Le 10 mai 1991, ce qu’on appelle communément les «émeutes de Forest» débutait dans le quartier Saint-Antoine, à Bruxelles. Il a suffi qu’un contrôle de police sur un jeune du coin dégénère pour que la marmite, sous pression depuis longtemps, ne finisse pas exploser. Mais s’agissait-il vraiment d’émeutes? Ne fallait-il pas plutôt parler d’événements, de turbulences, de révolte? Aujourd’hui, les avis divergent toujours (voir «Comment s’écrivent les émeutes?»).
Ce qui est sûr par contre, c’est que ça a chauffé du 10 au 12 mai 1991. Alter Échos vous propose un petit voyage dans le temps, direction quartier Saint-Antoine. Au travers du regard d’anciens «jeunes», de responsables politiques en fonction à l’époque, de représentants des forces de l’ordre et d’extraits de presse, nous dressons le portrait d’une époque mais aussi bien sûr d’un quartier délaissé, concentrant toute une série de problèmes et qui, à force de sentir oublié, a explosé. Avec, en guest stars, les Volvo 240 de la police locale (lire «Le feu de Forest»).
Trente ans après, quelle est l’ambiance dans le bas de Forest? On est retourné du côté de Saint-Antoine et a effectué un constat, qui concerne l’ensemble du pays: les «émeutes» ont eu des effets. Des dispositifs ont été implémentés. Les contrats de quartier ont permis de rénover le bâti. Le quartier grouille d’associations et d’initiatives. Mais la situation reste compliquée. Le chômage est endémique, les trafics perdurent et la gentrification est source de tensions (lire «Saint-Antoine, quartier sous tension»).
Alors, tout ça n’a servi à rien? Quel bilan peut-on tirer de 30 ans de politiques «inspirées» par les événements de mai 1991? Nous faisons le point avec Fred Mawet, ex-directrice de la mission locale de Forest, aujourd’hui secrétaire générale de ChanGements pour l’Égalité, et Andrea Rea, sociologue, auteur de Jeunes immigrés dans la cité (Éd. Labor, 2002) (lire «En 91, on parlait d’intégration. Aujourd’hui de discrimination»). Nous mettons aussi le focus sur une politique urbaine née au lendemain des émeutes, les contrats de prévention et de sécurité. Qui, comme il se doit en Belgique, est contrainte de composer avec différents niveaux de pouvoir… (lire «Prévention: une trêve sur le terrain, malgré la lasagne institutionnelle»).
Enfin, en guise de dessert, Martine Vandemeulebroucke, qui a couvert les «émeutes» de 1991 pour le quotidien Le Soir, a ouvert la boîte à souvenirs et jette un regard pertinent, un peu amusé, sur les pratiques journalistiques de l’époque (lire «Ceux dont on parlait et qui ne parlaient pas»).
Les photographies de ce dossier ont été réalisées par Karim Brikci-Nigassa dans le Forest d’aujourd’hui. Les illustrations sont signées Manu Scordia et Thibaut Dramaix qui proposent une reconstitution imagée des événements de 1991. Un concept du même trio inspiré de leur exposition «Vive la Commune!»