De nouveaux traitements luttant contre le virus de l’hépatite C devraient révolutionner le traitement de cette maladie virale. Mais à quel prix ?
185 millions de personnes seraient aujourd’hui infectées par le VHC dans le monde. Et les maladies du foie liées à ce virus provoqueraient chaque année le décès de quelques 350 000 personnes. Les cinq pays qui concentrent le plus grand nombre de personnes infectées sont la Chine, l’Inde, l’Égypte (où la pandémie touche 14% de la population), l’Indonésie et le Pakistan. En Belgique, on estime qu’une personne sur cent serait porteuse du virus.
Les traitements utilisés jusqu’ici (principalement la bithérapie Peg-interféron et Ribavirine) ont un taux de succès thérapeutique qui varie entre 50 et 75% et sont associés à une panoplie d’effets secondaires. Il y a peu, une vague d’espoir est née. De nouveaux remèdes viennent de faire leur apparition sur le marché ; d’autres sont sur le point d’être lancés. Ces antiviraux à action directe font parler d’eux. Parmi eux, le sofosbuvir, mis au point par le laboratoire américain Gilead. Avec un taux de succès thérapeutique qui avoisine les 90% et des effets secondaires quasiment inexistants, les avantages de ces traitements sont indéniables. Certains vont jusqu’à imaginer l’éradication de la maladie.
Mais il y a un bémol. Et il est de taille. Le coût du médicament. « Bien que ces nouvelles molécules permettent d’améliorer la qualité de vie des personnes infectées par le VHC et d’augmenter le nombre de guérisons, leur prix les mettra hors de portée de la plupart des personnes qui en ont besoin », soulignait en mars dernier Médecins du monde dans son plaidoyer intitulé Nouveaux traitements de l’hépatite C : Stratégies pour atteindre l’accès universel.
Gilead prévoit d’appliquer différentes stratégies de commercialisation selon le pays dans lequel il va écouler le traitement. Celui-ci sera vendu à prix fort dans les pays à revenus élevés, tandis qu’il sera « généreusement » bradé dans les pays à revenus intermédiaires. Certains pays à faibles revenus pourront quant à eux avoir recours à des licences volontaires (c’est-à-dire une autorisation d’approvisionnement par des producteurs tiers). Oui mais concrètement, combien coûtera-t-il ce fameux traitement ?
Un comprimé de sofosbuvir sera vendu en France à 905 US dollars. Soit 76 000 US dollars par personne pour douze semaines de traitement. En Égypte, un traitement de douze semaines reviendra à 2000 US dollars. Selon les calculs de MdM, le coût de l’administration de sofosbuvir à 55% des personnes atteintes de VHC chronique en France équivaudrait au budget de l’assistance publique des hôpitaux de Paris. En Égypte, le coût du médicament pour l’ensemble de la population touchée par le VHC représenterait cinq fois les dépenses totales de santé publique de l’année 2011… Pourtant, toujours selon l’ONG, le coût de production de ce nouveau remède est estimé à 68-136 US dollars par personne pour douze semaines de traitement. Cela laisse songeur…
Pour Médecins du monde, il faut aujourd’hui « tirer les leçons de la lutte contre le VIH/Sida ». Autrement dit, il faut mettre la pression aux firmes pharmaceutiques. Oui mais comment ? Dans le cas du VIH/Sida, deux stratégies ont été utilisées pour faire baisser les prix des médicaments. En Inde, des actions d’opposition aux brevets, alors jugés « abusifs », ont permis d’accroître la concurrence et de faire baisser les prix. D’autres pays, comme le Brésil ou la Thaïlande, ont émis des licences obligatoires, qui leur permettent de produire ou d’importer des génériques d’un médicament breveté dans le pays (le producteur tiers doit en contre-partie verser des royalties au détenteur du brevet). Deux stratégies qui pourraient aujourd’hui une nouvelle fois être mobilisées dans le cadre de la lutte contre le VHC. Au risque, pour les pays qui y ont recours, de subir quelques pressions de la part des firmes pharmaceutiques…
En Belgique, un plan hépatite C a été lancé début mai. Réactions à ces actualités dans le prochain numéro d’Alter Échos avec l’interview de Jerry Werenne, du Réseau Hépatite C de Bruxelles.