Le gouvernement wallon va financer un projet Housing First à Mons. Ce dispositif de relogement des personnes sans abri fait ses preuves en Wallonie mais manque de financement.
Après Liège, Charleroi et Namur, c’est au tour de Mons de mettre en place le «Housing First». L’objectif de ce dispositif qu’on peut traduire par «un logement d’abord» est de reloger durablement des personnes sans abri, avec un accompagnement social adéquat.
«Il s’agit ici de renverser la logique. Retrouver un équilibre en vivant dans la rue n’est pas chose facile. Avec Housing First, la question du logement est réglée en priorité ce qui permet aux locataires de se reconstruire dans un cadre adéquat, sans prise de risque», a expliqué Valérie De Bue, ministre responsable du Logement, à l’initiative de ce financement avec Alda Greoli, ministre de l’Action sociale. Le projet présenté par le Relais social urbain de Mons-Borinage sera soutenu sous la forme d’une convention pluriannuelle de trois ans, à partir du 1er janvier 2018, et s’élèvera à 145.000 euros par an (120.000 euros à charge de la ministre Alda Greoli – 25.000 euros à charge de la ministre Valérie De Bue).
Avec ce budget, Mons planche sur le relogement de 25 personnes. «Les seules conditions requises pour l’accès au logement sont de payer le loyer et de respecter le contrat de bail», a rappelé la ministre Alda Greoli dans un communiqué. Les personnes bénéficiaires devront également avoir passé au moins deux ans dans la rue.
Manque de financement
Si Mons peut désormais se lancer dans ce dispositif innovant, d’autres en cours depuis plusieurs années, sont eux fragilisés. En cause: le manque de moyens financiers. «Nous sommes clairement menacés, explique Renaud de Backer, coordinateur Housing First au relais social urbain namurois, nous avons un déficit de 20.000 euros. On doit donc réduire deux temps pleins à des mi-temps.» L’équipe compte aujourd’hui 4,3 équivalents temps pleins. Pourtant, le Housing First porte ses fruits à Namur. Depuis le lancement en 2015, «29 personnes ont été relogées avec un taux de maintien de 89%», rapporte, satisfait, Renaud de Backer. Les résultats sont également positifs pour les autres villes wallonnes: à Liège et à Charleroi, respectivement 90% et 88% des bénéficiaires qui ont été relogés depuis le début des deux projets sont toujours en logement.
«Le financement du Housing First est à enveloppe fermée. Or, la demande augmente et nos travailleurs vieillissent», Catherine Depasse, coordinatrice de Housing First (Charleroi)
Par manque de personnel, c’est donc l’accompagnement social qui devient difficile à réaliser. «Les logements ne manquent pas à Namur, contrairement à Bruxelles. On a des accords avec les CPAS, les sociétés de logement. Nous sommes dans une situation où la demande est là, les logements sont disponibles, mais nous refusons des sollicitations car on ne sait plus assurer l’accompagnement», déplore Renaud de Backer. Dans un mémorandum publié en mai 2018 «Fin du sans-abrisme à Namur, oui c’est possible», le Relais social urbain namurois a sorti sa calculette: «Pour sortir et accompagner durablement 310 personnes de la rue au logement, il faut un investissement de 1.560.000 euros sur une période de dix ans. À titre de comparaison, les moyens alloués ‘saisonnièrement’ au plan hivernal sur une période de dix ans s’élèvent à 702.270 euros, soit près de la moitié du budget nécessaire pour l’accompagnement des personnes dans une sortie effective de la rue.»
Le constat de sous-financement est identique à Liège et à Charleroi. «Le financement du Housing First est à enveloppe fermée. Or, la demande augmente et nos travailleurs vieillissent», observe Catherine Depasse, coordinatrice de l’équipe Housing First de Charleroi, qui souligne aussi que les bénéficiaires présentant des problèmes de santé mentale et d’assuétudes demandent un accompagnement intensif difficile. Cinq mi-temps se partagent aujourd’hui l’accompagnement. «Pour le moment, Housing First à Charleroi est à l’équilibre précaire», constate-t-elle.
Frilosité et avenir incertain
«En Wallonie, le Housing First reste considéré comme un petit à-côté, il n’y a pas de stratégie régionale forte en termes de lutte contre la pauvreté», observe la coordinatrice de Housing First Belgium, Coralie Buxant. Si le financement de Housing First à Mons est une bonne nouvelle, Coralie Buxant souligne: «Les ministres permettent à Mons de se lancer, mais l’argent mis sur la table est insuffisant. 25 personnes, c’est peu. C’est de l’ordre du projet. Ça témoigne de la frilosité du gouvernement wallon à investir dans le Housing First. La Wallonie est franchement à la traîne.»
Les conventions Housing First pour Liège, Namur et Charleroi ont été établies pour trois ans. Qu’en sera-t-il en 2019? «On espère pouvoir bénéficier au minimum du même subside et, bien sûr, que l’enveloppe soit augmentée», rapporte Catherine Depasse. Même espoir à Namur, où l’on espère ne pas devoir fermer la porte avant.
Interrogée en juillet au parlement wallon sur l’extension de ce projet à d’autres villes wallonnes, Alda Greoli a répondu que «des projets sont tout à fait envisageables dans d’autres villes de Wallonie qui disposent d’un relais social, pour autant qu’une demande soit introduite et budgétisée». Quant à la pérennisation des projets existants, elle rappelle que «les conventions pluriannuelles prévoient la possibilité d’une prolongation de celles-ci».
Pascal Smet (sp.a) a livré fin juin dernier les résultats du Housing First à Bruxelles, en commission Affaires sociales. Et le bilan est plutôt positif. Testé à Bruxelles depuis 2015, le budget est passé de 420.000 euros en 2015 à 1.420.000 euros en 2018. Quatre projets Housing First sont actuellement subsidiés dans la capitale: ceux des asbl Smes-B, Infirmiers de rue et Diogènes ainsi que «Stepforward» lancé par le Samusocial et le CPAS de Bruxelles-Ville. Les bénéficiaires pris en charge varient pour chaque structure entre 20 et 30 avec un taux de maintien qui avoisine les 95 pour cent.
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Alter Échos n° 423, «Housing First : vers la fin du sans-abrisme ?», Marinette Mormont, 23 mai 2016