Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

Vu de Flandre

Flandre : la multiplication des réseaux d'information de quartier

En Flandre, les réseaux d’information de quartier se multiplient.

12-06-2011 Alter Échos n° 317

Des voisins qui se constituent en réseau pour prévenir des faits de délinquance dans leur quartier… On voit bien l’intérêt que cela peut avoir mais on voit toutaussitôt les dérives que cela pourrait engendrer. Entre-temps, ils seraient déjà près de trois cent mille en Belgique à faire partie d’un tel réseau etl’écrasante majorité d’entre eux habite en Flandre.

Avec seulement vingt réseaux d’information de quartier (RIQ) wallons sur un total de 465 en Belgique, il s’agit incontestablement d’un phénomène très flamand. Le plusgrand réseau de Flandre se trouve à Zoersel – en Campine anversoise, à mi-chemin entre Anvers et Turnhout – et compte près de 700 membres. Le quartier desFleurs (Bloemenwijk) de cette commune verte, avec ses villas entourées de pelouses millimétrées, n’est pas à proprement parler un coupe-gorge, mais il a subi fin 2000 unevague de cambriolages à laquelle la police locale a eu bien du mal de faire face. Le RIQ est né peu de temps après dans ce quartier où la moyenne d’âge est decinquante-huit ans.

Presque tous les habitants en sont membres, ont une alarme bien visible sur la façade de leur maison et un autocollant avec le numéro de la police locale sur leurtéléphone. Ils n’hésitent pas à utiliser le numéro en question dès qu’ils observent quelque chose d’inhabituel. Des exemples ? Un inconnu qui prend desphotos sur la voie publique, une voiture immatriculée en Pologne (il s’avérera que les occupants allaient à une fête privée, mais s’étaientégarés) : autant de prétextes suffisants pour que la police procède à des vérifications à la demande de l’un ou l’autre riverain. Une autre fois,c’était une voiture avec des Rom à bord. « La police n’a rien trouvé mais elle a eu de nettes présomptions qu’ils préparaient quelque chose. Ilsétaient également connus des forces de police. Mais le contrôle les a probablement découragés. Et c’est bien là le but », explique un membre duréseau.

Recadrages

Le premier RIQ de Belgique a été créé en 1994 à Poperinge, dans un contexte fort différent. Il s’agissait d’un quartier commerçant en proie auxagissements d’une bande armée venue de la France voisine. À la suite du succès de l’opération, l’expérience a été étendue à toute laFlandre occidentale, puis à la Flandre orientale, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur de l’époque, Johan Vande Lanotte (SP.A), lui-même originaire de Poperinge. Ala fin des années 90, on comptait une cinquantaine de réseaux mais les critiques commençaient à fuser également : dans certains cas, l’intervention desriverains n’était pas loin de tourner au lynchage de présumés auteurs ou, au minimum, de générer un plus fort sentiment d’insécurité que l’inverse.Les défenseurs des Droits de l’Homme soulignaient aussi de nombreux problèmes liés au respect de la vie privée.

En 1998, le même Vande Lanotte publiait alors une circulaire fixant les règles du jeu : pas question d’espionner activement ni de patrouiller dans un quartier. Et surtout :la fonction du réseau est de signaler à la police des situations suspectes et non pas d’intervenir. Ce texte a permis de distinguer nettement les RIQ de tout ce qui pourraits’apparenter à une milice privée et qui tomberait dès lors sous le coup de la loi. Depuis, d’autres ajustements sont intervenus. Tout réseau d’information de quartier doitavoir un coordinateur et la plupart des services de police déclarent faire un « screening » approfondi de tous les candidats coordinateurs de manière à éviterles « têtes brûlées ».

Si tout le monde reconnaît que la criminalité est particulièrement basse dans le Bloemenwijk, tout le monde n’est pas convaincu non plus des bienfaits du RIQ. Sous couvertd’anonymat – ce qui en dit déjà long – une habitante confie que le climat de peur et de suspicion permanente généré par ce genre d’initiative lui estinsupportable. Une veuve du quartier explique aussi être allée s’excuser auprès de sa jeune voisine pour avoir envoyé une patrouille de police la surprendre avec sonfiancé dans sa voiture à quatre heures du matin…

Quant aux services de police, ils sont partagés sur l’utilité du système : certains parlent d’une excellente collaboration, d’autres estiment être parfoissubmergés par des informations inutiles qui les empêchent de faire la part essentielle de leur travail.

D’après De Knack

Pierre Gilissen

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)