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Regard critique · Justice sociale

Flandre : l’accueil de l’enfance aide surtout les parents les plus favorisés

À qui profitent le plus les 200 millions d’euros consacrés chaque année par le gouvernement flamand à l’accueil de l’enfance ? En tout cas, pas auxplus défavorisés, selon les conclusions d’une enquête de l’Université d’Anvers.

27-10-2009 Alter Échos n° 283

À qui profitent le plus les 200 millions d’euros consacrés chaque année par le gouvernement flamand à l’accueil à l’enfance ? En tout cas, pasaux plus défavorisés, qui ont bien du mal à franchir les obstacles. Ce sont les conclusions d’une enquête de l’Université d’Anvers1.

On connaissait déjà la Loi de Murphy. Plus sérieusement, pour commenter leurs conclusions, les chercheurs du Centrum voor Sociaal Beleid (CSB) de l’Universitéd’Anvers font référence à la « Loi de Matthieu », tirée d’un verset de la Bible (Matthieu 25.29 : « Car on donnera à celuiqui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a… »). Appliqué aux sciences humaines, cela donne que même les mesuresles plus sociales finissent toujours par manquer leur cible et par bénéficier davantage aux riches ou aux classes moyennes qu’aux plus démunis. L’enquête du CSB aété effectuée durant l’année scolaire 2004-2005 auprès de presque 3 000 familles flamandes ayant au moins un enfant âgé de moins de 3 ans.Les familles ont été réparties en 10 classes de revenus disponibles, mais aussi selon d’autres facteurs comme la profession du père ou le niveaud’études de la mère.

Cumul de handicaps

Les chiffres sont frappants : 82 à 96 % des parents appartenant aux classes supérieures de revenus ont recours à l’une des formes d’accueil, contre seulement 37 % deceux qui ont les revenus les plus bas. Lorsque l’on examine les résultats en fonction de la profession du père ou du niveau d’études de la mère, on retrouveles mêmes tendances : seules un tiers des femmes n’ayant pas été plus loin que les études primaires ont recours aux possibilités d’accueil contre deuxtiers des diplômées du supérieur. Même en ce qui concerne les crèches (moins chères pour les bas revenus) et « l’accueil informel »(voisins, famille), on retrouve les mêmes tendances. Et pourtant, les besoins ne sont pas moins criants : les familles monoparentales sont par exemple bien plus nombreuses parmi les classes lesplus défavorisées de l’échantillon.

Les auteurs voient plusieurs explications concernant cet état de fait. Qui, toutes, reviennent à dire qu’en fait, les personnes à bas revenus cumulent les handicaps:
– Elles sont moins nombreuses à avoir un emploi, et quand elles en ont, ce sont bien souvent des emplois de courte durée ou à mi-temps, alors que les places dans lescrèches se réservent des mois à l’avance et requièrent donc une certaine stabilité de situation. Les deux tiers des femmes sans emploi n’ont recours àaucun système d’accueil, contre 14 % seulement de celles qui travaillent à plein temps. Or, si 31 % des femmes interrogées sont sans emploi, elles sont seulement 5 %à affirmer qu’il s’agit là d’un choix de vie.
– Elles ont des réseaux informels moins étendus. Et, plus inattendu, leurs grands-parents sont moins disponibles. Les auteurs ont établi un indicateur de disponibilité desgrands-parents en se basant sur leur état de santé, la distance entre le domicile de l’enfant et celui des grands-parents et la situation d’emploi de ceux-ci. La aussi, lesdifférences sont nettes : 26,4 % des plus démunis n’ont pas de grands-parents du tout contre 4,9 % des plus riches. Et au sein des classes moyennes et aisées, lesgrands-parents sont en moyenne deux fois plus disponibles que dans la catégorie la plus démunie.
– Enfin, elles sont aussi moins efficaces dans leur stratégie de recherche.

Au total, dans le cas de l’échantillon, l’État a consacré plus d’argent aux 1 500 familles les plus riches qu’aux 1 500 familles les pluspauvres ! Ces conclusions sont identiques à celles d’une étude datant de 1995 et on peut donc difficilement parler d’une amélioration de la politique sociale dans cedomaine. Sur les près de 200 millions consacrés par la Flandre à l’aide à l’Accueil de l’enfance, 130 millions le sont via Kind en Gezin et 60 millions par le biais dedéductions fiscales. Ces dernières ne bénéficient pratiquement qu’aux classes les plus aisées, ce qui amène les auteurs à suggérer desupprimer les systèmes de déduction fiscale et de plutôt utiliser cet argent pour élargir l’offre existante. Mais, comme ils le soulignent, on peut se demander si cettepiste-là est politiquement jouable.

D’après De Morgen et De Standaard

1. www.centrumvoorsociaalbeleid.be

Pierre Gilissen

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