Le Plein Open Air (POA) 2005, huitième du nom, a renoué avec l’itinérance qui caractérisait ses six premières éditions. Avec un thèmefédérateur : la gentrification de la ville.
Un événement nomade
C’est en partie par choix et en partie contraints, que les organisateurs sont revenus au nomadisme cette année. Après l’incrustation réussie, l’an dernier,quatre semaines durant, sur le site de la cité administrative (voir Alter Échos 163& 169), l’équipe du cinéma Nova1 voulait réaliser un « mix» : quelques activités en résidence sur un lieu symbolique et une série d’animations et d’ateliers itinérants. Mais le lieu symbolique choisi cetteannée s’est refusé aux organisateurs : les terrains du projet immobilier Heron City (le long de l’avenue de la Toison d’Or, entre les rues des Drapiers, de Stassart et Chevaliers)leur sont restés fermés. Pour cause : jusqu’à une semaine du début de l’événement, les tractations allaient bon train avec ProWinkol’investisseur d’origine néerlandaise, nouvel acquéreur du site.
Vers une ville lisse ?
Au programme des trois semaines consacrées à la « gentrification2», une série d’ateliers, de visites, de projections, de performances etd’installations (re)visitaient des quartiers en pleine mutation. Ainsi de la caserne Albert, dans le quartier du Petit Sablon, en passe d’accueillir, outre 17.000 m2 de bureauxpour les Affaires étrangères, un quartier de 13.000 m2 de logements de haut standing. Les militants d’une ville habitable par tous ont aussi investi, pour lapremière fois, la galerie Ravenstein. Ici, c’est le promoteur Robelco, propriétaire à 65 % de la galerie, qui ambitionne de « redonner son éclat »à ce lieu trop populaire à son goût. Et de relier le centre-ville au Palais des beaux-arts en adaptant la gamme des commerces à son public. Au détriment des nombreuxhabitués des cafés et snacks de la rotonde ? Aux ateliers Mommen, dernière cité d’artistes du XIXè siècle, sise à Saint-Josse, lepublic était invité à une table d’hôtes tous les dimanches. Et à réfléchir au statut et au rôle social des artistes, à l’heureoù la pression immobilière tend à les repousser, eux aussi, hors de la ville – même si dans le cas des ateliers Mommen, un arrangement a pu être trouvégrâce à une action concertée de la commune de Saint-Josse et de la Politique des grandes villes au fédéral, qui ont chacun investi 1.420.000 euros.
Cent fois sur le métier …
Heureuse du déroulement de cette huitième édition, l’équipe de bénévoles du Nova (dix personnes durant l’année, une quarantaine pendantle « festival») se donne le temps pour le prochain POA. La formule mixte a fait ses preuves. Et l’impact dans les dynamiques associatives s’apprécie notamment au regarddes partenariats qui se nouent d’année en année. Pour une série de comités et d’associations, le POA est une occasion unique de sortir d’un certainconfinement médiatique. C’est aussi l’occasion pour leurs membres de se rencontrer et de renforcer leurs logiques d’intervention dans l’espace urbain.
Au regard de l’enjeu soulevé cette année, à savoir rendre la ville habitable et abordable pour les moins nantis, le POA n’est qu’un levier, qu’unesource d’impulsion, reconnaît Marie-Eve. Cheville ouvrière parmi d’autres, elle relève que des alternatives à la gentrification existent. Trèslocalisées, elles reposent souvent sur la combativité et l’inventivité d’un petit groupe de personnes. Pour que la ville soit « toutes classes socialesadmises», il faudrait à tout le moins réfléchir à des mesures structurelles telles que l’établissement d’un plafond pour le prix des loyers,conclut-elle. Rendez-vous l’année prochaine ?
1. www.nova-cinema.com
2. Embourgeoisement, colonisation d’un quartier par un groupe au capital socio-culturel et financier supérieur à celui des habitants d’origine, sans égard pourceux-ci.