Durant novembre, plusieurs incendies criminels ont semé l’effroi parmi les locataires sociaux de l’immeuble des Goujons à Anderlecht. La commune a décidé derépondre au sentiment d’insécurité des habitants. Dans un premier temps, il a été décidé de confier la garde de cet immeuble de 18 étagesà deux vigiles, relevant d’une société de gardiennage. Dans un second temps, il est prévu d’apporter des solutions techniques pour sécuriser les lieuxd’ici à mars 2004. Les 800 locataires sont, pour le moment, rassurés par la présence des vigiles. Mais la problématique des « Goujons » est beaucoup plusvaste. Elle ne s’arrête pas à l’insécurité, loin de là.
« L’immeuble a été tellement mal conçu, que cela limite toute possibilité de cohésion sociale, commente Abderazak Ben Ayad, coordinateur del’Union des locataires Anderlecht-Cureghem (Ulac)1. L’architecture du bâtiment est source de problèmes, plutôt que de solutions. Au travers du projet de cohésionsociale (PCS), nous essayons de créer des espaces d’expression pour les habitants, pour que les gens démystifient leurs voisins. Le ‘voisin’ est souvent perçu comme unennemi, les gosses sont considérés comme des monstres et il y a un problème de racisme exacerbé. Les incendies et le bruit fait autour révèlent qu’onarrive au bout d’un système. En 20-30 ans, le bâtiment et les habitants ont vieilli. Les locataires sont devenus plus fragiles par rapport à un environnement plus hostile.»
Le responsable de l’Ulac pointe aussi le laisser-aller au niveau de l’entretien au cours des années : « La nouvelle direction du Foyer anderlechtois prend petit àpetit les choses en mains. Elle essaie de corriger le tir. Elle n’est pas de mauvaise composition, mais la tâche est énorme. » Et les projets sont nombreux. « Ce quenous essayons de faire, c’est d’améliorer notre collaboration avec le Foyer, afin de créer un partenariat pour mettre en place des services de proximité : un lavoirsocial ou encore un service d’aide ménagère dans le parking du sous-sol, qui se trouve à front de rue. » Il existe déjà un accord pour installer unesalle communautaire et une école de devoirs sur le parking du rez-de-chaussée en 2004.
La paupérisation croissante des locataires nécessite aussi un accompagnement social plus important (payements de loyers, des charges…) que par le passé. Elle implique lamise en place de services pour prendre contact avec les gens, être à l’écoute, favoriser la création de solidarités…
Mais cela suffira-t-il à arranger les choses ? Abderazak Ben Ayad est sceptique : « On aura beau aider les gens, intervenir, ça ne change rien au fait que l’environnementest hostile et les gens fragilisés. La moitié des locataires sont des Belges appartenant à la catégorie du 3e âge, l’autre est surtout constituée defamilles d’origine immigrée. Que fait-on pour les personnes âgées dans ce type d’environnement ? Pour les familles ? Pour les jeunes ? Les gens se sentent de plus enplus abandonnés par les politiques. On ne rendra pas les gens heureux aux Goujons. »
En d’autres termes, si les locataires pouvaient partir, ils partiraient. Malheureusement, ils ne disposent pas des revenus pour passer à l’acte. Ils sont captifs du logementsocial.
1. Ulac, chée de Mons 291 à 1070 Anderlecht,
tél. : 02 520 21 29, fax : 02 522 46 15, e-mail : ul.anderlecht@misc.irisnet.be.