Le fameux burn out menacerait-il d’exploser à la tête de chaque travailleur bruxellois ? Si elle se garde bien d’émettre pareille hypothèse, une analysequalitative menée par le Centre collaborateur de l’OMS « Santé, facteurs psycho-sociaux et facteurs psycho-biologiques »1 pointe néanmoins les lacunes en matièrede bien-être et de santé au travail dans la capitale. Et émet une série de recommandations et de priorités.
Bruxelles, premier bassin d’emploi du pays, avec son secteur tertiaire surdéveloppé, ses 650 000 travailleurs… Au-delà de ces constatations finalement assez banales secache, peut-être, une situation un peu plus douloureuse, incarnée par un mot : le stress. Ainsi, selon l’European Working Conditions Observatory (EWCO), 30,1 % des belges autravail affirmeraient que le stress affecte leur santé. D’après l’Inami, ce même stress, ne serait responsable « que » de 10 % des incapacités de travail maisreprésenterait néanmoins 51 % du nombre de jours de travail perdus pour cause de maladie.
Un phénomène qui a amené le Centre collaborateur de l’OMS « Santé, facteurs psycho-sociaux et facteurs psycho-biologiques » à se pencher sur une situation quelquepeu explosive en réalisant une analyse qualitative du secteur du bien-être et de la santé au travail. « Nous sommes partis de la définition que l’OMS a donnéede la santé en 1948, lors de sa création, déclare Philippe Corten, co-directeur du Centre et l’un des auteurs de l’analyse qualitative. Celle-ci stipule que la santé estun état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Un état qui n’est visiblement pas lanorme dans le monde du travail où les conceptions de santé et de bien-être sont souvent réduites à la notion de « maintien de l’outil humain de production».
« Une situation problématique puisque le bien-être est perçu, à l’heure actuelle, comme un droit par les travailleurs, contrairement à ce qui se passaitdans les années ’50. Dès lors, tout ce qui contrecarre ce bien-être est vécu comme une frustration et une source de stress. Plus globalement, le problème vientégalement du fait que, dans le domaine du bien-être et de la santé au travail, on agit le plus souvent en termes de prévention, quand une maladie ou un problèmeexiste déjà. Ce qu’il faudrait, c’est fonctionner dans une logique de promotion de la santé, visant à créer les conditions du bien-être, indépendammentde toute maladie ou de toute problématique. Une question qui dépasse dès lors les seuls acteurs de la santé et concerne l’ensemble des politiques publiques : affairessociales, emploi, logement, mobilité, environnement ou encore éducation », renchérit-il.
Afin d’étudier la question du bien-être et de la santé au travail, le Centre collaborateur de l’OMS a donc sélectionné un échantillons de 180 personnes surla base de son carnet d’adresses ainsi que de ceux du comité d’accompagnement de l’analyse [NDLR : la Cocof et le cabinet de Benoît Cerexhe, ministre du gouvernement de la Régionde Bruxelles-Capitale, chargé de l’économie, de l’emploi, de la recherche scientifique et de la lutte contre l’incendie et l’aide médicale urgente]. Issus des secteurs des soinscuratifs (médecins généralistes, psychiatres, psychothérapeutes, spécialistes du sommeil, kinésithérapeutes, psychosomaticiens, réadaptationfonctionnelle), de la prévention de la santé au travail (médecins du travail, médecins-conseils, Inami, Fonds des maladies professionnelles, conseillers enprévention), de la promotion de la santé au travail (ressources humaines, initiatives de santé en entreprise, coaches, groupes de self help, patrons de PME) ou del’emploi (employés, indépendants, ouvriers, fonctionnaires, chômeurs, représentants des travailleurs), ces « experts » ont travaillé par enquêtevia courriel et ensuite dans des tables rondes sectorielles et transversales.
Bruxelles : bilan de santé
Se situant tout d’abord dans une optique générale propre à la promotion de la santé, l’ensemble des experts dresse un portrait des caractéristiques susceptibles,à Bruxelles, d’affecter le bien-être et la santé au travail. Manque de formation, précarité, mais aussi et surtout problèmes de mobilité ou absence destructures de garde d’enfants entraînant un rapport difficile aux horaires de travail (et une relation complexe entre vie privée et professionnelle) sont ainsi pointés du doigt.Ciblant l’emploi lui-même, les experts soulignent le nombre grandissant de troubles liés non pas au travail en tant que tel mais plutôt aux conditions d’organisation de celui-ci.Si des techniques et méthodes sont souvent déployées afin de satisfaire le personnel, les entreprises ne touchent par contre que très rarement à l’organisation dutravail au sein de laquelle le stress est encore souvent envisagé comme une technique managériale. Dans ce contexte, la banalisation de la violence morale, le culte de la performance etde la productivité ou encore la prévalence du quantitatif sur le qualitatif rencontrés en entreprise soulignent ainsi un manque de formation des managers de l’entrepriseen terme de capital humanité. Des dirigeants qui rechignent souvent à mettre en place certaines initiatives de promotion de la santé à cause du coût immédiatde celles-ci et de la difficulté d’évaluer leurs bénéfices à court terme.
Cependant, en plus de cette « résistance au changement » manifestée par les dirigeants d’entreprise, l’étude qualitative pointe également du doigt lesemployés eux-même qui « semblent minimiser les risques et méconnaître leurs droits, être résistants au changement et méfiants face aux « beauxdiscours qui promettent le bonheur » ». Un déficit d’information au sein des organisations par rapport aux initiatives existantes en matière de promotion de la santé autravail est également constaté.
Des solutions ?
Partant de ces constats, les experts ont émis une série de recommandations générales et d’actions prioritaires concrètes à proposer en Région deBruxelles-Capitale. Ainsi, au rang des recommandations générales, sont cités un possible recensement de tous les acteurs et initiatives concernés par la santé autravail ou encore la mise en place d’incitants permettant aux entreprises de mettre en place des formations à la communication, l’écoute, l’intelligence émotionnelle et lasensibilisation au stress au travail. Pour la Région de Bruxelles-Capitale, les recommandations se font plus précises. Les experts insistent ainsi sur la nécessité d’unecampagne de sensibilisation et d’information concernant la problématique du stress au travail de même que sur la mise en pl
ace d’une permanence téléphonique et d’un siteInternet relatifs au stress au travail et au burn out. Ils citent également la formation des médecins généralistes à la problématique du stress autravail et du burn out et le développement de liens structurels entre le préventif et le curatif comme des impératifs. L’organisation de recherches interuniversitairesconcernant les spécificités bruxelloises en matière de stress serait, à les en croire, primordiale. Une sensibilisation des managers et cadres à lasouffrance au travail est également mentionnée parmi les priorités. Enfin, le développement d’indicateurs cohérents, clairs et homogènes, de ce qui constituela santé au travail serait, selon les experts, souhaitable.
1. Centre collaborateur OMS » Santé, facteurs psycho-sociaux et facteurs psycho-biologiques » :
– adresse : rue de l’autonomie, 4 à 1070 Bruxelles
– tél. : 02 525 09 72
– courriel : centrecollaborateuroms@gmail.com