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Forem Conseil et Forem Formation : des frères siamois en pleine réforme

Le 21 octobre, le Forem

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présentait au public sa nouvelle identité et ses nouvelles dénominations. Derrière les nouveaux logos et les nouvelles couleurs, c’est un remodelage profondqui se poursuit. Le point avec Basilio Napoli et Paul Simar, à la tête respectivement du Forem Conseil et du Forem Formation.

11-10-2004 Alter Échos n° 134

Le 21 octobre, le Forem

1

présentait au public sa nouvelle identité et ses nouvelles dénominations. Derrière les nouveaux logos et les nouvelles couleurs, c’est un remodelage profondqui se poursuit. Le point avec Basilio Napoli et Paul Simar, à la tête respectivement du Forem Conseil et du Forem Formation.

Forem Conseil : au service du marché de l’emploi

Le Forem Conseil est le nom choisi pour l’institution « régisseur ensemblier » du Service public de l’emploi. Il entend se repositionner complètement sur le marchéde l’emploi, avec de nouveaux métiers et de nouveaux modes de partenariat.

Les maisons de l’emploi sont illustratives

Basilio Napoli – L’ouverture des maisons de l’emploi (MdE) constitue notre premier chantier en matière de partenariats, et illustre bien la manière dont le Forem Conseil entends’y prendre. Huit sont déjà ouvertes à l’heure qu’il est (fin décembre), et nous avons des premiers résultats encourageants, à la fois en termes defréquentation au sens strict, mais aussi vu le fait que les gens reviennent. Les MdE créent de la confiance autour d’elles. Pour ce qui est d’évaluer les partenariats avec lescommunes, les CPAS, etc., on a encore trop peu de recul. Cela prend du temps à mettre en place et beaucoup repose sur la personne du coordinateur de la MdE. Mais déjà, danscertains endroits, l’ouverture de la MdE semble s’avérer un élément qui favorise la prise de conscience collective des enjeux locaux de l’emploi et de l’insertionsocioprofessionnelle. Ainsi à Waremme, où la première MdE s’est ouverte, ils ont organisé une rencontre sur les pénuries de qualifications avec le Comitésub-régional pour l’emploi et des employeurs de la zone. Cela permet de préciser les choses, et de se diriger vers une forme de pacte local pour l’emploi avec des indicateurs et unegestion par objectifs de plannings communs. C’est indicatif d’une logique nouvelle, qu’on peut d’ailleurs mettre en relation avec ce qu’est parvenu à insuffler le Contrat d’avenir pour laWallonie.
Alter Échos – Travailler en direct avec les communes, c’est une première pour le Forem ?
BN – Pratiquement, oui. Ce n’est pas quelque chose de facile, mais la mise en place des partenariats se passe bien dans l’ensemble. Et nous sommes très satisfaits de l’équilibreeffectif qui s’y installe. Dès à présent émergent des demandes qui dépassent le cadre strict des MdE. Une commune est p. ex. demandeuse d’organiser localement desformations en soirée.

Outiller des collaborations horizontales

AE – Comment se développe dans l’ensemble le pôle de gestion des partenariats ?

BN – On a repris l’ensemble des partenariats d’insertion socioprofessionnelle existants : asbl d’insertion, entreprises de formation par le travail, régies de quartier, missionsrégionales, Lire et écrire, CPAS, etc. On s’est efforcés d’abord d’assurer l’intendance. Derrière toutes les conventions dont nous réorganisons la gestion, il y ades moyens financiers qui conditionnent la survie de nombre de ces organismes. Cela représente une très grosse logistique administrative. Mais en 2003, nous voulons engager unvéritable dialogue sur le contenu des actions, les publics, les méthodologies. Notre but est d’arriver ensemble à mieux rencontrer les besoins. Ainsi, le Forem Conseil, avec sesconseillers, a un rôle central dans la construction des besoins : il faudra éclairer nos partenaires à ce propos. De façon générale, nous devons contribuerensemble à l’analyse globale du marché et à l’évolution de certaines offres de services. On entend développer un modèle collaboratif où le servicepublic de l’emploi assume des responsabilités particulières, pas dans un cadre hiérarchique basé sur l’autorité, mais dans la concertation, la mise en commund’informations et l’élaboration de pistes communes. C’est dans cette optique que nous commençons à préparer la mise en œuvre du futur Dispositifintégré d’insertion socioprofessionnelle, où les discussions devront aborder les questions des filières de formation et des passerelles entre centres de formation. Nous ensommes actuellement au travail de conception de méthodologies et d’outils, comme des tables de travail communes qui nous feront avancer vers des critères et des langages communs.

Projets sectoriels

AE – De nouveaux partenariats sont-ils déjà à l’ordre du jour ?

BN – Nous travaillons à la signature de conventions avec les secteurs professionnels. Le Forem conseil interviendra :
> sur l’analyse du marché,
> sur l’information et le conseil des entreprises en matière d’aides publiques et de gestion du personnel,
> et sur la publicité des actions des fonds sectoriels.

Nous n’avons entamé ce chantier qu’il y a quelques semaines et sommes encore en phase de démarrage. Nous nous y attaquons, main dans la main avec le Forem Formation qui adéveloppé une telle approche depuis longtemps. Nous planchons aussi avec un secteur particulier, celui de l’intérim : comme service public de l’emploi, nous avons àtravailler sur la diffusion de toutes les offres, et collaborerons donc pour diffuser les offres de missions d’intérim. Mais contrairement à d’autres expériencesantérieures (Passerelle intérim), nous n’enverrons pas de candidats aux agences d’intérim – clairement, il est très difficile d’envoyer des publicsdéfavorisés dans l’intérim.

L’information comme valeur pour l’action

AE – Une autre sphère d’activité qui prend de la place dans votre calendrier de travail, c’est tout ce qui concerne la centralisation et l’analyse de l’information sur lemarché de l’emploi.

BN – Nous partons en la matière d’une approche que nous avons découverte en mai dernier au Québec. Leur travail vise à doter toute la sociétéd’instruments et d’informations, y compris l’étudiant ou le parent d’élève : tout le monde est susceptible d’être sensibilisé. Ils appellent cela « serviceuniversel » dans une acception très large de l’orientation client des activités. Notre souci doit donc être d’apporter de la valeur ajoutée, adaptée ànos différents clients. Bien sûr, cela comprend le travail traditionnel de produire des données statistiques, mais aussi de diffuser de l’info vers les partenaires et lesentreprises via tous nos canaux, en particulier les MdE, les carrefours formation et les espaces ressources emplois. Trois chantiers sont bien avancés :
> un outil d’analyse des fonctions critiques à partir des offres reçues et non satisfaites,
> une étude sur l’inadéquation géographique offre-demande qui posera des questions sur la mobilité,
> une évaluation continue du Plan jeunes +, où on met en relation le type d’actions adoptées et les caractéristiques des publics.

Avec ce dernier exemple, on a constaté que les jeunes les plus scolarisés allaient très vite vers les formules de recherche d’emploi, tandis que les moins scolarisés serediri
gent vers la formation, mais avec de très grosses difficultés. On remarque qu’on ne fait pas assez sens pour ces jeunes-là. On doit apprendre à parler leur langage,par exemple en ouvrant encore plus ces partenariats, en nous associant à des acteurs moins traditionnels, qui sont proches d’eux dans leurs milieux de vie. Ici, le travail sur l’informationoriente donc directement notre action. Il en ira de même sur la mobilité, puisque cette étude pourrait amener à introduire dans notre action une dimensioncomplètement nouvelle.

L’épure a évolué

AE – En plus de nouveaux départements, le Forem Conseil crée aussi de nouveaux métiers. Où en êtes-vous ?

BN – La fonction la moins traditionnelle est celle de conseiller en ressources humaines, qui s’adresse exclusivement aux employeurs. Elle a nécessité un long processus deformation, avec des intervenants extérieurs. On est dans la dernière ligne droite et c’est en ce début 2003 que cette nouvelle fonction démarrera vraiment.

AE – Beaucoup de personnes ont-elles été amenées à changer de fonction ?

BN – Un millier, soit un tiers de notre effectif, mais tout cela a été clôturé en septembre. C’était un défi énorme ! Cela dit, toutes lesfonctions ne sont pas couvertes de façon équilibrée, en particulier en matière d’analyse du marché et de partenariat, alors que nous n’avons pas de budgetsupplémentaire pour recruter. Il va donc falloir réorganiser certains points d’une façon différente que ce que nous avions décidé… On planche parexemple sur l’automatisation plus poussée de certaines fonctions. Mais on ferme des pistes comme des fusions de fonctions : c’est qu’on veut garder la cohérence de l’offre.

AE – Vous avez pourtant abandonné les « agents d’insertion »

BN – Promouvoir des candidats auprès des entreprises – le placement inversé –, c’est une fonction importante, mais très consommatrice en ressources humaines.Or, comme service public, nous devons nous concentrer sur des actions qui touchent un volume de public significatif. On a donc préférer investir sur la dimension collective des actionsde recherche d’emploi. Ce n’est pas neutre non plus d’insister sur cette dimension, vu l’isolement de nombre de demandeurs d’emploi.

AE – On dit que les missions régionales pourraient assumer le placement inversé dans le cadre de leur réforme qui se prépare ?

BN – C’est à la ministre de voir. On peut aussi penser à des agences d’intérim, dans le sens où elles disposent d’un atout : celui d’être déjàprésentes dans l’entreprise.

2. Forem Formation : flexibiliser l’offre, l’élargir et l’accompagner

Au Forem Formation, on parle plus de réorientation que de réforme. Pas de nouveaux métiers, pas de nouveaux départements, mais une externalisation de lapréqualification et un élargissement des activités de formation, et leur répartition en onze domaines.

« Orientation client »

Paul Simar – La réforme de la formation à proprement parler a eu lieu il y a quelques années. La fin des activités de préqualification, touterécente, a amené la fermeture des centres d’orientation (CA-COISP). 20 à 30 collaborateurs ont donc dû migrer vers le Forem Conseil. Nous ne dispensons donc plus que desformations qualifiantes réparties en onze domaines thématiques. Chaque domaine de formation est divisé en lignes de produits de formation, puis en métiers, puis enmodules. Soit plus de 150 métiers et plus de 800 modules de formation. Cette modularisation nous a amenés, sur le terrain, à organiser les équipes non comme des secteursmais comme des ensembles de ressources à disposition d’une offre flexible. Pour le dire simplement, la réponse qu’on doit donner à un candidat, ce n’est plus « Pour telleformation il vous faut dix mois », mais « Vous avez deux mois et vous voulez vous former dans tel secteur : voici ce que nous pouvons faire ». Les longueurs de formation, les tempsd’attente, la facilité d’interrompre pour un emploi, tout cela représente des obstacles à l’entrée en formation. Les abaisser fait partie de la prioritégénérale mise sur l’accessibilité.

Alter Échos – Où en est aujourd’hui ce processus de réorganisation des formations ?

PS – Nous sommes en train de pousser la modularisation de plus en plus loin, et d’améliorer le suivi longitudinal individuel et l’évaluation. Tout cela pose desproblèmes de métier – un formateur ne forme plus l’électricien modèle de A à Z –, d’administration et d’organisation des ateliers. Si vous voyez 25personnes en même temps dans un atelier, il ne s’agit plus d’un groupe homogène. Ils sont en sous-groupes, à différents stades. Pour les formateurs, cela demande detravailler en équipe. Et de faire évoluer la représentation qu’ils ont de leur travail.

AE – Cela résout-il les problèmes de files d’attente ?

PS – Il en subsiste, mais nous avons ouvert un tout nouveau service clientèle qui en atténue les effets : les enquêtes de satisfaction nous avaient montré que toutallait très bien dans les formations mêmes, mais pas avant, ni après. Désormais, toute nouvelle demande fait l’objet d’une prise en charge du début à la fin,de la validation du choix au suivi administratif et aux contacts avec les partenaires, surtout pour la recherche d’emploi. Un service est à présent ouvert dans chaque directionrégionale et il nous reste un semestre pour bien clarifier ce qui leur incombe et ce qui est dévolu aux centres.

AE – Avez-vous pris le parti de diriger plus les gens vers des formations courtes ?

PS – Non, on s’efforce de coller aux demandes, même si les formations ont tendance à raccourcir en moyenne, ce qui nous permet à terme d’accueillir plus de gens àla fois. La fréquentation augmente actuellement de 10 % par an !

Fédérer un maximum de ressources

AE – Cela s’est-il traduit par la fermeture ou l’ouverture de centres ?

PS – Il y a tout le temps des ajustements. Telle formation est supprimée, telle autre déplacée. L’élargissement de l’offre de formations passe par l’ouverture denouveaux centres de compétence. Cette formule contient un potentiel énorme, y compris en termes de partenariat. On mixe nos moyens avec ceux des secteurs, et même avec ceux del’Institut de formation des Classes moyennes, comme dans le cas de la mécanique automobile. Là, on mélange les approches et les publics. Ces formes de décloisonnement vontêtre déterminantes pour notre avenir.

AE – Le Forem formation a coupé toutes les relations avec le tissu associatif ?

PS – On doit revoir nos partenariats avec le secteur de l’insertion, mais là, c’est le Forem Conseil qui a la main. Mais il sera intéressant de développer despartenariats interopérateurs aussi avec l’associatif. C’est à l’ordre du jour pour 2003. Idem avec les CPAS, pour voir ce qu’on peut proposer à des (ex-)contr
ats article 60 ouà d’autres publics. Un autre chantier qui concerne ces opérateurs, c’est la redéfinition des prérequis pour certains domaines, qui doit aller de pair avec la clarificationde nos contenus de formation. On n’entre pas dans une formation de maçon comme dans une formation de rejointoyeur.

AE – Comment le Forem Formation se positionne-t-il sur la formation en alternance ?

PS – Nous y travaillons avec les secteurs, comme c’est déjà le cas dans la construction avec le contrat RAC. On va imaginer des formules similaires avec d’autres secteurs.Autre piste, le développement de formules d’alternance avec l’intérim, entre les missions. L’optique est toujours d’apporter des réponses en termes de qualification à desgens qui veulent surtout gagner leur vie. L’expérience menée il y a quelques années avec l’Upedi avait donné 50 % de CDI : les agences d’intérim s’engageaientà fournir trois mois de mission en six mois et nous faisions le reste.

AE – Y a-t-il d’autres innovations de cet ordre dans votre calendrier ?

PS – Nous envisageons de développer des formules de jobcoaching des gens qui sortent de formation et qui trouvent un travail. Dans le même sens, nous lançons un produitde formation très court pour les tuteurs en entreprise. Nous avons aussi travaillé en termes de récolte d’informations sur le suivi des personnes après leur formation,pour savoir ce qu’ils deviennent. Les premiers résultats sont encourageants : ils valident notre méthode, même s’ils ne sont pas publiables. Tout cela serasystématisé dès février, avec le lancement de notre nouveau système informatique. Cela veut dire des résultats que nous pourrions présenter fin2003.

Processus de Bruges : un atout pour la formation professionnelle

Nous évoquions récemment le processus de Bruges, qui a amené en décembre le lancement d’une coordination européenne des politiques de formation professionnelle(initiale et continue). Paul Simar a suivi ce dossier sur les autorités wallonnes.

« On a franchi une étape importante. Ce processus fait beaucoup plus qu’outiller les échanges intraeuropéens de personnes en formation. C’est aussi plus pointu que leLife Long Learning (LLL), la vague précédente en la matière. » Un aspect déterminant du processus de Bruges est l’accent mis sur la coordination des critèresde qualité de la formation professionnelle, en lien avec la stratégie européenne pour l’emploi.

Mais insister sur la qualité, cela va immanquablement faire rebondir les États sur la question des moyens consacrés à la formation professionnelle.L’intérêt de ce processus va donc être de pousser à plus d’investissements dans ces politiques. Sans quoi on risque de transformer systématiquement la formationprofessionnelle en lieux de relégation.

Validation des compétences : le chantier est ouvert

L’Accord de coopération francophone sur la validation des compétences confiera la mise en place et la gestion de ce nouveau dispositif à un consortiuminter-opérateurs publics. Ceux-ci se sont déjà réunis, depuis octobre, en groupes de travail technique. Paul Simar s’en est vu confier la direction.

À l’heure actuelle et en attendant le vote et l’entrée en vigueur de l’accord de coopération, seuls des travaux techniques exploratoires peuvent être menés.Ainsi, sur les référentiels : identifier les trois ou quatre macrocompétences par métier sur lesquelles travailler en priorité. Actuellement, ce travail se fait enconcordance avec le répertoire Rome français « utilisé comme dictionnaire de correspondance entre compétences », et en rapport étroit avec lesproductions de la CCPQ pour l’enseignement secondaire, « pour garder une continuité avec l’enseignement et pour gagner du temps dans la validation par les secteurs professionnels». Ces travaux préalables portent aussi sur la mise en œuvre des compétences de référence, sur les mécanismes d’agrément des centres, etc.

« Mais tout cela n’existe pas tant que ce n’est pas validé par le futur consortium, précise Paul Simar. On veut surtout préparer les dossiers, ce qui permettra de gagner6 à 9 mois au moment du signal de départ. On aiguise nos couteaux, on rode la collaboration entre les opérateurs. Je me félicite de la très grande ouverture que jeconstate. Elle présage d’un énorme potentiel de décloisonnement, alors qu’il s’agissait là de sujets très épineux il y a seulement trois ans ! »

Thomas Lemaigre

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