Le 4 novembre dernier, les IPPJ de Ruiselede, Beernem et Mol étaient en grève pour 24 heures. En cause, des incidents à répétition, souvent dus à laprésence de jeunes présentant des problèmes psychiatriques, un problème bien connu au sud également.
L’incident de trop a été le coup de couteau asséné le 30 octobre à une éducatrice au centre De Zande de Ruiselede. Le jeune en questionprésente des troubles émotionnels complexes qui aboutissent à de fréquents troubles de comportement, le tout compliqué par un léger handicap mental. Leprototype du sujet qui ne devrait pas avoir sa place en IPPJ, selon Frank Muller, chef du département IPPJ au ministère de la Communauté flamande, et Stefaan Van Mulders,administrateur-général de l’Aide à la jeunesse flamande.
Ils parlent tous deux de « jeunes à problèmes multiples », des jeunes qu’il faut « traiter à partir de plusieurs angles différents ». Ilsprésentent en effet souvent des problèmes d’éducation mais aussi des troubles psychiatriques. Ils ont en outre des difficultés scolaires et ont eu maille àpartir avec la justice.
« Nos institutions peuvent servir à dépanner temporairement mais nous ne disposons pas du know-how nécessaire pour proposer une véritable solution. Notremétier c’est d’éduquer, nous ne sommes pas psychiatres. »
Selon Stefaan Van Mulders, les IPPJ flamands abritent en permanence une moyenne de quinze jeunes présentant le même genre de profil que l’auteur des faits de Ruiselede. «Cela a un impact énorme sur notre fonctionnement. Un groupe moyen va comprendre entre huit et neuf jeunes : cinq ou six qui ont commis des faits relevant de la criminalité, un ou deuxRoms ou mineurs non accompagnés, et un de ces jeunes à problèmes multiples avec un QI de 60. S’occuper de ce dernier est pratiquement un travail à temps plein pourun éducateur et l’autre éducateur va dès lors devoir prendre en charge tout seul tous les autres jeunes. »
Contrairement aux établissements psychiatriques, les trois IPPJ n’ont le droit de refuser personne. « Nous sommes la gare terminus des jeunes dont plus personne ne veut. »Ces jeunes y arrivent avec le sentiment de n’avoir plus rien à perdre.
Or Frank Muller et Stefaan Van Mulders constatent depuis cinq ans une explosion du nombre de jeunes à problèmes multiples. « Cela a commencé il y a cinq ans mais jen’ai pas vraiment d’explication », commente le second. Selon lui, cela pourrait avoir un rapport avec l’amélioration des techniques de détection et dediagnostic. Mais il y a aussi le délitement des familles et des « réseaux naturels ».
Equipes multidisciplinaires
Pour le pédopsychiatre Peter Adriaenssens, « tant que l’on scindera la discussion en estimant qu’un jeune présente soit un problème psychiatrique, soit unproblème d’éducation, on n’avancera pas. » En effet, pour lui, si la vocation des IPPJ n’est pas de faire de la psychiatrie, celle des centres psychiatriques estde soigner et de traiter des jeunes, non de les maintenir enfermés. Il faudrait donc créer des institutions – ou des départements au sein d’institutions existantes– où les deux aspects, éducation et traitement psychiatrique, se rencontrent, avec des équipes à la fois plus fournies et multidisciplinaires. Et de toutefaçon, il estime qu’il faudra d’abord résoudre le problème des files d’attente : « Lorsqu’un juge de la jeunesse doit placer un jeune actuellement,la première question qu’il se pose est : où reste-t-il de la place ? » Par après, l’on pourrait mettre en place un centre de sélection etd’enquête chargé de trouver l’endroit ad hoc pour le jeune.
De son côté, le ministre flamand de l’Aide sociale, Jo Vandeurzen (CD&V) a déjà réagi en annonçant quelques mesures concrètes. Il proposed’aménager trente places dans des institutions de manière à pouvoir accueillir des jeunes séjournant actuellement en centre fermé. Les institutions qui seporteront candidates recevront 13000 euros par place et s’engageront de manière ferme vis-à-vis de l’administration à accueillir un jeune de ce type. Pour les jeunesà problèmes multiples, la solution réside selon lui dans la collaboration entre différentes institutions. Jo Vandeurzen tient aussi à mettre en garde ceux quiseraient tentés d’aller dans l’excès inverse. « Il ne faudrait pas non plus commencer à considérer que tout jeune qui commet un délit souffre pardéfinition de problèmes psychiatriques. Mais le fait est que la société évolue de plus en plus vite et que cela rend les jeunes de plus en plus fragiles.»
D’après De Morgen et De Standaard