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Fouilles en prison : le retour de l’arbitraire

Fin octobre, la Cour constitutionnelle rendait un arrêt suspendant les fouilles au corps systématiques dans les prisons. Un énième couac pour la politique pénitentiaire, qui reflète une fois encore la crise grave qui touche nos prisons.

Fin octobre, la Cour constitutionnelle rendait un arrêt suspendant les fouilles au corps systématiques dans les prisons. Un énième couac pour la politique pénitentiaire, qui reflète une fois encore la crise grave qui touche nos prisons.

L’été dernier, les détenus avaient vu leur régime pénitentiaire modifié à travers la réforme de la loi Dupont. Cette réforme devait répondre aux attentes des gardiens, confrontés à une inflation de la violence et des tentatives d’évasion. À l’époque, les observateurs avaient dénoncé la mise en œuvre de fouilles systématiques. La Cour constitutionnelle leur a donné raison, suspendant dans la foulée l’article de la loi de principe du 12 janvier 2005, dite loi Dupont, qui permettait ces fouilles systématiques.

La réforme prévoyait une fouille au corps chaque fois qu’un détenu entrait en prison, qu’il était placé dans une cellule sécurisée ou enfermé dans une cellule de punition ou encore chaque fois qu’il recevait de la visite. « En prévoyant une fouille au corps systématique sans justification précise liée au comportement du détenu, la disposition attaquée semble porter une atteinte discriminatoire à l’interdiction de traitement dégradant », a indiqué la Cour dans son arrêt. Néanmoins, « une fouille au corps peut, dans certaines circonstances, s’avérer nécessaire afin de maintenir l’ordre et la sécurité en prison et de prévenir les infractions, à savoir lorsque le comportement du détenu l’impose ».

Du côté des défenseurs des droits de l’Homme, si l’on se réjouit de l’arrêt, on reste circonspect sur ses conséquences. « On retombe dans l’ancien régime, à savoir que toute fouille dépend d’une décision arbitraire, celle du directeur de prison qui fait ce qu’il veut en la matière, sans rendre de véritables comptes à ce sujet. L’administration est renforcée dans la prise de décision arbitraire », dénonce l’avocat Nicolas Cohen pour l’Observatoire international des prisons (OIP). Aussi, l’avocat de prôner dans le cas d’une fouille d’un détenu une motivation de la décision, soumise et analysée par une juridiction.

Une politique pénitentiaire plus répressive

La balle est donc du côté des directeurs de prison. L’un d’eux témoigne pour nous, sous couvert d’anonymat : « Les fouilles à nu systématiques ne servent à rien et ne vont pas rendre nos prisons plus sûres. C’est seulement la volonté politique et administrative de se montrer plus répressif en prison, en mettant en cause la dignité d’un individu. Pour rendre la fouille utile et nécessaire, il faut avoir des indices probants qui indiquent des risques pour l’établissement, afin d’éviter des fouilles humiliantes et excluantes… » Pour ce directeur, cette situation reflète surtout la grande difficulté d’établir une ligne commune entre tous les directeurs de prison à ce sujet. « Tout change d’une prison à l’autre, ce qui rend les détenus en position de faiblesse face à l’administration. »

Pour l’administration pénitentiaire, on s’étonne tout simplement de la décision de la Cour constitutionnelle et l’on prépare déjà une révision de l’article mis en cause. Pour Laurent Sempot, les conséquences de cet arrêt sont tout simplement « absurdes » du point de vue opérationnel. « En rétablissant l’ancienne réglementation, il est naïf de croire que l’on va pouvoir assurer la sécurité dans nos établissements pénitentiaires. Au contraire, on rend la prison plus fragile. Si l’on a décidé de systématiser les fouilles dans un nombre précis de cas que nous considérons à risque, ce n’est pas pour l’amusement… » Selon le porte-parole, cette décision va donner plus de « paperasse » aux directeurs de prison pour chaque fouille à corps exécutée. Sans compter que, du côté de l’administration, il n’y a actuellement pas d’autres alternatives à la fouille au corps. Bref, on peut imaginer aisément que les débats risquent encore d’être très vifs.

Aller plus loin

Lire Alter Échos n° 369 du 19.11.2013 : Le droit du travail n’entrera pas en prison

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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