Cet article est issu du dernier numéro des Échos du Crédit et de l’Endettement n°69 (mars 2021).
La plateforme 1819, créée il y a dix ans, est hébergée et gérée au sein de hub.brussels, l’Agence bruxelloise pour l’accompagnement de l’entreprise. En 2020, ce service a été assailli d’appels téléphoniques relatifs aux mesures Covid, émanant d’entrepreneurs en difficulté.
44.050 demandes d’entrepreneurs bruxellois l’an dernier, contre 8.500 en 2019: Véronique Flammang, responsable de ce service, confirme cet afflux d’appels à l’aide et qualifie ce numéro d’appel comme une porte d’entrée pour les indépendants et les entrepreneurs en quête de soutien. «Le début de la pandémie et le premier confinement ont été un moment très critique en termes de sollicitations. De 12 personnes dans l’équipe, celle-ci a été renforcée jusqu’à 30 personnes derrière les lignes téléphoniques pour accueillir toutes les demandes (nous sommes revenus à un effectif de 15, aujourd’hui). Ces demandes ont beaucoup tourné autour des primes, du droit passerelle, du chômage temporaire et cela continue aujourd’hui à chaque fois qu’une nouvelle mesure est prise par les autorités régionales ou fédérales. Un des problèmes rencontrés par les entrepreneurs réside dans la fracture numérique rencontrée par certains. Notre aide porte aussi sur cet aspect.»
44.050 demandes d’entrepreneurs bruxellois l’an dernier, contre 8.500 en 2019 à la plateforme 1819 de l’Agence bruxelloise pour l’accompagnement de l’entreprise.
1819 à Bruxelles, 1890 en Wallonie
Ces dernières semaines, si les appels sont moins soutenus qu’en mars-avril 2020, Véronique Flammang rapporte en revanche que les entrepreneurs sont de plus en plus désespérés: «Ils ne voient plus comment payer leurs factures, n’entrevoient plus de porte de sortie. Il y a quelques jours, un restaurateur nous a expliqué qu’il avait reloué son appartement pour payer le loyer de son restaurant dans lequel il dort désormais. Ces entrepreneurs n’ont plus de trésorerie pour tenir et leur moral est très dégradé. L’écoute est primordiale et nous y avons été formés.»
En Wallonie, c’est le 1890, mis sur pied par la Sowalfin, qui soutient les entrepreneurs de la partie sud du pays. Pour info, la Sowalfin était à l’origine un organisme visant à faciliter le financement des entrepreneurs, indépendants et PME wallons. Depuis 2018, la structure a repris les missions de sensibilisation et d’accompagnement de l’Agence pour l’entreprise et l’innovation (AEI). C’est à cette époque que la Sowalfin lance le guichet unique 1890 à destination des (futurs) entrepreneurs wallons. En décembre 2020, ce service a donc fêté son deuxième anniversaire dans le tumulte de la crise sanitaire.
«Ils ne voient plus comment payer leurs factures, n’entrevoient plus de porte de sortie. Il y a quelques jours, un restaurateur nous a expliqué qu’il avait reloué son appartement pour payer le loyer de son restaurant dans lequel il dort désormais.» Véronique Flammang (plateforme 1819)
Du 13 mars 2020 au 31 janvier dernier, du lundi au vendredi de 12 h à 17 h, ce sont quelque 68.000 appels qui ont été traités (contre 1.260 demandes pour l’année 2019), avec pour le seul mois de janvier 2021, plus de 3.000 demandes d’information et d’aides. L’équipe est dès lors passée de 9 à 50 personnes, afin d’assurer en permanence la disponibilité de dix conseillers. Comme le souligne Emmanuelle Gendebien, responsable du service 1890, «les questions les plus courantes dans ce contexte de crise concernent les autorisations d’ouverture des commerces et entreprises, les mesures sanitaires à appliquer, les mesures économiques (chômage temporaire, droit passerelle, primes…) mises en place par les gouvernements et les différentes indemnités édictées par la Région wallonne». Sans avoir de statistiques précises, elle confirme que les entrepreneurs qui appellent sont généralement stressés et assez désespérés, sans bien savoir comment se dépêtrer de cette situation et quelle attitude adopter.
Quels relais?
Emmanuelle Gendebien souligne l’importance du site internet avec un guide interactif sur la homepage du site www.1890.be, ainsi que la présence du 1890 sur les réseaux sociaux (Facebook, Linkedin, Twitter), afin de communiquer quasi quotidiennement à propos des dernières mesures. Une lettre d’information électronique complète la panoplie des canaux d’informations.
Si cela ne suffit pas, Emmanuelle Gendebien insiste tout d’abord sur «la nécessité de prendre contact avec son comptable, mais tous n’en disposent pas. Dès lors, il s’agit de se tourner vers d’autres structures d’aide». Parmi celles-ci, l’outil Ré-Action a été mis en place par la Sogepa qui accompagne les très petites entreprises (TPE) de moins de dix travailleurs, en collaboration avec les chambres de commerce et de l’industrie du Brabant wallon et du Luxembourg. Ce programme propose un monitoring des entreprises et un accompagnement économique et/ou humain, éventuellement un soutien financier via des lignes de crédit, ainsi que le club Ré-Action en cas de redémarrage d’une activité après une faillite. La Sogepa aide aussi les entreprises de plus de 10 personnes sur le plan financier, via des prêts pour soutenir la trésorerie ou des garanties.
Autres initiatives: celle du Carrefour Santé Social de la Province de Liège, qui est une cellule d’aide pour indépendants, ou encore l’asbl ReLOAD Belgium, qui aide gratuitement les indépendants en proie à la faillite ou à la cessation d’activités à rebondir (voir coordonnées en fin d’article).
Comme pour le 1890, lorsque l’écoute et les informations ne suffisent pas, l’équipe bruxelloise du 1819 renvoie vers une série de relais, comme le service d’accompagnement d’urgence, qui a été mis sur pied depuis avril 2020 au sein de hub.brussels. Comme l’explique Rodolphe d’Udekem d’Acoz, responsable de ce service, «nous travaillons avec de nombreux experts auxquels nous pouvons adresser les entrepreneurs en difficulté. Ces professionnels disposent d’une expertise pointue sur les plans thématiques (stratégie et finance, aides, droit, médiation, urbanisme, international, coaching psychologique), mais aussi sectoriels (retail, audiovisuel, hospitality, ICT, lifetech, économie circulaire, construction durable, entrepreneuriat social). Si certains entrepreneurs tirent leur épingle du jeu, malgré et parfois même grâce au Covid, les catégories retail (commerce de détail) ou hospitality (tourisme, événementiel et culture) sont durement touchées. Un entrepreneur qui exprime plusieurs besoins par rapport à ces différents thèmes et secteurs peut être pris en charge par plusieurs experts».
Parmi ces experts, figurent finances.brussels qui peut octroyer des prêts, les guichets d’économie locale, les ACE (plateformes d’Auto Création d’Emploi) mais aussi le Centre pour entreprises en difficulté, hébergé par BECI (Chambre de commerce et Union des entreprises de Bruxelles). Ce Centre qui existe depuis quinze ans a été considérablement remanié ces derniers mois. En plus d’une expertise comptable et fiscale, il propose aussi des accompagnements collectifs d’ordre technique ou encore psychologique.
«Beaucoup d’entrepreneurs demandent des renseignements, pas assez encore de l’aide. Quand on leur parle de CPAS, ils refusent bien souvent d’y recourir en estimant qu’ils ne sont pas des assistés et qu’ils peuvent se débrouiller seuls.» Véronique Flammang, de la ligne d’écoute 1819
Vers les CPAS et les SMD
Pour ce qui est du recours aux CPAS et aux services de médiation de dettes, Véronique Flammang, de la ligne d’écoute 1819, fait un constat assez navrant: «Beaucoup d’entrepreneurs demandent des renseignements, pas assez encore de l’aide. Quand on leur parle de CPAS, ils refusent bien souvent d’y recourir en estimant qu’ils ne sont pas des assistés et qu’ils peuvent se débrouiller seuls.» Pourtant, toute une série de CPAS et de services de médiation de dettes (SMD) accueillent les indépendants et tentent de démêler gratuitement avec eux l’écheveau des dettes privées et celles de leur activité professionnelle, pour y voir plus clair sur leur situation financière. Les CPAS peuvent également proposer des aides financières pour assumer leurs charges privées.
Jan Willems, du CPAS de Bruxelles-Ville, en atteste: «Nous nous formons à cette matière et avons la volonté de soutenir les indépendants. En 2020, 80 indépendants ont été suivis et une cinquantaine le sont toujours actuellement. Nous essayons de mettre un réseau en place autour de la personne, mais il y a des limites: nous ne pouvons pas aider financièrement une société, payer les dettes de celle-ci. Mais les aider à y voir plus clair ou à payer certaines factures du ménage, ça, on peut le faire.» Quant au Centre d’appui aux services de médiation de dettes bruxellois, il offre également une aide technique aux médiateurs de dettes dans cette matière et répond également aux questions des indépendants. Il renseigne également sur tous les SMD qui accueillent les indépendants.
«Nous nous formons à cette matière et avons la volonté de soutenir les indépendants. En 2020, 80 indépendants ont été suivis et une cinquantaine le sont toujours actuellement.» Jan Willems, du CPAS de Bruxelles-Ville
Côté wallon, l’Observatoire du crédit et de l’endettement offre également une permanence téléphonique, propose des webinaires pour les indépendants. Du côté des SMD, sans pour autant dresser un panorama complet des services qui proposent leur aide aux indépendants, nous avons interrogé Marie-Noëlle Plumb, juriste et gestionnaire de dossiers de médiation de dettes au Groupe Action surendettement (Centre de référence de la province de Luxembourg): «Nous avons clairement la volonté de pouvoir offrir une aide aux indépendants et nous invitons les médiatrices et médiateurs de dettes de la province d’en faire de même. Mais l’on sent une certaine réticence, de peur de mal faire, de mal conseiller, de ne pas renseigner sur toutes les aides existantes. Dès lors, on leur offre un encadrement, avec un outil qui a été remis à jour et qui consiste en une check-list des questions à poser à un entrepreneur qui consulte un SMD. Elles portent sur la qualité d’entrepreneur (en personne physique ou en société), à titre principal ou accessoire, comme conjoint aidant, en tant que commerçant… Il s’agit aussi d’établir le budget et de voir sur quoi l’indépendant peut compter. Il faut faire la distinction entre le chiffre d’affaires et les revenus. On peut aussi les aider à introduire une requête de faillite via la plateforme Regsol, si cela s’avère incontournable, attirer leur attention sur la demande d’effacement des dettes, qui n’est plus automatique avec le nouveau Code de droit économique. Mais, là encore, tous les médiateurs/trices ne sont pas à l’aise. Pourtant les circulaires de la Région wallonne sont claires sur la prise en charge de cette catégorie de professionnels par les SMD, mais beaucoup renvoient vers d’autres services, comme Ré-Action, ReLOAD. Les indépendants eux-mêmes sont souvent hésitants à frapper à la porte d’un CPAS: or, il y a une enveloppe qui a été allouée aux CPAS pour venir en aide aux indépendants. Il faut le faire savoir.»
Des efforts sont clairement faits pour cette catégorie de travailleurs. Mais suffiront-ils pour éviter la casse? Les mois prochains le diront.
«Nous avons clairement la volonté de pouvoir offrir une aide aux indépendants et nous invitons les médiatrices et médiateurs de dettes de la province d’en faire de même. Mais l’on sent une certaine réticence, de peur de mal faire, de mal conseiller, de ne pas renseigner sur toutes les aides existantes.» Marie-Noëlle Plumb, Groupe Action surendettement.
Le dernier numéro des Échos du Crédit et de l’Endettement est sorti !
Cet article est issu des Échos du Crédit et de l’Endettement (n°69 – janvier-février-mars 2021). Au menu du dossier: la situation des indépendants et des très petites entreprises, fortement impactés par la crise du Coronavirus, ainsi que les mesures et les aides mises en place pour les soutenir.
En savoir plus
Lisez également le dossier du dernier numéro d’Alter Échos «Covid-19: la sale tronche de l’emploi» et l’article «Des indépendants en période d’incubation».