Les Pays-Bas ont été le premier pays d’Europe à instaurer l’inburgering, un dispositif supposé faciliter l’intégration des demandeursd’asile dans la société néerlandaise.
Instauré par une loi entrée en vigueur au 1er janvier 2007, l’inburgering est obligatoire pour les nouveaux arrivants. Elle concerne aussi les personnes quirésidaient aux Pays-Bas avant 2007 et qui n’étaient pas considérées comme nouveaux arrivants par l’ancienne loi ainsi que pour les « employésreligieux » : imams, rabbins, prêtres, etc.
L’intégration passerait donc par la connaissance de la langue et de l’identité nationale. Les étrangers qui parlent le néerlandais vont-ils pour autantacquérir l’identité néerlandaise en même temps que le titre de séjour ou la nationalité néerlandaise ? Le doute vient d’en haut puisque laprincesse Maxima – l’épouse du prince héritier et donc future reine des Pays-Bas – déclarait lors de la présentation du rapport du Conseil scientifique pour laPolitique du gouvernement en 2007 « n’avoir toujours pas trouvé ce qu’était l’identité néerlandaise » alors qu’elleétait kroonprincesse depuis sept ans… Quant au rapport du Conseil, il concluait que « l’aspiration à une identité nationale pouvait s’avérercontreproductive ».
Obligatoire pour les 16-65 ans
Aujourd’hui, non seulement l’inburgeringsexamen est obligatoire pour les 16-65 ans, mais les candidats doivent payer eux-mêmes le coût des cours préparatoireset de l’examen. Toutefois, ils peuvent emprunter l’argent nécessaire : ils doivent ensuite en rembourser la totalité dans les 3 ans avec un intérêt de 2,58% (pour l’année 2011). L’argent est versé directement à l’institution reconnue qui fournit les cours.
Les cours sont les mêmes pour tout le monde : pour la femme au foyer turque analphabète de 55 ans comme pour l’ingénieur irakien des ponts et chaussées.Azurah, jeune Malaisienne titulaire d’un MBA de l’université de Liverpool, confie que lorsque la professeure s’est rendu compte de sa formation initiale, elle l’ainstallée dans un coin de la classe avec un ordinateur : « Vous n’avez pas besoin de moi, vous pouvez y arriver toute seule. » Effectivement, la jeune femme apassé l’examen dans les six mois au lieu des trois ans prévus, et elle l’a réussi haut la main… comme 27 000 autres candidats en 2010, soit un taux deréussite de 70 % tandis que les candidats qui passent le vrijstelling, l’examen « libre » sans cours, ne sont que 38 % à leréussir…
En quoi consiste ce fameux examen ? Il comprend deux parties : pratique et tests. La partie pratique peut consister à rassembler des preuves de « situationspratiques » : visite d’un commissariat, enregistrement dans une commune, etc. Ou à passer des « assessments », c’est-à-dire às’enregistrer réellement dans une commune, etc. La partie tests porte sur la maîtrise de la langue parlée, la connaissance de la société néerlandaise et unexamen électronique.
Le niveau de langue est rudimentaire : il correspond aux niveaux A1/A2 du Cadre européen commun de référence (CECR). Les candidats sont capables de commander un pain oud’acheter un ticket d’autobus, mais guère plus… C’est une des volontés de l’actuel gouvernement d’augmenter le niveau d’exigence en lamatière.
La partie connaissance de la société fait également l’objet de nombreuses critiques. Quelle est en effet la bonne réponse à la question :« Que faites-vous lorsque deux de vos voisins se disputent sur le trottoir ? A) Vous vous interposez ? B) Vous appelez d’autres voisins pour les séparer ? C) Vousappelez la police ? »
Sur les cours informatisés qui préparent à l’examen électronique, on suit les aventures de la famille Tan. Chaque question est illustrée par un petit clip quiexplique une situation. Une question basique est posée, dont la réponse se trouve dans le clip…
Une politique symbolique ?
Dans certains cas, l’inburgeringsexamen peut devenir un instrument d’affirmation personnelle, comme pour Aysenur. Cette femme turque habitant Utrecht depuis vingt ans a pu enfinsortir de chez elle et, à la fin des cours, elle a entamé une procédure de divorce contre un mari abusif. Mais, la plupart du temps il engendre la frustration et la rancœurcar les bénéficiaires, dont c’est souvent le seul « diplôme », se rendent compte que leur certificat n’a aucune valeur sur le marché del’emploi. Pour Maarten van Rossem, professeur émérite de l’université de Tilburg, « c’est une politique symbolique, faite davantage pour exorcisernos peurs qu’une aide pratique pour ceux qui viennent ici. »