La personne handicapée reste peu considérée en Belgique. Changer les mentalités semble a priori plus efficace que réaliser des aménagements.
Il faut bien l’admettre, la personne handicapée reste peu considérée en Belgique. Bien sûr, les personnes handicapées peuvent compter sur des allocations ; bien sûr, l’opération CAP 48 cartonne chaque année, des lois, des décrets et autres ordonnances imposent de prévoir des aménagements pour intégrer au mieux la personne handicapée. Des labels sont également octroyés…
Mais cela fonctionne-t-il vraiment ? Au-delà de l’aspect technique, ne manque-t-il pas un peu d’humain ?
Certains se rappellent peut-être encore du témoignage de François Collinet, journaliste et chaisard : « Vous êtes handicapé ou vous êtes journaliste ? »[x]1[/x] Il y évoquait la discussion l’ayant opposé à Emmanuel Deroubaix – attaché de presse d’un artiste alors, élu conseiller communal MR depuis. Ce dernier reprochait à François Collinet d’abuser de son statut d’handicapé pour obtenir une interview de l’artiste. L’affaire avait fait le buzz. Cloué au pilori, Emmanuel Deroubaix avait dénoncé une volonté de le salir, contestant la version du journaliste, tout en présentant ses excuses (!?) et en précisant : « Ce n’est pas à moi ou aux gens que je représente à prendre des mesures particulières pour s’adapter au handicap de ce monsieur. » Réponse des plus discutables, tout comme le fait que certains aient pris plaisir à l’épingler.
Prenons l’exemple des transports publics. Fin 2010, le Centre pour l’égalité des chances et le Conseil supérieur national des personnes handicapées dénoncent le fait que les personnes handicapées doivent réserver leur trajet en train minimum 24 heures à l’avance pour obtenir la garantie d’une assistance. La SNCB promet de changer tout cela. A moins que son site internet n’ait pas été mis à jour, à priori rien n’a bougé. Toujours fin 2010, des élus CDH démontrent qu’il est quasi impossible d’embarquer en chaise roulante dans un bus de la STIB. Cette dernière réplique que les bus sont pourtant aménagés. Mais les chauffeurs connaissent-ils seulement le fonctionnement des passerelles abaissables ? Même question pour les TEC wallons. Si leurs bus sont équipés de telles passerelles, l’interdiction pour le chauffeur de donner un coup de main pour embarquer rend la mesure inutile. Et les TEC nous rappelaient encore en 2011 que la sécurité prime : « Le chauffeur est aussi receveur. Il encaisse de l’argent et ne peut quitter son poste de conduite. Par ailleurs, le risque d’agression augmente quand les chauffeurs quittent leur poste. » Tous ces aménagements ne serviraient donc qu’à décorer ?
Changeons de pays. Prenons les Etats-Unis, où triomphe le libéralisme au détriment de la sécurité sociale, nous assure-t-on. Et prenons deux exemples :
• JFK Airport. Hall d’arrivée. Tout le monde se presse vers la sortie. Une policière hurle : STOP ! Et de la parole et du geste repousse la foule contre le mur pour laisser le passage à une personne handicapée qu’elle a repérée de loin !
• New York. Un bus parmi d’autre. Un chaisard attend à l’arrêt. Là, non seulement le conducteur de bus se lève spontanément de son siège pour aider la personne handicapée à monter mais en plus, il s’assure de l’arrimage correct de la chaise roulante du passager, avant de reprendre place derrière son volant. Et sans se faire agresser.
Changer les mentalités semble a priori plus efficace que réaliser des aménagements. C’est également ce que montrent nos articles « L’enfant porteur d’un handicap mieux accueilli » et « La discrimination sportive inconsciente des médias ».