Ce premier numéro de l’année était probablement celui qui se prêtait le mieux à un dossier sur l’alcool. Au lendemain de fêtes de fin d’année souvent trop arrosées, en plein milieu de la période des trêves éthyliques des mois de janvier et de février, «Dry January» ou «Tournée minérale». Mais plus qu’un hasard heureux de calendrier, un dossier sur l’alcool se révèle plus que pertinent. Quatrième cause de mortalité et de morbidité chez les plus de 15 ans en Belgique, liée au développement de 200 pathologies, l’alcool est une «substance toxique», nous dit le Conseil supérieur de la santé (CSS). Un constat à l’origine du récent Plan d’action fédéral en matière d’alcool (2023-2025), le tout premier dont la Belgique s’est dotée et qui s’est vu critiqué par le secteur de la prévention et de la santé pour son manque d’ambition, essentiellement en raison de pressions politiques ou d’une spécificité culturelle bien belge (lire «Un plan alcool 0%?»).
À parler de Plan, ce sont notamment les jeunes qui sont particulièrement visés par celui-ci, puisque la littérature scientifique «met en avant, depuis une vingtaine d’années, les effets précoces de l’alcool sur le cerveau des jeunes, explique Pierre Maurage, docteur et professeur en psychologie à l’UCLouvain et spécialiste des effets psychologiques et cérébraux de l’alcool. Même sans être alcooliques – les étudiants ou adolescents le sont rarement –, des effets cérébraux sont massifs.» S’ils ne sont probablement pas conscients de ce phénomène, cela n’empêche pas les jeunes d’être de plus en plus nombreux à franchir la porte d’un groupe de parole autour des dépendances. Un effet, notamment, de la pandémie du Covid-19 (lire «Se retrouver entre jeunes dépendants»). En Flandre, c’est un projet pilote innovant qui accompagne les jeunes hospitalisés pour intoxication alcoolique. Inspirée d’un modèle néerlandais, la polyclinique d’alcoologie pour mineurs combine suivi médical, implication familiale et prévention via une campagne interactive (lire «Un projet pilote pour s’attaquer au fléau de l’alcool chez les jeunes»).
Toujours concernant les groupes de parole, l’un d’eux, les Alcooliques anonymes, se féminise progressivement, un phénomène nouveau qui met la lumière sur l’alcoolodépendance féminine, longtemps restée cachée dans l’ombre de celle des hommes. Une alcoolodépendance féminine qui demeure aujourd’hui entourée par des jugements sociaux et moraux. Peu à peu, les murs du silence se fissurent malgré tout et révèlent les enjeux spécifiques de la consommation et de la dépendance à l’alcool chez les femmes (lire «Quand les femmes trinquent»). Mais attention, tout cela ne veut pas dire que les femmes sont restées inactives. Dès 1899, l’Union des femmes belges contre l’alcoolisme fut la première association féminine dédiée à la lutte contre l’alcoolisme en Belgique. Bien que mixte, elle était principalement dirigée par des femmes et s’attaquait avant tout à l’alcoolisme masculin, particulièrement au sein des classes ouvrières et dans un contexte où l’addiction à l’alcool était moins perçue comme enjeu de santé publique que comme obstacle au productivisme (lire «Quand une Union de femmes luttait contre l’alcoolisme»).
Dossier illustré par Charles Monnier
