Gianpiero Alhadeff préside actuellement la Plateforme européenne des ONG du secteur social.1 Elle fédère une trentaine de fédérations et réseauxeuropéens actifs en matière de lutte contre la pauvreté, de lutte contre le racisme, de promotion des femmes, des personnes handicapées, etc. Il pose la question de laparticipation de la “société civile organisée” à la construction européenne.
Alter Échos – La thématique européenne du dialogue civil vise à créer des lieux formels de discussion entre les autorités et les représentants de lasociété civile. Où en est-on dans cette dynamique ?
Gianpiero Alhadeff – Les ONG sont évidemment les premières à pousser l’idée d’un élargissement de la démocratie européenne. Lapremière étape en a été acquise avec le dialogue social qui donne une place spécifique aux partenaires sociaux. À côté de cela, le dialogue senoue avec le monde associatif, de façon ad hoc selon les thématiques. Ce que nous voulons, c’est aller vers quelque chose de plus structurel : un dialogue durable et suivi, unaccord sur la représentativité des participants, sur comment on travaille et comment on constitue l’ordre du jouir. Un exemple qui nous semble aller dans la bonne direction estcelui des réunions que la plateforme a deux fois par an avec la Commission, où l’ordre du jour est fixé dans des réunions préparatoires, et où le butest d’arriver à des décisions.
AE – Mais des observateurs montrent les risques de cette démarche dans le sens où ce type de lieux est court-circuité en particulier par les lobbies économiques etpatronaux, Ou bien simplement parce que des directions générales comme celle du Marché intérieur ou des Affaires économiques et financières n’yparticipent virtuellement pas.
GA – Bien sûr des choses de ce type se passent. Mais le dialogue civil continue à s’élargir et à s’améliorer. On a aussi des instances patronales –et pas seulement l’Unice – qui viennent nous solliciter pour entamer des dialogues. C’est ce qui nous intéresse dans toute cette montée de la thématique de laresponsabilité sociale des entreprises.
AE – La question de la représentativité est toujours importante, pour des acteurs européens. Or c’est sur ce thème qu’il y a parfois une concurrence entre lesONG et le mouvement qu’on qualifie de plus en plus d’ « altermondialiste ».
GA – La représentativité de nos ONG vient du fait qu’elles rendent des comptes à leurs membres, que leurs structures sont transparentes, qu’il y a unedémocratie interne qui fonctionne, etc. Et pour ce qui est du rapport avec les mouvements « alter-mondialistes », nous avons surtout des points de rencontre. Non seulement sur les questions decontenu, c’est évident, mais aussi, cela me frappe souvent, sur les personnes. Dans l’ONG européenne d’où je viens, Solidar, je connais plusieurs personnes quiparticipent ou même ont fondé des collectifs d’Attac dans leur pays. Beaucoup de nos associations ont un rôle important dans ces mouvements et collectifs. Donc il n’y apas là de frontière rigide et visible. Il y a surtout des manières différentes de travailler, il faut le reconnaître. Mais il n’y a pas besoin d’avoir unaccord sur tout pour avoir des objectifs communs comme un commerce mondial plus équitable, la lutte contre la pauvreté ou le développement durable.
AE – Pour en revenir aux rapports avec les autorités européennes, vous sembliez dire qu’il est nécessaire d’aller plus loin…
GA – Sur le fond, le dialogue civil et les différents contacts entre les acteurs ont contribué à ramener dans les derniers sommets un meilleur équilibre entrel’économique, le social et l’environnemental. Les ONG ont même joué un rôle décisif sur la thématique de l’inclusion sociale qui aété consacrée par le sommet de Lisbonne. Mais évidemment, l’Union européenne, c’est comme un pétrolier : entre le coup de barre et le tournant,il y a une longue distance. Entre le changement dans un texte comme une directive, et son application sur le terrain, il faut plus ou moins huit ans ! On met du temps à voir l’impact deson action.
Mais ce dont nous avons besoin aujourd’hui – et là-dessus on n’est pas satisfaits ! –, c’est d’avoir une base légale au dialogue civil. Ce que nousdemandons au Conseil, c’est qu’il demande à la Commission d’élaborer une résolution interinstitutionnelle sur le dialogue civil. Sur ce point, qui est notrepriorité, on ne retrouve rien dans les conclusions de Laeken. Sans une base légale, le dialogue civil relève du fait du prince et on a souvent l’impressiond’être appelés pour le « tea and sandwiches » comme on dit en Angleterre. Avec une Commission différente, tout pourrait s’arrêter du jour au lendemain. Avec leConseil aussi. Prenez la présidence belge, où les rapports ont été bons dans l’ensemble. Là où nous avons été plus que satisfaits,c’est sur l’attitude de Laurette Onkelinx qui a largement ouvert les portes aux ONG dès avant la présidence. Mais avec la présidence espagnole, c’estdéjà différent pour les ONG. Quelqu’un me disait l’autre jour : « Cest la toundra ». Le désert …et froid ! Il y a eu quelques rencontres limitées,mais on n’a rien obtenu. D’où l’importance d’avoir quelque chose d’écrit en la matière. Or la présidence belge, c’était vraimentle bon climat pour obtenir cela. Mais là, on est reportés à bien plus tard.
1 Plateforme, tél. : 02 511 37 14, fax : 02 511 19 09, e-mail : platform@socialplatform.org , site web : http://www.Socialplatform.org GiampieroAlhadeff : 02 500 10 20.
Archives
"Giampiero Alhadeff : "Associer les ONG à toutes les décisions""
Thomas Lemaigre
24-01-2002
Alter Échos n° 113
Thomas Lemaigre
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