Foodwe est une plateforme collaborative qui met en relation des professionnels de l’alimentation et des associations. Outre la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’objectif du site est d’offrir ou de vendre à faible prix des invendus aux acteurs de l’aide alimentaire. Rencontre avec Olivier Neufkens, un des initiateurs du projet.
Alter Échos: Comment est née votre initiative contre le gaspillage alimentaire?
Olivier Neufkens: Quand j’ai lancé ce projet en 2014, j’avais d’abord le pressentiment que l’économie collaborative contenait des démarches très commerciales. Mon souhait était de démontrer avant tout que des plateformes technologiques de ce genre pouvaient essayer aussi de résoudre des enjeux sociaux et sociétaux, sans pour autant avoir un modèle économique prédéfini.
Alter Échos: Et sur le gaspillage? C’était une évidence pour vous?
O.N.: Non, c’est d’abord cet essor de l’économie du partage qui a poussé ce projet. Puis, très rapidement, on s’est engagé sur le gaspillage alimentaire, thématique qui était moins présente dans les médias qu’aujourd’hui. À l’époque, on entendait régulièrement que des volumes importants de produits pourtant consommables étaient carrément jetés par des producteurs ou des agriculteurs. D’où l’idée de faire ce projet pour une consommation humaine. Le choix a été fait de se focaliser sur des initiatives qui permettraient de soutenir les acteurs de l’aide alimentaire, en leur donnant un accès à des surplus ou des invendus.
Alter Échos: Comment peut-on participer à votre plateforme?
O.N.: Si vous êtes un acteur de l’aide alimentaire (CPAS, épicerie sociale, association caritative…), vous pouvez créer votre profil sur la plateforme. On organise un «screening», en demandant quelques informations supplémentaires comme un numéro Afsca, sur les activités d’aide alimentaire, sur les aliments recherchés, etc. Si vous êtes une entreprise désireuse de donner ou de vendre des vivres, on vous posera des questions sur vos motivations, sur les produits… On travaille beaucoup avec des agriculteurs, les filières fruits et légumes ou viande également de l’agro-industrie. De la sorte, on peut préciser et accompagner les besoins de chacun, tout en favorisant les liens entre les professionnels de l’alimentation et le monde associatif. Finalement, on intervient assez peu, une fois que la mise en relation est faite. Par contre, et c’est bien en dehors du monde virtuel, on participe avec nos bénévoles et des associations à des actions de récupération et de glanage, soit sur des marchés, soit chez un producteur directement. Dans ce cas-là, on a plus un rôle de coordination, en identifiant le potentiel de la récupération, en respectant le lieu de production surtout s’il s’agit d’un terrain agricole ou en fournissant le matériel logistique nécessaire. Par ailleurs, certains bénéficiaires peuvent aussi faire des dons d’aliments à d’autres associations. Ces échanges représentent entre 10 à 15% des transactions.
Alter Échos: Et tout est gratuit?
O.N.: Oui, que ce soit pour un producteur ou pour un bénéficiaire. Même dans le cas d’une vente, nous ne prenons pas de commission. Nous partons du principe que la plus-value doit revenir à l’entreprise ou au producteur qui fait un effort, d’autant plus que cela va au profit des acteurs de l’aide alimentaire. On demande seulement que la vente soit fixée à maximum 60% du prix de vente sur le marché. Ce qu’on essaie de faire, c’est de sensibiliser aussi tous ces producteurs à directement livrer leurs produits à ce prix-là pour faciliter le travail des associations. De leur côté, ils respectent cette contrainte et vendent généralement à moitié prix leur production aux acteurs de l’aide alimentaire.
Alter Échos: Aujourd’hui, combien y a-t-il d’inscrits sur votre plateforme?
O.N.: On vient de dépasser les 150 utilisateurs. La très grande majorité des personnes qui donnent ou vendent des aliments sur notre plateforme ne collaborait pas avec l’aide alimentaire auparavant. Plus de 80%! Nous avons rapidement compris que la grande distribution n’avait pas besoin d’une plateforme comme la nôtre puisqu’elle avait déjà des contacts avec les acteurs de l’aide alimentaire. Par contre, pour des agriculteurs ou des producteurs, il y avait un vrai besoin… Mais cela reste surtout une possibilité pour eux d’intégrer la réalité économique du gaspillage alimentaire, d’en prendre simplement conscience également.
Alter Échos: Quant à votre plateforme, elle fonctionne avec des bénévoles?
O.N.: Oui, une dizaine, ce qui veut dire que nous n’avons ni les moyens ni les ressources pour aller voir l’ensemble des acteurs de l’aide alimentaire. C’est impossible pour nous. La Fédération wallonne des CPAS soutient Foodwe, ce qui permet d’avoir plus de visibilité. On aimerait que d’autres acteurs aussi importants fassent une telle démarche à notre égard…
«Réapproprions-nous l’économie collaborative», Matthieu Lietaert, Fil info Alter Echos, 20 nomvebre 2015, Manon Legrand