«Ce qui est durable, c’est la misère.» Voici la réponse apportée par des personnes en situation de pauvreté quand on leur a demandé de définir le concept de durabilité. Pour rédiger son rapport bisannuel 2018-2019 autour de la thématique «durabilité et pauvreté», le Service de lutte contre la pauvreté a organisé une grande concertation afin de prendre le pouls des associations de terrain luttant contre la précarité et de leurs bénéficiaires (treize rencontres, 140 organisations impliquées). «La participation des personnes en situation de pauvreté à la définition des politiques durables est indispensable, l’éradication de la pauvreté étant un objectif en soi du développement durable», a expliqué Ides Nicaise, président du comité de gestion du Service, lors de l’introduction de la matinée de présentation du rapport.
Aors que les personnes en situation de pauvreté contribuent moins au changement climatique (l’empreinte en CO2 est quatre fois plus élevées chez les 10% les plus riches que chez les 10% les plus pauvres), elles sont les grandes victimes des changements environnementaux. Les personnes précarisées sont par exemple plus exposées à la pollution, que ce soit dans leur quartier, dans leur travail ou dans leur habitat (Lire à ce sujet «Sommes-nous tous égaux face à la pollution de l’air?», AE n°464 24 mai 2018; «Le changement climatique va radicaliser les inégalités», AE, 30 octobre 2015, ou encore «Précarité énergétique: réduire la f(r)acture?», AE n°371-372, février 2014, no spécial). Elles sont aussi souvent les parents pauvres des politiques publiques en matière environnementales, voire payent les conséquences négatives de ces politiques (ex: l’interdiction de véhicules polluants sans alternatives), explique Mélanie Joseph, du Service de lutte contre la pauvreté.
Le rapport bisannuel 2018-2019 balaie donc les liens entre pauvreté et durabilité à travers les grands thèmes de l’eau, l’énergie, l’alimentation, la nature et les espaces verts, la santé, le travail ou encore la mobilité, en s’attardant aux causes structurelles de la pauvreté. Parmi ses recommandations, épinglons: la nécessité de mesurer les impacts négatifs de toutes les mesures politiques en termes d’inégalités, la lutte contre le non recours aux droits (lire: «Droits sociaux, entre abus et oublis», AE n°403, juin 2015, dossier), la participation des personnes en situation de pauvreté pour élaborer les politiques de durabilité, mais aussi la mise en place d’une fiscalité plus redistributive. Le service appelle aussi à la création d’une conférence interministérielle (CIM) «développement durable & lutte contre la pauvreté». Et Mélanie Jospeh de conclure: «Il y a une même urgence pour la lutte contre la pauvreté que pour le climat!».
POUR EN SAVOIR PLUS, lire aussi dans Alter Échos:
«Damien Carême: ‘L’écologie respecte tout le monde, elle est équitable’», AE n° 471, 4 mars 2019, Julie Luong.
«L’urgence climatique dans les mains des jeunes belges?», 22 février 2019, Antoine Irrien.
«Les Belges de la fin du monde», AÉchos n° 468, 14 novembre 2018, Julien Winkel.
«Souffle citoyen sur Molenbeek», AÉ n° 464, 24 mai 2018, Sandrine Warsztacki.
«La ville durable est-elle sexiste?», AÉ n°412, 26 novembre 2015, Manon Legrand.
«Bruxelles: le plan ‘Climat’ sera-t-il social?», AÉ n° 412, 9 novembre 2015, Marinette Mormont.