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Regard critique · Justice sociale

Logement

Gel de l’indexation des loyers? Le principe est approuvé

De la régionalisation du bail à l’indexation des loyers, en passant par la crise du logement social, Céline Fremault dresse les différents grands défis qui attendent la ministre bruxelloise du Logement.

Le Foyer jettois, à Jette © FLickrcc Hannes De Geest

De la régionalisation du bail à l’indexation des loyers, en passant par la crise du logement social, Céline Fremault dresse les différents grands défis qui attendent la ministre bruxelloise du Logement. (Le logement, qui est aussi au cœur de sa politique sociale. Lire: «Fremault: ‘L’accueil d’urgence ne résout pas le problème du sans-abrisme’»).

Alter Échos: Céline Fremault, certains vous demandent de saisir l’opportunité que représente la régionalisation du bail, dans le cadre de la sixième réforme de l’État, pour généraliser le gel de l’indexation des loyers à toute la région bruxelloise. Êtes-vous favorable à cette demande?

Céline Fremault: Avant toute chose, il faut saisir l’opportunité qu’est la régionalisation du bail parce que toute une série de choses devront être remises à plat par rapport à la législation actuelle. Avec de nouveaux droits et de devoirs à préciser à l’égard des propriétaires comme des locataires, afin d’éviter de filer systématiquement en justice de paix comme c’est le cas aujourd’hui. Pour le moment, on en est encore aux premiers pas. Évidemment, il faudra prendre en compte la situation de grande paupérisation de la région bruxelloise. La question du logement étudiant est, selon moi, un autre point fondamental dans cette réflexion, mais il faudra tenir compte aussi des nouvelles formes de colocation, en veillant à favoriser la mixité intergénérationnelle. Quant au gel de l’indexation des loyers, le principe a été approuvé en avril dernier. Par rapport aux autres régions, le contexte bruxellois est particulier puisqu’on a environ 60% de locataires. Il faut rappeler aussi que le loyer moyen a augmenté à un rythme beaucoup plus soutenu que l’indice santé depuis 2013 et, à Bruxelles, la part des loyers dans le revenu des ménages de moins de 1.500 euros avoisine les 60%. Ce n’est donc pas concevable que les Bruxellois subissent le saut d’index et que les loyers continuent d’augmenter.

A.É.: Pour faciliter l’accès à la propriété des Bruxellois, le Fonds du logement sera notamment renforcé et étendu. Quel public visez-vous?

C.F.: De 1.100, on est passé à 1.400 prêts grâce à un budget supplémentaire de 50 millions d’euros. Cela pour répondre à une série d’indicateurs d’alertes, concernant l’exode des jeunes familles et des classes moyennes. Entre 2008 et 2012, plus de 70.000 Bruxellois ont quitté la région pour aller s’installer en périphérie. Pour nous, c’était essentiel de limiter cet exode: il n’est pas normal de grandir à Bruxelles et que, à l’âge adulte, des quartiers vous soient devenus inaccessibles. Cette situation ne concerne pas uniquement des communes comme Woluwe ou Uccle. C’est pourquoi cinq propositions ont été lancées avec le Fonds du logement: le montant maximal du crédit sera équivalent à la valeur maximale de l’habitation. Dorénavant, le montant maximal qu’un ménage d’une ou deux personnes pourra emprunter sera de 316.672 euros. Cela veut dire que pour les 1 et 2 chambres, le montant du prêt sera suffisant pour couvrir l’ensemble des communes bruxelloises. Pour les appartements de 3 chambres et plus, le montant est suffisant pour les 10 communes du nord et de l’est. Pour les neuf communes du sud et de l’ouest, il couvre le prix médian des quatre communes les moins chères. Les taux des emprunts sont également revus à la baisse pour mieux correspondre aux marchés bancaires actuels. Ainsi, ils oscilleront entre 1,85% et 3%. Le crédit pourra aussi couvrir 120% du montant du bien afin que les droits d’enregistrement ne constituent plus un frein à l’accès à la propriété. La durée du prêt est également revue à la hausse et pourra dépasser les 30 ans pour les personnes âgées de moins de 35 ans. Seule limite fixée: le logement devra être intégralement remboursé lors de l’arrivée à la pension. Enfin, les mensualités seront progressives. D’autres modifications doivent encore être discutées. Par exemple, nous allons essayer de revoir les plafonds des revenus du ménage.

A.É.: Pas moins de 44.000 ménages attendent d’obtenir un logement social à Bruxelles. La construction de nouveaux logements est trop lente pour pallier la demande, et les rénovations tardent à être réalisées. Quelle peut être votre réponse pour pallier ces manquements?

C.F.: On sait que la production de nouveaux logements est largement inférieure aux 6.500 logements sociaux escomptés d’ici à 2019. Bruxelles fait face à une crise de logement liée notamment à l’insuffisance de logements, particulièrement des logements publics et privés à finalité sociale. Cela dit, la Déclaration de politique régionale est ambitieuse pour la création de ces nouveaux logements publics: cela doit être tant du locatif que de l’acquisitif, du logement social que du logement moyen. J’ai toujours dit que les réponses devaient être multiples et complémentaires face à l’insuffisance des logements publics à Bruxelles. Dans ce cadre, la SRLB doit jouer un rôle prépondérant. On élabore d’ailleurs son nouveau contrat de gestion avec deux objectifs: favoriser la simplification et la rapidité des procédures administratives. Pour obtenir des résultats, cela passera aussi notamment par un soutien renforcé aux AIS (agence immobilière sociale, NDLR). Outre l’enjeu principal qui est budgétaire, on doit tenir compte également du foncier disponible – et on sait que c’est un point problématique à Bruxelles – et de la coordination des acteurs concernés. Sur ce dernier point, un conseil de coordination au logement a été créé. Il se réunit toutes les six semaines avec l’ensemble des acteurs publics et les communes concernées pour développer des synergies. Vu la problématique du foncier, l’enjeu est de ne pas faire tout et n’importe quoi partout.

A.É.: Apparemment, la construction de nouveaux logements publics n’est pas la seule solution selon vous. Quelles sont vos autres pistes?

«Si l’on veut être crédible dans la lutte contre la vacance immobilière et l’insalubrité par rapport à des propriétaires privés, il faut pouvoir montrer l’exemple soi-même.», Céline Frémault, ministre du bruxelloise Logement

C.F.: J’attache une place particulière à la rénovation des logements publics. Si l’on veut être crédible dans la lutte contre la vacance immobilière et l’insalubrité par rapport à des propriétaires privés, il faut pouvoir montrer l’exemple soi-même, en arrivant avec des résultats significatifs pour notre propre patrimoine. Plus de 300 millions d’euros ont été dégagés à cet effet sur une période de quatre ans. Mais il faut que la rénovation réalisée dégage un gain qualitatif pour le quartier, au bénéfice de tous les habitants. C’est fondamental de rappeler aussi qu’en matière de construction de nouveaux logements, on n’y arrivera pas seul. C’est pourquoi il faudra développer des partenariats publics-privés (PPP). L’Alliance Habitat prévoit la création de 500 logements dans le cadre de ces PPP. Aujourd’hui, c’est le privé qui produit énormément à Bruxelles. C’est la raison pour laquelle on a besoin de leur expertise par rapport à la création de nouveaux logements, mais il faut les accompagner le plus efficacement possible dans les différents projets. L’essentiel pour nous, c’est que ces partenariats publics-privés soient de vrais partenariats win-win.

A.É.: L’allocation-loyer serait mise en place en 2016. Quel est son principe?

C.F.: C’est un
outil auquel je tiens tout particulièrement, car il permettra à bon nombre de locataires de faire face à la hausse constante des loyers sur le marché privé. Dans un premier temps, on a mené une expérience pilote, lancée en juin 2014, et il faut le reconnaître: les résultats sont assez décevants. Notamment parce qu’on a eu un taux de réponse assez faible. L’expérience pilote a touché un public très restreint. Cela est dû au fait qu’il fallait répondre à une série de conditions cumulatives (candidat à un logement social, limitation des revenus du ménage à ceux des revenus d’intégration sociale, etc.) pour bénéficier de cette allocation-loyer. Sans remettre en cause son application généralisée en 2016 comme le prévoit la DPR, on va devoir travailler en deux temps: d’abord, en corrigeant l’outil, en simplifiant les procédures de demande; ensuite, un consultant externe se penchera sur la généralisation de l’allocation. Ce qui est important, à mes yeux, c’est de bien tenir compte des différentes expériences réalisées à l’étranger… Et d’établir un cadre précis se basant sur des loyers de référence pour mieux cibler les publics visés par cette allocation.

 

 

 

 

 

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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