L’asbl Amarrage1 a organisé, le 8 février, une cérémonie en l’honneur de 20 jeunes en décrochage qui ont participé au projet « Capsolidarité ». De retour du Bénin, ils estiment tous que cette immersion les a fait changer. Une alternative originale aux placements.
En ces temps où l’espace médiatique est saturé de « tolérance zéro » et autre « abaissement de la majoritépénale », il était rafraîchissant d’assister à la cérémonie organisée par l’asbl Amarrage qui mettait à l’honneur une vingtaine dejeunes ayant participé à un séjour de rupture à caractère humanitaire. Présentés comme des alternatives aux placements en institutions publiques deprotection de la jeunesse, ces séjours de trois mois permettent à des adolescents en grande difficulté d’opérer une coupure nette avec leur environnement habituel enmettant le cap vers un petit village béninois au sein duquel ils sont amenés à s’impliquer dans des projets de développement. Cette expérience pilote, nommée« Cap solidarité » 2 commence à porter ses fruits : tous les jeunes sont allés au bout du projet et chacun d’eux en a retiré quelquechose de positif, ne serait-ce qu’en termes d’amour propre et de lien avec leur entourage.
Ces jeunes ont été envoyés chez Amarrage par le juge de la jeunesse, le directeur du service de protection judiciaire ou le conseiller de l’Aide à la jeunesse, qui leurlaissent le choix d’accepter ou de refuser le départ vers l’Afrique. Tous ont un profil de « décrochage », certains ont commis des faits de délinquance et ycôtoient d’autres jeunes qui ont lâché l’école ou des consommateurs de drogues. Le séjour sur place, en immersion, dure trois mois, mais le projet dans son ensembles’étale sur six mois, un mois de préparation et deux mois de suivi rapproché au retour en Belgique. Nathalie Van Innis, de l’asbl Amarrage, salue la force de caractère deces jeunes. « Il faut du courage pour partir au Bénin, beaucoup de jeunes n’osent pas et préfèrent rester en IPPJ. »
En 2009, vingt jeunes sont partis vers des petites bourgades aux alentours de Comé, accueillis par les habitants des villages et des éducateurs de l’association. Une fois sur place,ils participent activement à la vie du village et découvrent des métiers manuels aux côtés de menuisiers, de coiffeurs ou de mécaniciens. Bien sûr,l’aspect « développement » est mis en exergue. Amarrage a noué des partenariats permettant de travailler au reboisement, à la réfection de centres desanté, à la création de jardins scolaires ou à la lutte contre la pauvreté des ménages de pêcheurs.
Arrêtons d’investir dans les murs
Les résultats sont plutôt positifs, mais rien ne sert de verser dans l’angélisme, le retour à la réalité est souvent difficile. C’est donc en Belgique quel’accompagnement social doit être plus intensif avec une mise en activité quasi immédiate, soit à l’école, au travail ou en volontariat dans une asbl.
À côté des témoignages des jeunes3, une voix s’est faite plus politique. Il s’agit de celle d’Éric Janssens, président de l’asbl et premiersubstitut du Procureur du roi au tribunal de Nivelles. Ce dernier souhaite voir de tels projets se multiplier : « Il faut que la palette des alternatives s’élargisse, on a assezinvesti dans les murs, la seule façon d’avancer désormais, c’est de mettre de l’argent dans l’accompagnement4. » Le projet Cap Solidarité est montréen exemple, mais trois autres initiatives de ce type existent en Communauté française et sont portées par les asbl La Pommeraie, Vent debout et Le Domaine Beauplateau. Les quatreprojets pris dans leur ensemble ne sont pas anecdotiques, ils ont permis à environ cinquante jeunes de partir en 2009 et pour chacun d’eux, l’immersion a été positive, offrantquelques pistes de réflexion pour des réponses globales à l’insertion des jeunes en décrochage. Alors stop ou encore ? Au cabinet de la ministre ÉvelyneHuytebroeck en charge de l’Aide à la jeunesse5, on reconnaît que ce type de projet est « intéressant ». « Ce sont des projetsexpérimentaux et, au bout de deux années d’existence, nous allons pouvoir procéder à une évaluation : dans quels cas ces séjours ont-ilsété prescrits ? À quels jeunes ? Quels sont les résultats ? Les premières rencontres avec le comité d’accompagnement sont prévues enmars. » On en saura alors un peu plus sur la pérennité du projet Cap Solidarité.
1. Amarrage asbl :
– adresse : rue de la croix, 69 à 1420 Braine l’Alleud
– tél. : 02 348 05 38
– courriel : info@amarrage.be
– site : www.amarrage.be
2. Voir AE nº 265.
3. Voir l’Édito de cetteédition.
4. Selon Éric Janssens, le coût journalier pour un jeune sur le projet Bénin s’élève à 150 euros tout compris (encadrement, voyage et infrastructures). Ils’élève à 500 euros par jour par jeune (hors frais d’infrastructures) en ce qui concerne le placement en IPPJ.
5. Cabinet d’Evelyne Huytebroek:
– adresse : rue du Marais, 49-53 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 517 12 00
– site : http://evelyne.huytebroek.be