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Petite enfance / Jeunesse

Information jeunesse: attention chantier

Les centres d’information jeunesse réfléchissent à leur avenir dans un contexte d’évaluation des décrets du secteur. Professionnalisation, visibilité, production et sens de l’information jeunesse font partie des grands chantiers de la législature.

CC Magdalena Roeseler

Les centres d’information jeunesse réfléchissent à leur avenir dans un contexte d’évaluation des décrets du secteur. Professionnalisation, visibilité, production et sens de l’information jeunesse font partie des grands chantiers de la législature.

L’information est partout. Elle est abondante et multiple. Sur le web, dans les journaux, à la radio. Elle circule de bouche à oreille, de discussions en conseils. Encore faut-il la trier, la comprendre, la décrypter, savoir où la chercher.

Pour les jeunes qui se posent des questions, sur leurs études, leur emploi, la sexualité, la santé ou leurs droits, les opérateurs qui leur fournissent des informations sont aussi très nombreux. Des plannings familiaux aux centres psycho-médico-sociaux dans les écoles, en passant par le Forem, les mutuelles ou même les maisons de jeunes.

Dans ce grand magma informatif, on trouve les 29 centres d’information des jeunes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. «Notre métier est né après 68, afin d’offrir des informations aux jeunes, dont ils ne disposaient pas», explique Marie-Pierre Van Dooren, directrice de la fédération Infor-Jeunes Wallonie-Bruxelles.

Sauf que, aujourd’hui, les jeunes ont changé. L’information aussi, sans parler du secteur jeunesse.

Les centres, bien sûr, donnent toujours de l’information aux jeunes de 12 à 26 ans. À l’instar de l’ensemble du secteur Jeunesse, leur but n’est pas seulement de donner du contenu mais bien de contribuer à faire que les jeunes se profilent en Cracs, citoyens responsables, actifs, critiques et solidaires. La visée se veut donc émancipatrice.

Face à la multitude d’informations, face aux changements d’habitudes des jeunes, les centres d’informations sont-ils toujours un outil pertinent? Sont-ils assez visibles? Leur communication est-elle adaptée? Le cadre législatif, en l’occurrence le décret de 2000 (cf. encadré) est-il encore cohérent face aux défis de l’information des jeunes? «La question est de savoir si les jeunes reçoivent la bonne information, au bon moment, auprès du bon interlocuteur», explique Michel Vandekeere, de l’Observatoire de l’enfance, de la jeunesse et de l’aide à la jeunesse.

Autant de grandes questions en chantier. Pour la première fois, le décret de 2000 va être évalué d’ici à 2017. Les premières réunions ont débuté. Le sous-secteur de l’information jeunesse va se pencher sur ces enjeux existentiels. «Le secteur est à la croisée des chemins», résume Vincent Gallez, en charge des centres d’information jeunesse au sein de l’administration.

Les missions des centres d’information jeunesse

Les missions des centres d’information jeunesse sont définies dans le décret du 20 juillet 2000, «déterminant les conditions d’agrément et de subventionnement des maisons de jeunes, centres de rencontre et d’hébergement, et centres d’information des jeunes et de leurs fédérations».

Les centres d’information visent «l’appropriation par les jeunes de l’information et des outils d’information, dans un souci de pluralisme, d’indépendance et d’exhaustivité». Il y en a 29 sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, répartis en trois fédérations:

  • La fédération Infor-Jeunes, composée de 13 centres en Fédération Wallonie-Bruxelles qui fournissent une information généraliste (deux autres centres dépendent de la communauté germanophone). La fédération est aussi connue pour ses billets d’info et ses points relais, donc des antennes locales.

  • CIDJ: fédération de centres d’informations et de documentation pour jeunes. Là aussi, une info généraliste est prodiguée dans les sept centres.

  • Le Siep: Service d’information sur les études et les professions. Comme son nom l’indique, cette fédération, plus centralisée que les autres, axe son travail sur les professions, les études, les filières. Il existe aujourd’hui huit centres Siep.

  • Le centre Infor-jeunes Schaerbeek, non affilié.

Vers plus de visibilité

Se faire connaître, être identifié, est un enjeu de tous les instants pour les centres d’information jeunesse. «Améliorer la visibilité des centres» est d’ailleurs l’une des priorités affichées par la ministre de la Jeunesse, affirme Stéphanie Wilmet, porte-parole d’Isabelle Simonis.

Impossible de savoir si les jeunes connaissent suffisamment les centres d’information. Il n’existe pas de données agglomérées. Mais le sentiment général est que la fréquentation des permanences est en baisse. «Avant il y avait des files de plus de cent personnes devant les locaux du Siep, se souvient Christian Bogaert. Aujourd’hui, c’est fini.»

Si les jeunes ne se ruent plus autant qu’avant dans les centres, c’est qu’ils ont plutôt pour réflexe de chercher d’abord les infos sur le web. Les comportements des jeunes face à ces informations ont changé. «Souvent, des jeunes viennent nous voir pour vérifier les informations, témoigne Eric Brugman, de la permanence du centre Infor-Jeunes de Laeken. Ils vont même parfois dans plusieurs endroits pour recouper l’information.» C’est bien la plus-value de ce secteur en mutation, comme le décrit Vincent Gallez: «Avant le jeune recevait de l’info, aujourd’hui, il s’agit de l’aider à la trier, la recouper, affiner son esprit critique.»

« La question est de savoir si les jeunes reçoivent la bonne information, au bon moment, auprès du bon interlocuteur. » Michel Vandekeere, OEJAJ

Au milieu de la somme d’informations disponibles, d’acteurs spécialisés, voire d’informations commerciales visant les jeunes, la question de la visibilité du secteur, offrant une information généraliste et gratuite, est cruciale.

Pour se faire mieux connaître, les centres d’info investissent le web. Mais le secteur se plaint unanimement d’avoir à le faire en investissant sur fonds propres dans l’achat d’ordinateurs, de programmes, des services d’infographistes, etc. Stéphanie Wilmet confirme que cet enjeu est de taille: «Il faut être présent là où sont les jeunes.» Elle affirme donc qu’il faut «pouvoir répondre à la demande en équipements, en formation», qui est adressée par les professionnels.

Face au morcellement de l’information à destination de la jeunesse, l’idée d’un «portail commun» à tous les centres d’information jeunesse est souvent évoquée. Il faut dire que l’expérience avait été tentée en 2003. Le portail s’appelait Jclic.be.

Son temps de vie fut bien plus court que celui de sa gestation. En cause: les divisions du secteur, notamment au sujet du contenu du site, le manque de moyens pour gérer l’outil et le manque d’arbitrage des pouvoirs publics. Aujourd’hui, les trois fédérations semblent à nouveau être intéressées par un tel projet qui permettrait de mieux identifier les acteurs en présence. «Car le secteur tente de plus en plus de parler d’une même voix», constate Vincent Gallez.

Un métier à part entière

Le métier d’animateur en centre d’information jeunesse, lui aussi, a changé. Si les permanences n’accueillent plus la foule des grands jours, celles-ci ont vu leur nature se modifier au fil du temps. «Les jeunes qui viennent nous voir sont de plus en plus en difficulté, détaille Arielle Mandiaux, d’Infor-Jeunes Mons. Notre travail est de plus en plus constitué d’accompagnement psychosocial et juridique.»

Les fédérations de centres d’information ont entamé un travail de définition de ce métier. Leur idée étant bien d’affirmer une spécificité. Aujourd’hui, en centre d’information jeunesse, le métier est officiellement celui «d’animateur coordinateur», tout comme en maison de jeunes par exemple.

Professionnaliser le secteur, imaginer une vraie fonction «d’informateur jeunesse», reconnue par les autorités, sont au cœur des préoccupations du secteur. «Cela permettrait de tordre le cou à ceux qui disent faire de l’information jeunesse et qui en font mal ou le font avec des visées commerciales», affirme une directrice de centre qui espère par exemple que les mêmes exigences en termes de diplômes soient demandées dans tous les centres, «afin d’avoir des équipes de professionnels».

Là aussi, la porte-parole de la ministre se veut rassurante: «Nous essayons de valoriser ce métier, d’en faire un métier à part entière, en reconnaissant son caractère spécifique. Cela passe par des certifications. La promotion sociale, autre casquette d’Isabelle Simonis, est intéressée à l’idée de dispenser des modules de formation.»

Et parmi ces spécificités du métier d’informateur jeunesse, il en est une qui a pris une place non négligeable: la production d’information.

Siep, un cas à part

Parmi les trois fédérations de centres d’information jeunesse, le Siep est un cas à part. Alors que l’information jeunesse se veut généraliste, le Siep est spécialisé dans les domaines des métiers, des études. Alors que la gratuité est chère au secteur Jeunesse, certaines des prestations offertes par le Siep sont payantes.

Les discordes entre le Siep et les autres fédérations furent profondes. Aujourd’hui encore, des directeurs de centres insistent pour que le travail d’évaluation du décret permette de remettre au centre des discussions la «gratuité» des services.

Eric Brugman, d’Infor-Jeunes Laeken, pense que l’information, au Siep, «a une visée plus marketing, qui s’adresse à de jeunes consommateurs. La présence dans les salons est la partie visible de l’iceberg». Lui, de son côté, préfère mettre en avant «l’info à caractère social» que promeut son organisation.

Au Siep, Christian Bogaert rétorque que «l’accueil au Siep est gratuit, ainsi que toutes les informations que nous proposons. Les activités payantes du Siep sont celles que nous menons sur fonds propres et que nous proposons à prix démocratique. Quant aux salons, ils permettent d’aller vers les jeunes».

Les centres: producteurs d’infos

«La production d’information n’est pas mentionnée dans le décret, elle n’est donc pas financée alors que c’est la majeure partie de notre boulot.» Cette phrase, prononcée par Nadia Achbany, directrice du Centre d’informations et de documentation pour jeunes (CIDJ), aurait pu l’être par toutes les fédérations et tous les centres. Aujourd’hui, chaque centre produit des brochures, des billets d’information sur le Net, des articles. Autant de choses qui n’étaient pas vraiment prévues dans le décret. Tous demandent donc de revoir le décret, de reconnaître ce travail et d’octroyer les budgets y afférents. «Car aujourd’hui c’est un peu du bénévolat», constate Michel Vandekeere.

La question de la production de l’information entraînera certainement des discussions sur l’opportunité d’une convergence des contenus ou de leur partage. Car aujourd’hui, chaque centre (sauf au sein du Siep qui est centralisé), bien que membre d’une fédération, est une asbl autonome. Autonome aussi dans la production des informations même si des efforts de mutualisation existent au sein de chaque fédération. On peut donc trouver une multitude de contenus, parfois redondants, parfois plus ou moins bien présentés, en fonction des lieux où l’on se trouve, sans vraiment de contrôle sur ces informations. «Nous plaidons pour davantage de cohérence, nous dit Stéphanie Wilmet. Plutôt dans l’idée de mutualiser les outils d’information à partir de l’échange de bonnes pratiques.»

«Avant, le jeune recevait de l’info, aujourd’hui, il s’agit de l’aider à la trier, la recouper, affiner son esprit critique.», Vincent Gallez, Service de la jeunesse, Fédération Wallonie-Bruxelles

Au Siep, Christian Bogaert va plus loin: «D’un point de vue politique, il serait intéressant que des dispositifs de validation, de vérification de la validité, de certification de l’information, soient mis en place.» Une proposition qui ne ralliera probablement pas les tenants de l’autonomie forte des centres, comme le centre Infor-Jeunes Laeken opposé à une «information standardisée».

Quoi qu’il en soit, la production de l’information sera au menu de l’évaluation du décret. Tout comme le métier d’informateur jeunesse ou la visibilité.

Autant de questions intégrées dans un débat plus vaste: faut-il que l’information jeunesse ait son propre décret. Le secteur n’est pas forcément unanime sur cette question. Mais Nadia Achbany, elle, milite pour cela: «Cela nous permettrait de développer l’information jeunesse en ayant nos moyens propres.»

Cédric Vallet

Cédric Vallet

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