En juillet dernier, le gouvernement wallon sélectionnait dix Groupes d’action locale (GAL) comme bénéficiaires d’un cofinancement dans le cadre du programmeeuropéen Leader+. À partir du cas de l’un d’entre eux, Inter-Environnement Wallonie1 a récemment émis des doutes sur le fonctionnementvéritablement paritaire de ces partenariats public-privé. D’autres acteurs temporisent, voire démentent.
Les groupes d’action locale (GAL) sont un partenariat public-privé mis en place pour « définir, adopter et mettre en œuvre des programmes de développementstratégique locaux » en zone rurale. Ceux-ci, visant à un développement durable endogène, sont soutenus paritairement par la Région wallonne et l’Europedans le cadre du programme Leader. En juin dernier, dix de ces projets trans-communaux ont été retenus par la Région dans le cadre de la programmation 2007-2013.
Dans l’avant-dernière livrée de sa newsletter (n° 44), Inter-Environnement Wallonie dénonçait des irrégularités dans le fonctionnementpartenarial de l’un d’entre eux, le GAL Haute-Meuse : alors que la réglementation européenne dispose que la décision appartient bien à cette instancepartenariale composée pour moitié de représentants de la société civile2, les arbitrages quant aux projets prioritaires finalement retenus auraientété exécutés par les seuls représentants politiques des communes associées dans ce projet de développement territorial (Anhée, Dinant,Hastière, Onhaye et Yvoir).
Selon Lionel Delvaux, qui signe l’article, cette irrégularité ne serait pas isolée parmi les nouveaux GAL. Si l’autorité régionale a néanmoinspragmatiquement retenu leur candidature, l’auteur souligne l’étrange silence de l’administration dans ses avis préalables à la sélection. Et d’yvoir une énième manifestation du mal démocratique wallon. Au détriment de tout élan dynamique dans le développement des territoires concernés maisaussi de toute rénovation de la démocratie ?
Haute-Meuse : l’eau du bain ?
Ce n’est pas l’avis de Xavier Delmon, administrateur de la scrl Tr@me qui assure depuis 2004 l’animation du réseau wallon des GAL3. Selon lui, il est possiblequ’il y ait eu un problème au niveau de la dynamique du GAL Haute-Meuse. Mais s’il est avéré, il ne doit pas ternir les avancées observables globalement.Notamment l’apprentissage de la collaboration trans-communale – avancée quasi révolutionnaire – par les acteurs politiques et administratifs d’un systèmede développement local encore largement dominé par la prééminence des intérêts localistes. Quant à la place réservée effectivement auxpartenariats avec des acteurs de la société civile, « elle occupe un éventail qui va d’un suivi politique très rapproché à une grande autonomiedes associations et organisations partenaires », estime Xavier Delmon.
Au cabinet du ministre wallon du Développement rural, Benoît Lutgen (CDH)4, on voit mal comment les dossiers de candidature des GAL pourraient être en fortdécalage avec la réglementation européenne dans la mesure où pas moins de six administrations sont appelées à remettre un avis sur chacun d’entre eux.Tout en reconnaissant que d’éventuels contentieux locaux pourraient échapper à la perception d’ensemble qui est celle du cabinet ministériel.
Alors, le GAL Haute-Meuse, un cas isolé ? Oui, si l’on s’en tient à la capacité d’un acteur dont le projet a été écarté àmanifester publiquement son mécontentement. La réponse sera plus nuancée si l’on s’interroge sur la culture qui consiste à élaborer des projets àpartir des desiderata des acteurs de terrain (l’approche dite bottom–up, « de bas en haut »). Ainsi dans le GAL « Au fil de la pierre », lequel associe lescommunes de Bertrix, Herbeumont, Libin et Saint-Hubert autour de la valorisation culturelle, touristique et économique de la pierre. Malgré des résultats positifsengrangés, certains partenaires ainsi que l’appui technique (personne assurant la coordination) recommandaient toutefois, à l’issue de la programmation 2001-2007,d’assurer à l’avenir une véritable démarche ascendante commune pour l’élaboration du plan de développement stratégique.
Politisation des GAL ?
Autre grief porté par IEW, celui de la politisation des GAL. Dans leur composition, censée être paritaire privés-publics, une proportion de plus en plus granded’organismes parapublics (maison du tourisme, syndicat d’initiative, centres culturels, etc.) occupent la part réservée à la société civile.
La bonne fin des projets ne semble pourtant pas dépendre d’une association des partenaires privés aux conseils d’administration des GAL. « Beaucoup de choses sepassent dans les groupes de travail ; c’est là que nous associons et consultons étroitement les acteurs, dont des privés (hébergeurs, producteurs, etc.), autour deprojets concrets qui les intéressent directement. Il est vrai qu’il est plus difficile de les voir s’impliquer dans une démarche de pilotage stratégique »,mission centrale des CA, explique Olivier Servais, soutien technique du GAL Entre- Sambre-et-Meuse. Tout se passe comme si, au niveau local, les acteurs privés s’investissaient surtoutdans une logique instrumentale et opportuniste (sans connotation péjorative).
On ne peut écarter la volonté d’un contrôle plus large par les mandataires locaux ; on ne peut exclure une méfiance ou un désabusement des acteursprivés vis-à-vis des acteurs publics. On ne peut exclure non plus que, dans l’ensemble, jusqu’ici, la dynamique des GAL porte des fruits intéressants enmatière de développement territorial et de partenariats locaux en milieu rural.
La « politisation » des CA des GAL serait-elle le reflet d’une culture wallonne où l’action publique est protéiforme et où le partenariat avec lesacteurs privés, en particulier au niveau local, aurait des difficultés à se nouer ? S’il s’agit d’un objectif en soi, alors Leader+ aurait jusqu’iciéchoué sur ce point précis : comment mieux assortir les temporalités et les contingences des acteurs publics et des acteurs privés (associationsindépendantes et entreprises) dès lors que des partenariats entre eux sont considérés a priori comme porteurs de plus-value ?
Cette « politisation » est peut-être aussi le reflet de la nature des projets menés par les GAL et de leur
principal mode de financement : des subsidesdélivrés par des administrations diverses, par fonction et très légitimement sourcilleuses. On touche ici à un autre enjeu de ce type de cofinancementeuropéen : le décloisonnement administratif et l’harmonisation des règles de subventionnement et de justification des dépenses, un chantier toujours àapprofondir.
1. Inter-Environnement Wallonie asbl, fédération des associations de protection de l’environnement :
– adresse : bd du Nord, 6 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 52 80
– courriel : iew@iewonline.be
– site : www.iewonline.be
2. « Au niveau décisionnel, les partenaires économiques et sociaux ainsi que d’autres représentants de la société civile, tels que des agriculteurs,des femmes du milieu rural, des jeunes ainsi que leurs associations, doivent représenter au moins 50 % du partenariat local. » Extrait du règlement européen.
3. Cellule d’animation du réseau, :
– adresse : rue de Liège, 83 à 4357 Limont
– tél. : 019 54 60 51
– courriel : antoinette.deliege@skynet.be
– site : www.leaderwallonie.be
4. Gaëtan Frippiat, service de presse, cabinet du ministre de l’Agriculture, de la Ruralité, de l’Environnement et du Tourisme de la Région wallonne :
– adresse : chaussée de Louvain, 2 à 5000 Namur
– tél. : 081 71 03 57
– courriel : gaetan.frippiat@gov.wallonie.be
– site : http://lutgen.wallonie.be