Jean, délégué syndical itinérant, n’est plus dupe: «Delhaize promet que nos acquis seront garantis, mais on sait que c’est faux.» Les syndicalistes de la CNE et du SETCa réclament trois revendications majeures: «Garantir dans les 128 magasins intégrés les acquis listés dans la convention collective de travail (tels que les avantages extralégaux, les salaires, les jours de congé, les horaires et jours d’ouverture), maintenir une délégation syndicale et laisser les salariés qui souhaitent partir avec leur préavis légal», précise encore Jean.
La réponse de la direction? C’est non. Sauf des primes pour la retraite anticipée de 10.000 euros ou pour rejoindre un franchisé. En tout, le groupe a mis 40 millions d’euros sur la table. Pour Isabelle, déléguée syndicale, «c’est juste un effet d’annonce de la direction! Tu dois être âgée de 60 ans et avoir 44 ans de carrière complète pour obtenir cette prime. Ce sont des conditions inatteignables. Et particulièrement pour les femmes», explique-t-elle. Maëlle, employée depuis 36 ans, se marre: «Ah! Delhaize, ce grand seigneur qui nous balance des cacahuètes…»
Les jobistes étudiants: le bon filon
Jacques, travailleur depuis 34 ans, a peur pour son emploi. «L’âge moyen des employés dans un franchisé, c’est 21 ans, tandis que, dans un intégré, c’est 42 ans!» Et de rajouter: «Là où Delhaize va gagner de l’argent, c’est pas sur sa vente de produits, mais sur la masse salariale des employés qui sont là depuis des décennies en les remplaçant par des étudiants moins coûteux.» Même si la chaîne de magasins a eu un recours massif aux étudiants ces derniers mois pour «gérer» la crise, les jeunes sont pourtant nombreux à venir soutenir les delhaiziens.
Dans une ambiance bon enfant, au son des paroles entraînantes du chant populaire et révolutionnaire italien Bella Ciao, ils écrivent des slogans à la craie sur le sol et distribuent, eux aussi, des tracts appelant au boycott du Delhaize. Lulu, 18 ans, vient d’entrer à l’université et, pour lui, ce qui se passe avec Delhaize, ça concerne aussi le corps étudiant, «puisqu’on nous appelle pour remplacer les salariés. On constitue une main-d’œuvre bon marché et sans protection syndicale». Laurie, 33 ans, a commencé à travailler chez Delhaize à l’âge de 15 ans en contrat étudiant. «À l’époque, on ne prestait que pendant les vacances scolaires. Maintenant, le nombre d’heures des étudiants ne cesse d’augmenter: 475 heures en 2017 par étudiant par an et, en 2023, ce fut le pompon quand le fédéral a augmenté le nombre d’heures à 600!» Selon Jana, étudiante en art, «le gouvernement est de mèche avec les fédérations patronales qui poussent à toujours plus augmenter le travail étudiant. On nous met en concurrence avec les salariés et ce n’est pas normal».