Le 25 avril, le ministre de l’Emploi bruxellois signait avec les partenaires sociaux régionaux un protocole d’accord en vue d’un Pacte social pour l’emploi des Bruxellois. Le mêmejour, la Région clôturait sa participation au Plan national d’action pour l’emploi, remis lui à la Commission européenne le 2 mai. Plus qu’une énumération demesures, on retrouve transposée dans le « Pare » la dynamique tripartite du Pacte en chantier, avec les contributions de la Cocof et de la Communauté flamande. Gros morceau de cettenouvelle configuration régionale du marché de l’emploi, l’organisation mixte privé/public/associatif du placement. Le Conseil économique et social bruxellois a remis enmars son avis sur l’avant-projet du gouvernement en la matière.
1. Un pacte social?
« Le 1er mai 2001, le ministre de l’Emploi Eric Tomas appelait les partenaires sociaux bruxellois à élaborer avec lui un pacte social, pour relever le défi de l’emploides Bruxellois », rappelle le communiqué du ministre1. Le 25 avril 2002, les travaux ont avancé et les termes du pacte sont fixés. Parties prenantes, outre le ministre : l’Uniondes entreprises de Bruxelles (UEB), la CSC, la FGTB, la CGSLB et les classes moyennes.
Que contient le pacte? On nous annonce un ensemble de mesures à mettre en œuvre conjointement par le gouvernement et le monde du travail, en particulier au niveau des secteurs. Maisprécisément, il est trop tôt pour savoir quoi. On suppose que les quatre axes de la Stratégie européenne pour l’emploi seront couverts (accès au marchéde l’emploi, adaptation aux mutations, esprit d’entreprise et égalité des chances), et un accent fort sur la discrimination à l’embauche est annoncé.
Le Pare (voir ci-dessous), qui permet d’imaginer une partie de la teneur du Pacte social, précise que ce dernier « devra trouver son application concrète via :
> des protocoles sectoriels de mise en application, conclus entre le ministre régional de l’Emploi et les représentants des secteurs professionnels concernés;
> des conventions de partenariat entre les offices régionaux de l’emploi et de la formation et les organismes sectoriels de formation. »
En fait, le 25 avril, c’est un protocole d’accord qui a été signé. Chacun s’y engage à défendre, pour l’un au sein du gouvernement, et pour les autres en interneavec leurs membres, le contenu du pacte. Tout le monde se retrouvera fin mai pour une négociation finale et une signature officielle.
Pour Éric Buyssens, conseiller responsable des matières emploi au cabinet du ministre Tomas, « il s’agit d’aborder les politiques d’emploi et de formation au niveau régional, maisen créant des articulations fortes avec des matières comme les aides à l’expansion économique. On a travaillé sur la manière dont on fait fonctionnerensemble le marché de l’emploi régional. » Ce renforcement du dialogue social régional est aussi une forme de rattrapage par rapport aux dynamiques lancées dans les deuxautres régions. « Le dialogue social se régionalise, et cette tendance va s’accélérer. Le renforcer permet à la Région d’exister et de s’affirmer avec plusd’autonomie et de cohérence, prise entre les deux grands blocs flamand et wallon. »
2. Un Plan d’action régional pour l’emploi?
Le Plan d’action régional pour l’emploi 2002, le Pare, est approuvé le même jour que la signature du protocole. « C’est à la fois notre contribution au Pactesocial et au Plan d’action national, et c’est plus qu’une liste de mesures à prendre : ce plan va vivre sa propre vie et être actualisé tous les ans, nourri par une concertationsociale régionale renforcée », commente Éric Buyssens. Il est donc adressé à la fois aux partenaires sociaux – « Il a fait partie de la même discussionque le Pacte social » – et au gouvernement fédéral, et à travers lui à la Commission européenne. Il tire son contenu de deux sources : la Stratégieeuropéenne pour l’emploi, évidemment, et le Plan régional de développement.
2.1 Pare – Volet régional
Qu’est-ce que la Région y annonce?
> Faire passer de 6 à 9% la proportion de Bruxellois engagés sur des conventions de premier emploi auprès d’employeurs d’une des trois régions.
> En matière de formation en alternance, les primes de transition et les primes de tutorat, ainsi que les mesures de formation individuelle (FPI) serontréaménagées.
> Pour ce qui est du dispositif coordonné d’insertion, en trois ans, 500 places de formation seront créées auprès des associations d’alphabétisation.L’articulation entre préformation et formation qualifiée sera renforcée. Des moyens seront aussi consacrés spécifiquement à l’initiation à Internetdes stagiaires. Le statut et les missions des missions locales et d’OOTB (plateforme néerlandophone de coordination de l’insertion) seront confirmés par l’ordonnance sur lagestion mixte du marché de l’emploi.
> Le projet pilote de journées de screening (tests d’aptitudes professionnelles) des demandeurs d’emploi pour les orienter vers certaines fonctions dans le secteur de la construction seraétendu aux fabrications métalliques et au transport routier. Le chantier du portefeuille de compétences sera approfondi par l’Orbem.
> Pour le secteur non marchand, le volume des ACS sera maintenu. Les 315 postes FBIE seront transformés en ACS, et les conditions d’accès à tous les PRC (sauf les PTP) serontuniformisées à six mois d’inscription comme demandeur d’emploi.
> « La Région bruxelloise propose aux secteurs professionnels bruxellois la création de centres de référence, notamment dans les métiers du métal, de laconstruction et des technologies de l’information et de la communication. Au travers d’une mise en commun des moyens des pouvoirs publics et des secteurs professionnels, lacréation de tels centres vise à réunir dans un même espace un ensemble d’équipements de formation professionnelle de pointe pouvant servir à la foisà la formation initiale des jeunes en enseignement technique, à l’insertion professionnelle des chômeurs et à la formation continue des travailleurs. Ilsconstitueront à terme des pôles de ressource professionnelle et de recherche appliquée en matière de formation. Ils devront enfin être habilités àvalider les compétences des travailleurs tout au long de leur vie professionnelle. La gestion de ces centres sera assurée en partenariat entre les fonds sectoriels et les organismesrégionaux d’emploi et de formation. »
> La Région va « ouvrir dans les quartiers prioritaires des boutiques ‘internet’ libres d’accès, ayant pour objet principal de favoriser l’accès du plus grandnombre aux technologies de l’information et de la communication. »
> Les recommandations du Parlement régional en matière de discrimination raciste à l’embauche seront mises en œuvre, et un vade-mecum sera publié àl’attention des responsables des ressources humaines, des agents d’insertion, etc.
> Dans la zone Objectif 2, un Fonds d’amor&cc
edil;age sera créé pour octroyer des prêts aux PME et/ou y prendre des participations en capital. De nouveaux centres d’entreprisesseront aussi ouverts.
> La création de 300 emplois est prévue dans le cadre du titre-service fédéral. De plus, l’ordonnance sur les enteprises sera refondue, et un statut seracréé pour les Initiatives locales de développement et d’emploi. Dans le cadre de la nouvelle mouture de l’accord de coopération avec le fédéral surl’économie sociale, différentes nouvelles pistes seront poursuivies, dont celles des coopératives d’activité et des incubateurs d’entreprises.
> ‰e soutien de la formation des demandeurs d’emploi dès après leur embauche, avec le lancement de chèques-langue et de chèques-formation.
> Mise en place du « Contrat ville enfance » prévu par le PRD, augmentation des places et des formules d’accueil de la petite enfance, et doublement de la capacité des places d’accueilréservées aux enfants des stagiaires en formation.
2.2 Pare – Volet Cocof
üans le document, on retrouve aussi une batterie d’indicateurs et un résumé de ce qui a été fait en 2001. Mais surtout, on y trouve les contributions de la Cocof etde la Communauté flamande, dont la région, ainsi, « s’assure la coopération ». Ces deux contributions sont thématisées autour de la formation tout au long de lavie.
üue propose la Cocof? Le nombre d’heures de formation dispensées par Bruxelles Formation passera de 780.000 (en 2001) à 945.000. Celui dispensé par son réseau departenaires associatifs passera de 1.100.000 heures à 1.445.000 heures, et les modalités de ces partenariats seront clarifiées par un arrêté d’application dudécret Cocof de 95. Les heures dispensées en partenariat avec l’enseignement de promotion sociale passeront quant à elles de 220.000 à 270.000. Et celles pour lespersonnes handicapées de 13.600 à 30.000.
2.3. Un Pare en lien avec la concertation sociale
Ajoutons enfin que les instances consultatives bruxelloises en matière de formation – la CCFEE francophone et le BNCTO néerlandophone – n’ont pas encore cette annéeété impliqués aussi fort que les partenaires sociaux du CESRB. Ils ont seulement été consultés en fin de processus. « Pour le Plan 2003, nous leursdemanderons leurs propositions, annonce Éric Buyssens. C’est d’autant plus important que l’associatif est présent dans ces deux instances, en particulier à la CCFEE où laFébisp occupe cinq sièges depuis le début de cette année. »
Dans son avis du 18 avril sur le Pare, le CESRB2 s’est félicité du fait que le Plan est plus cohérent que l’an dernier, et plus précis au niveau des orientations.L’articulation avec le futur Pacte social et avec les politiques de la Cocof est aussi accueillie très favorablement. Mais les partenaires sociaux – outre des remarques sur quelquespoints particuliers – regrettent que les priorités ne soient pas plus hiérarchisées, que des objectifs transversaux ne soient pas fixés en termes de taux d’emploi etde qualité de l’emploi, et qu’aucune donnée budgétaire ne soit mentionnée.
3. Et l’ordonnance sur la gestion mixte?
Élément crucial des développements futurs du marché bruxellois de l’emploi, l’ordonnance sur la gestion mixte et la ratification de la convention n°181 de l’OIT sur leplacement des demandeurs d’emploi a nettement avancé ces derniers mois. Le ministre de l’Emploi se refuse encore pour quelques semaines à dévoiler le texte de son avant-projetsur la place publique.
Il l’a cependant soumis aux partenaires sociaux, et le CERSB a remis un avis à son sujet le 21 mars. On en retiendra les lignes de force.
> Le fait de légiférer en la matière est approuvé par tous les membres, à l’exception de la FGTB, qui craint une dualisation du marché de l’emploi, ausens où les opérateurs publics en viendraient à ne plus s’occuper que des demandeurs d’emploi les moins favorisés.
> Le CESRB se félicite que le gouvernement veuille à aller plus loin que les exigences de l’OIT en matière de concertation sociale : une plateforme de concertation surl’emploi serait mise en place, et chaque demande d’agrément ferait l’objet d’un avis du Conseil.
> Mais sur la nature des activités des agences privées et sur les modalités de leur participation à la dynamique du marché de l’emploi, employeurs et syndicatsaffichent un net désaccord entre eux. En matière d’activités autorisées, pour le banc patronal, leur étendue doit être maximale, s’arrêtant seulementaux décisions d’embaucher et de licencier, qui doivent rester des prérogatives exclusives de l’employeur. La proposition du gouvernement de limiter ces activités à la miseà l’emploi et au placement est donc pour eux irrecevable, puisqu’il existe tout un champ intermédiaire d’activités où une intervention extérieure est possible dansla relation entre l’entreprise et son travailleur : outsourcing de la gestion du personnel, formation, consultance (par exemple, en matière de rémunérations), inscription dansles mesures des politiques d’emploi, etc. Les syndicats quant à eux sont en faveur de la définition stricte des activités, et de conditions d’exclusivité entre elles (untype de services par agence privée), telles que le gouvernement les propose.
> Les employeurs s’opposent catégoriquement à la volonté du gouvernement de réclamer une cotisation des agences privées qui refuseraient de participer àdes collaborations avec l’Orbem dans le cadre des politiques régionales de l’emploi. Les syndicats approuvent eux ce principe et se félicitent que l’utilisation du fondsqu’alimenteraient ces cotisations soit pilotée conjointement par les partenaires sociaux et la Région. Tous soulignent le risque que ce dispositif incite les agences privéesà se délocaliser vers la périphérie.
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PAN 2002 : continuité
Comme c’est le cas depuis deux ans, le PAN (Plan d’action national pour l’emploi) 2002 constitué par la Belgique3 dans le cadre du processus européen de coordination despolitiques de l’emploi est un document très dense. Il confirme la tendance à faire un état des lieux des politiques de l’emploi pendant les années récentes au lieude réachalander tous les ans la panoplie des mesures pour l’emploi. On n’y trouve donc pratiquement rien de totalement neuf. Et les nouveautés sont celles annoncées par legouvernement au début de l’année (majoration des réductions de cotisations sociales des employeurs, activation, titre-service, etc.).
Le PAN se concentre sur les cinq recommandations faites par la Commission depuis deux ans :
> mesures préventives du chômage de longue durée,
> amélioration du taux d’emploi des femmes et des travailleurs âgés,
> réduction du coût du travail et rendre l’emploi plus fiscalement attractif,
> mise en place d’une stratégie en matière de formation tout au long de la vie,
> et amélioration de la flexibilité, de la sécurité et de la mobilité de
la main-d’œuvre.
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1 Cab. Tomas : bd du Régent 21-23 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 506 33 11.
2 CESRB, WTC – Tour n° 1 (19e étage), av. du Roi Albert II 30, bte 4 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 205 68 68, fax : 02 502 39 54 ; courriel : cesr@ecsocbru.irisnet.be, site :http://www.ces.irisnet.be
3 Cab. Onkelinx, rue du Commerce 78-80 à 1040 Bruxelles, tél. : 02 233 51 11, fax : 02 230 10 67.
Archives
"Gestion mixte et pacte social : vers une nouvelle dynamique pour l'emploi bruxellois"
Thomas Lemaigre
13-05-2002
Alter Échos n° 120
Thomas Lemaigre
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