La fusion des CPAS avec les communes: une idée que l’on ressort régulièrement. Mais cette fois, elle devrait se concrétiser en Wallonie, au grand dam des CPAS de plus en plus mis sur la sellette par les autorités politiques.
Dans la déclaration de politique régionale (DPR), la coalition PS-cdH évoque la possibilité de fusionner, sur une base volontaire, les CPAS et les structures communales, avec le maintien d’un comité spécial de l’action sociale pour l’attribution des aides individuelles. Ce projet de réforme concerne 262 communes. Liège, Namur et Charleroi en sont exemptés, l’idée étant surtout de sensibiliser les villes et communes de moins de 100.000 habitants. Concrètement, cette mesure permettrait de fusionner en une seule administration le personnel et les services, en mettant en commun marchés publics, travaux, assistants sociaux…
«Clairement, c’est une fausse bonne idée, dénonce Claude Emonts, président de la Fédération wallonne des CPAS. Il est faux de croire qu’on va réaliser des économies en fusionnant des structures. C’est un grand rêve de certains bourgmestres, qui considèrent les CPAS comme des gouffres financiers mal gérés et qui veulent les contrôler.» Le risque avec ces fusions, selon Claude Emonts: une rationalisation des effectifs au sein d’une commune, en se séparant d’une partie du personnel.
Par contre, pour le président du CPAS de Liège, s’il s’agit de synergies, c’est une bonne idée. «On le fait depuis longtemps, et en période de disette budgétaire, on compte les intensifier encore. Mais pas au détriment de l’action sociale ou de l’autonomie des CPAS», précise-t-il.
En effet, depuis 2007, des projets ont été mis en place pour développer des synergies entre CPAS et communes. Dès 2009, cela a d’ailleurs été repris comme un des objectifs du gouvernement wallon. Sur le terrain, la mise en place de synergies prend des formes multiples et diverses: marchés publics communs, adhésion des centrales d’achat, mise à disposition de personnel ou encore prêt d’équipement. Un décret permet aussi depuis le 30 avril 2009 la nomination d’un directeur financier pour les communes et CPAS de moins de 20.000 habitants.
D’autres expériences ont vu le jour. À Charleroi, les politiques sociales de la Ville ont été déléguées en grande partie au CPAS. Un regroupement qui gagne en efficience et qui améliore la politique sociale. «Des synergies en ce sens sont tout à fait bénéfiques pour mener et renforcer le travail spécifique qui est le nôtre, explique Éric Massin, président du CPAS de Charleroi. Que ce soit au niveau de la cohésion sociale, de la santé, de l’économie sociale, notre marge de manœuvre est bien plus grande sur le terrain.» Mais avant de parler de fusion, il faudrait, selon ce dernier, garantir les moyens financiers pour mener efficacement l’action sociale sur le terrain. «Or, cette garantie n’est pas apportée.»
Quant à l’aspect volontaire de la mise en place de ces fusions, beaucoup de présidents de CPAS en doutent. «On n’aura aucun mot à dire. Ce sera une absorption pure et simple. C’est le conseil communal qui décidera de la mise en place de ces fusions, alors qu’il n’y a aujourd’hui aucune analyse sur l’impact d’une telle décision», estime Philippe Defeyt du CPAS de Namur.
Protéger l’action sociale des pressions politiques
Du côté de l’Union des villes et communes wallonnes (UVCW), on n’a pas souhaité répondre à nos questions. Le sujet serait trop «touchy», même si l’on nous précise que la fusion est une «planche de salut pour l’avenir des CPAS». «Encore faudra-t-il du courage dans les communes pour ‘déshabiller’ les centres d’action sociale», nous dit-on à l’Union.
«Personne n’ose assumer cette proposition, renchérit Philippe Defeyt. Ce qu’on sait, c’est que les bourgmestres ne supportent pas l’indépendance et l’autonomie des CPAS.» Mais selon le président du CPAS de Namur, le cabinet du ministre Paul Furlan, en charge du dossier, ferait le forcing pour favoriser rapidement ces fusions.
Derrière celles-ci se joueraient surtout des questions de pouvoir politique. «De tout temps, l’aide sociale a été mise en place en dehors du champ des communes. Il faut la protéger contre d’éventuelles manipulations ou pressions politiques. En favorisant la fusion, l’aide sociale deviendra un secteur comme un autre, au même titre que les voiries ou les halls sportifs. Avec le risque de choix budgétaires qui pourraient, à terme, ne plus protéger les citoyens les plus défavorisés», ajoute Claude Emonts.
Car dans un certain nombre de communes, les pressions budgétaires sont déjà très importantes. Sans parler des contrôles du Crac, le Centre régional d’aide aux communes. «Tout cela fait qu’on ne pourra sans doute pas augmenter le nombre de travailleurs sociaux proportionnellement au nombre de demandeurs supplémentaires», explique encore Philippe Defeyt. «Les contrôles à l’égard des CPAS sont de plus en plus nombreux et importants, à croire qu’il y a une criminalisation de l’action sociale», déplore enfin Eric Massin.
Alter Échos: Quel est l’objectif de ces fusions? Une volonté de contrôler le budget des CPAS ou un souhait de réduire le personnel?
Paul Furlan: Le développement des fusions va permettre une utilisation optimale des moyens disponibles, mais également des économies d’échelle. Cela permettra également d’offrir une information plus large. Actuellement, le débat porte trop souvent sur l’intervention communale au CPAS et peu sur l’utilisation précise des budgets mis à disposition, c’est dommage. Bien entendu, tout cela doit se faire sans perte d’emplois.
A.É.: N’y a-t-il pas un risque de contrôler l’action sociale, de la mettre sous tutelle et de réduire l’autonomie actuelle des CPAS au profit des communes?
P.F.: Non il n’est pas question de contrôler l’action sociale. Au contraire, une meilleure information du conseil communal permettra le développement de l’action sociale. Le conseil sera informé des actions globales de l’aide sociale, mais l’aide individuelle restera de la compétence du comité spécial de l’aide sociale.
A.É.: Une grande majorité des CPAS s’oppose à cette mesure…
P.F.: Il est évident qu’il y a toujours une certaine opposition au changement. Cependant, dans la situation actuelle des finances locales, peut-on aujourd’hui concevoir deux systèmes informatiques différents, deux services GRH, des statuts du personnel différents, deux services de marché public…?