tels sont les qualificatifs que le Bral (Brusselse Raad voor het Leefmilieu)1, la CSCBruxelles2 et IEB (Inter-Environnement Bruxelles)3 ont accolés au PDI, le Plan de développement international de Bruxelles. Ils demandent la suspension des mesuresdéjà lancées, la réorientation du plan et une large concertation de la population bruxelloise.
Au cours de l’automne 2007, le projet du PDI avait fait couler beaucoup d’encre. Pour rappel, celui-ci a pour enjeu majeur « d’assurer dans un cadre international le développementéconomique, culturel et social de Bruxelles de manière durable et équitable, au profit de tous, usagers et habitants de la Ville-Région ». Le Bral, IEB et la CSCdoutent sérieusement de ses chances. S’ils souscrivent à l’ambition du PDI, ils le trouvent très mal élaboré.
Ceci n’est pas un plan
Pour Myriam Gérard, secrétaire régionale de la CSC Bruxelles, « si la ville a des atouts, Bruxelles est aussi « enfermée » dans ses frontières, il est doncdifficile d’avoir une vision « métropolitaine ». On ne peut pas réduire le PDI à de l’immobilier. » Et de souligner qu’il est dommage que « le PDI ne s’appuie pas surdes méthodologies déjà réfléchies dans les universités. La méthode de benchmarking pour comparer Bruxelles à d’autres villesconcurrentes n’est pas suffisante. Le plan n’est ni assez solide, ni assez ambitieux. Il sous-estime la nécessité de se concerter avec les deux autres Régions. Il ne tient pascompte non plus du flux automobile. »
Elle renvoie à l’avis du Conseil économique et social de la Région de Bruxelles-Capitale (CESRBC) du 21 février 2008, lequel précise que le PDI n’est pas «un plan », ni « un texte légal ou réglementaire » et encore moins « un plan contractuel ». Il s’agit « d’une ébauche de programme »,baptisée « feuille de route » par le gouvernement bruxellois.
Si l’ensemble du Conseil souscrit à l’approche « marketing de la ville-(région) », au développement d’équipement collectifs, culturels et sportifs, àl’amélioration de la qualité de la vie et à une gouvernance plus efficace, l’ensemble des organisations représentatives des travailleurs et des classes moyennes pointe lesrisques de :
• « vente des derniers grands espaces fonciers immobiliers disponibles à des promoteurs immobiliers, en vue d’investissements de prestige international ;
• nouvelle pression à la hausse des prix de l’immobilier (et donc des loyers) ;
• gentrification accrue des quartiers, chassant de la ville des ménages à faibles revenus ;
• construction de nouveaux immeubles de bureaux, alors que 10 % des bureaux existants ne trouvent pas d’acquéreurs. »
Risque de dualisation accrue
Abondant dans le même sens, An Descheemaeker du Bral pointe aussi « le risque de dualisation de la ville et l’impact sur la qualité de la vie ». Pour elle, il n’y a pas deréelle évaluation des impacts du PDI au point de vue social, économique, sur les commerces ou encore la mobilité. La dynamique est majoritairement en faveur desinvestissements privés. Et la représentante du Bral de s’interroger sur le rôle de l’Agence d’urbanisme pour le développement du territoire dont on parle tant.
Sur ce point, on sait aujourd’hui que ce rôle sera assumé par le SRDU (Secrétariat régional au développement urbain) qui devient l’Agence de développementterritorial (ADT). Ses missions vont justement évoluer sur « la connaissance et le développement territorial, principalement dans le cadre du PDI ».
Pour sa part, Mathieu Sonck d’IEB estime qu’il ne faut pas tout miser sur le développement exogène (international) mais qu’il faut davantage prendre en compter l’aspect endogène.« Il faut aussi capitaliser sur les êtres humains », précise-t-il. À force de vouloir concurrencer les autres villes, on tend trop à réduire lafiscalité pour attirer les investisseurs. Et le risque est grand qu’à terme, la fiscalité se révèle insuffisante pour contribuer à financer les servicespublics (entretien des voiries, transports publics, etc.). Il reproche aussi au PDI de négliger le développement durable, pas seulement en termes de mobilité, mais aussi entermes d’investissement : « Il ne sert à rien d’investir dans des projets qui seront périmés dans 10 ans. » On relèvera encore que les trois organismess’opposent au projet de création d’un grand centre commercial au nord de Bruxelles, lequel nuirait à la politique de revitalisation des noyaux commerciaux.
Invitation au dialogue
En conséquence, le Bral, la CSC et IEB plaident pour une vraie concertation des habitants et pour une réflexion élargie à une communauté urbaine bruxelloisedébordant les dix-neuf communes. Le Bral et IEB ont pris l’initiative de rassembler les comités de quartier pour entamer une réflexion. Ils ont déjà ouvert un siteweb pour entamer ce dialogue (www.bruxellesvilledurable.be), tout en précisant que ce n’est pas forcémentà eux de proposer un mode de concertation plus large – sous-entendant ainsi que c’est le rôle des pouvoirs publics. Dans cet esprit, le ministre-président, CharlesPicqué (PS), a été invité pour une discussion, mais cette rencontre n’a pu se faire. « La porte reste bien entendu ouverte », s’empresse d’ajouter MathieuSonck.
Dans l’attente d’une nouvelle approche, les trois organismes demandent au gouvernement bruxellois un moratoire jusqu’au élections régionales de 2009. Ils considèrent qu’ilfaut « cesser de foncer la tête la première dans un ‘plan’ et la réalisation d’équipements vite et mal pensés et de laisser, au contraire, le débatdémocratique auquel donneront lieu ces élections constituer le premier ferment d’une vision globale de la ville, qui soit fondée, y compris dans ses aspects internationaux, surles besoins de ses travailleurs et habitants. »
Et la FGTB ?
Le syndicat socialiste ne s’est pas joint à cette conférence de presse à cause de divergences de vue. « On a déjà trop traîné dans ce dossieret demander un moratoire serait calamiteux », explique Philippe Van Muylder, secrétaire général de la FGTB Bruxelles4, avant de souligner que ce gouvernement adéjà trop tendance à traîner pour mettre en œuvre ses différents plans. Et là, même le Bral, la CSC et IEB sont forcés de lereconnaître. « Il faut donc mettre en œuvre le plus rapidement possible le PDI, au lieu de le mettre au frigo, martèle le secrétaire général. LaRégion ne peut aller mieux en se positionnant
contre le développement économique. »
Bien sûr, la FGTB partage la position de la CSC et des classes moyennes sur les risques évoqués plus haut, elle pointe aussi la nécessité d’investir dans ledéveloppement endogène (« capital humain »). Par ailleurs, le syndicat socialiste insiste sur la nécessité de défendre et de développer lesfonctions faibles de l’économie urbaine, à savoir le secteur des services, les services publics et les services non marchands. Telles sont quelques-unes des conditions posées parla FGTB concernant une croissance urbaine qu’elle ne veut pas effrénée. Et de reprocher au passage à la CSC de s’inscrire, un peu trop, dans une spirale de décroissanceexcessive.
1. Bral vzw (Brusselse Raad voor het Leefmilieu) :
– adresse : place du Samedi, 13 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 217 56 33
– site : www.bralvzw.be
2. CSC Bruxelles :
– adresse : rue Pletinckx, 19 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 508 87 11
– site : www.csc-bruxelles.be
3. Inter-Environnement Bruxelles :
– adresse : rue du Midi, 165 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 223 01 01
– site : www.ieb.be
4. FGTB Bruxelles :
– adresse : bd de l’Empereur, 34 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 552 03 45
– site : www.fgtb.be