Six mois après avoir été écarté de toute fonction ministérielle par son parti, le SP.A, Frank Vandenbroucke rompt le silence avec une charge enrègle contre les politiques sociales menées en Belgique ces dernières années. Pour lui, la Belgique se borne à distribuer des allocations et n’investit pas pour l’avenir.
C’est à la demande du Centrum voor Sociaal Beleid de l’Université d’Anvers que Frank Vandenbroucke s’est livré à cette analyse d’une trentaine de pages qui ne passe pasvraiment inaperçue. Ministre fédéral puis régional pendant dix ans, il se montre tout d’abord sévère sur la manière de conclure des compromispolitiques en Belgique. « Nous scellons des compromis rassurants mais sans profondeur », dit-il. Autrement dit, des compromis qui ne règlent pas fondamentalement lesproblèmes mais qui permettent aux décideurs ne pas perdre la face et de ne pas se fâcher avec leur base. Par exemple, en matière de pensions, une des clefs principales pour pouvoir continuer à les payer est l’assainissement des finances publiques.
Or, après une période d’économies raisonnables, on en est revenu, du fait de la crise, au niveau des années ’90. De plus, alors que l’État s’étaitengagé à activer « en douceur » les demandeurs d’emploi, le taux d’activité en Belgique reste bien en deçà de la moyenne européenne (Europe des 25) pour la plupart des catégories de travailleurs. Pour les plus âgés en particulier (55 à 64 ans), ces taux sont inférieurs de plus de 10 % aux moyennes européennes. Il souligne ensuite que les 5 % du PIB que l’Europe nous impose d’économiser au cours des cinq prochaines années représentent un efforténorme, un tiers en plus que l’austérité si douloureusement ressentie dans les années ’80, le double des ajustements effectués dans les années ’90 pourmettre la Belgique aux normes de Maastricht. Or, selon lui, notre pays est de plus en plus un État social passif qui distribue des allocations plutôt que d’investir pour l’avenir.
Trop de revenus de remplacement
Ainsi, alors qu’en matière de revenus de remplacement, nous nous situions dans la moyenne européenne en 2000, soit 26,5 % du PIB, nous sommes aujourd’hui à30 % tandis que les autres pays européens ont réussi à rester stables de ce point de vue. Conséquence, selon Frank Vandenbroucke : même si l’État parvient à générer de nouvelles recettes au cours des prochaines années, celles-ci seront absorbées par la gestion de la dette publique, les pensions et l’assurance-maladie, à un moment où il faudrait plutôt investir pour l’avenir. L’ancien ministre n’épargne pas non plus le nouveau gouvernement flamand. Il estime quecelui-ci est également occupé à imaginer de nouvelles allocations (allocations familiales complémentaires, assurance hospitalisation) alors que l’urgence seraitplutôt de créer de nouvelles places d’accueil pour les enfants et d’investir dans l’école.
Conclusion : selon lui, c’est surtout la classe moyenne qui va trinquer dans les années à venir. Car si la Belgique pourrait bien quand même parvenir à rehausser le niveau des petites retraites au-delà du seuil de pauvreté, il ne restera certainement rien pour les autres. Il faudra dès lors placer les employés devant un choix :soit recevoir une augmentation de salaire, soit cotiser pour un complément de pension. Deux pistes pour conclure : il faudrait rendre les titres-services plus chers pour les couples àdeux revenus et aussi taxer davantage les revenus les plus élevés.
Le débat est ainsi lancé mais on notera déjà que les propositions de Frank Vandenbroucke diffèrent notablement de celles du livre vert des pensions,concocté par le ministre fédéral Michel Daerden (PS) avec son conseiller Michel Jadot. Le livre vert en question, qui compte quelque 300 pages, prône des ajustements ponctuels et non une refonte totale de la politique suivie jusqu’ici. Ainsi, il estime que si les systèmes de bonus pour ceux qui choisissent de continuer à travailler n’ont pas eu les effets escomptés, c’est avant tout parce qu’ils sont encore insuffisamment connus. Autres mesures proposées : freiner et non supprimer la pratique des prépensions, rendre obligatoire le deuxième pilier (pensions complémentaires), fusionner le fonds argenté (ou fonds de vieillissement) avec un fonds de réserve de l’assurance-maladie et surtout, retarder de trois ans l’âge réel de la retraite.
d’après De Morgen et De Standaard