Deux maisons de détention vont être expérimentées en Flandre et en Fédération Wallonie-Bruxelles. Le ministre de la Justice l’a décidé. Au nord du pays, Genk s’est portée candidate. Côté francophone, on n’est pas aussi avancé, mais le temps presse.
Cet article a été publié dans Alter Échos n°420 du 23 mars 2016
Depuis trois ans maintenant, l’asbl Les Maisons a conçu, en collaboration avec la Liga voor Mensenrechten (Ligue des droits de l’homme néerlandophone), un nouveau concept d’exécution de la peine et de la détention. Concrètement, les prisons doivent progressivement être remplacées par une multitude de petites entités, de petites maisons, accueillant trois fois dix détenus, ancrées dans le tissu social et spatial, et qui diffèrent les unes des autres en termes de sécurité, de contenu de la détention et de programmes de guidance. Pour la petite histoire, si on maintenait le taux de détention actuel, soit environ 12.000 personnes, cela représenterait 900 maisons réparties à travers le pays. Aujourd’hui, on n’en est pas encore là: dans son masterplan, le ministre de la Justice, Koen Geens, a indiqué être ouvert à des projets pilotes de maisons de détention, une en Flandre, une côté francophone.
Quelle place dans la société?
Au nord du pays, c’est à Genk que le projet pilote devrait être lancé. Pour son bourgmestre, Wim Dries (CD&V), la ville limbourgeoise «est prête à assumer son rôle dans la réinsertion des délinquants». Un tel concept s’inscrit, nous dit-il, dans l’ADN de Genk, dans sa vision et sa politique. Mais avant d’être totalement opérationnel, il reste encore quelques clarifications à faire. «Plusieurs questions se posent encore, comme le type de détention à domicile. Sera-ce un régime ouvert ou fermé? On doit le discuter avec l’association et le ministre de la Justice, et cela déterminera l’emplacement des détenus», explique Wim Dries.
Outre le fait que la commune doit encore trouver un endroit approprié dans une zone qui correspond à la teneur du projet, il doit y avoir aussi un soutien suffisant au sein de la population et des partenaires sociaux autour de cette entreprise. «Nous sommes conscients que ce ne sera pas si évident. Il y aura des réactions de la population, en particulier dans la zone où la maison de détention sera installée. Nous nous y préparons, poursuit le bourgmestre. Mais ce sera l’occasion d’informer le public et de le sensibiliser sur la détention, la réhabilitation et la réinsertion sociale.»
Les francophones ne sont pas aussi avancés. Il y a eu une première rencontre des membres francophones de l’association au début de l’année. Ils doivent désormais mener un travail à trois niveaux: trouver un site adéquat au concept des maisons, créer une asbl spécifique pour gérer ce projet pilote et, au niveau de l’ancrage social, prendre des contacts avec des associations et des organisations pour collaborer et lancer concrètement ce projet. «On ne fait que démarrer, même si des associations se sont déjà proposées, admet Alain Harford, coordinateur du projet pour le sud du pays. C’est vrai que notre projet peut paraître surréaliste, à côté des politiques pénitentiaires actuelles avec des méga-prisons qui vont à l’encontre de tout projet de réinsertion: on ne peut pas y faire du travail psychosocial, éducatif, un peu personnalisé, correspondant aux besoins de détention et de réinsertion de chaque détenu. Notre démarche est tout l’inverse: on travaille sur la petite échelle, en misant sur la réinsertion au sein d’une commune, d’un quartier, en personnalisant le parcours de chacun. Notre priorité, c’est de trouver un emplacement. Il faut que ce lieu réponde à une série de critères sociaux et spatiaux en termes de détention et de réinsertion. Pour le trouver, il faudra certainement travailler via des sous-groupes par région.» Le temps presse, le projet pilote est à rentrer pour le mois d’octobre auprès du ministre de la Justice.
Aller plus loin
«Prisons: des services pour la réinsertion des détenus totalement insuffisants», Fil infos d’Alter Échos, 22 avril 2015, Manon Legrand.
En savoir plus
Concernant les perspectives de réinsertion: Alter Échos n°410, «Une université au cœur de la prison de Nivelles», octobre 2015, Nastassja Rankovic.