Moqueries, allusions, menaces… Par peur du rejet, de rater une promotion, la plupart des homosexuel(le)s font le choix de ne pas s’afficher comme tels sur leur lieu de travail. Un défipour les syndicats.
Le 3 mars dernier, à Liège, Arc-en-Ciel Wallonie1, la Fédération wallonne des associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans) invitait les syndicatsà se positionner par rapport aux discriminations vis-à-vis des personnes gays et lesbiennes sur leur lieu de travail. La question est d’actualité, à moins de deux mois desélections sociales. De plus, ajoute Vincent Bonhomme, responsable de projets chez Arc-en-Ciel Wallonie, la « Confédération des syndicats européens indique clairementque la lutte contre l’homophobie est une priorité depuis 2009. En France, les syndicats participent régulièrement aux marches de la fierté [NDLR « Pride »]. » La FGTBet la CSC ont répondu présentes, tout comme le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme qui a produit trois études sur lathématique.
L’homophobie n’est pas (ou peu) perçue comme une discrimination
Vincent Bonhomme retient plusieurs éléments des trois études présentées par Yves Dario, du Centre pour l’égalité des chances2 :« La première concerne les représentations des homosexuels dans la fonction publique. Ce sont les clichés classiques qui reviennent : hommesefféminés, femmes camionneuses… Les deux autres concernent le bien-être des lesbisgays au travail. Il en ressort que 50 % des personnes mettent en place desstratégies d’évitement (ton neutre, mensonges : “je pars en week-end avec ma compagne », etc.) pour éviter d’être “Outés”, identifiés commehomosexuels et rejetés. » Les personnes interrogées craignent de rater une promotion ou d’être l’objet de moquerie d’un ou de collègues.
Vincent Bonhomme s’arrête sur les trois difficultés pointées par Thierry Bodson de la FGTB pour faire émerger cette thématique au sein des syndicats :« Premièrement, les délégués syndicaux ne voient pas l’aspect collectif de l’homophobie (c’est un problème particulier) ; deuxièmement, vuqu’on a légiféré en Belgique sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, tout semble réglé. Or la situation au travail reste délicate.Troisièmement, cette discrimination est perçue comme moins grave que le racisme ou le sexisme ». Thierry Bodson estime néanmoins qu’il y a quelque chose à fairedans la formation des délégués syndicaux, entre autres à travers une approche transversale sur la discrimination. Valérie Jacquemin, juriste à la Cellule delutte contre les discriminations de la FGTB wallone3, complète ce propos en insistant sur la nécessité pour sa cellule de se rendre plus visible auprès dupublic homosexuel : « A travers le suivi de campagnes, il faut rendre public le fait que l’on s’occupe de toute forme de discrimination, y compris l’homophobie. Nous pouvons aussiagir dans le cadre de nos formations en entreprise, à l’occasion desquelles nous faisons en plus des diagnostics dans l’entreprise. Ce qui permet de voir si des cas d’homophobie y apparaissentou pas. »
Du côté de la CSC, Luan Abedinaj, responsable du service Nouvelles Migrations et Diversité4, signale recevoir surtout « des plaintes pour discriminationliées à l’âge, au sexe et au handicap. Les plaintes liées à l’orientation sexuelle sont marginales sans doute parce que les gens ont peur de se dévoiler,d’être stigmatisés, d’être mis à l’écart par rapport à une promotion, comme le confirment les rapports du Centre pour l’égalité deschances. » Pour Luan Abedinaj, « cette journée permet de poser des balises pour la suite : il ne faut pas traiter tout sur le même piedd’égalité, il ne faut pas créer de sous-catégories et il faut plus de sensibilisation sur la thématique de l’homophobie dans des colloques et d’autres lieux. Lesdélégués ne sont pas exempts d’a priori. Il faut travailler à plusieurs niveaux. La législation, c’est bien, mais l’entreprise, le syndicat et l’associatifdoivent aussi jouer leur rôle. Il faut davantage de collaboration entre acteurs. »
Les cellules Diversité des syndicats FGTB et CSC comptent donc clairement s’emparer de la question. Parallèlement, Arc-en-Ciel Wallonie compte mener une campagne le 17 mai(journée internationale contre l’homophobie) dans le cadre des élections sociales, qui se tiendront justement du 7 au 20 mai 2012.
1. Maison Arc-en-Ciel de Liège :
– adresse : rue Hors-Château, 7 à 4000 Liège
– tél. : 04 222 17 33
– courriel : courrier@arcenciel-wallonie.be
– site : http://arcenciel-wallonie.be
2. Les études sont téléchargeables sur le site du CECLR : www.diversite.be
3. Cellule de lutte contre les discriminations – FGTB :
– adresse : rue de Namur, 47, 5000 Beez
– tél. : 081 26 51 56
– site : www.fgtb-wallonne.be/travail-de-terrain/discrimination
4. Nouvelles migrations et Diversité – CSC :
– adresse : chaussée de Haecht, 579 à 1030 Bruxelles
– tél. : 02 246 32 16
– site : www.csc-en-ligne.be