« Résister, c’est créer. Créer, c’est résister ! ». Le ton est donné autour de la tribune organisée le 9 novembre dernier parBruxelles laïque1 dans le cadre de son Festival des Libertés. Une tribune avec comme invité d’honneur la section belge de l’Observatoire international desprisons (OIP)2 qui fête ses dix ans de militance. Une militance qui peine à lever le voile opaque d’un des miroirs de la société.
« Se tromper, c’est quelque part apprendre. Pas vrai Lara ? » Ainsi s’adresse Rosario, mineur italien incarcéré dans la baie de Naples, à laréalisatrice du documentaire Nsida. Grandir en prison, projeté avant le débat. Pendant près de trois ans, Lara Rastelli a suivi le quotidien de plusieurs jeunesâgés de 14 à 21 ans, privés de liberté pour divers faits de délinquance. Comment concilier enfermement et apprentissage ? Comment dépasserl’occupationnel pour retrouver le fil d’une vie souvent synonyme d’échec ? Valérie Lebrun, directrice de la prison de Namur, rappelle que personne n’arrive enprison par le fruit du hasard. « La prison est un lieu de contrôle social d’une population déterminée. Elle reflète l’échec de lasociété et non l’échec d’un parcours individuel. Mettre des moyens supplémentaires comme des éducateurs ou psys n’est pas suffisant vul’aliénation du système carcéral ». Venue à titre personnel, elle ne cache nullement le dilemme des chefs d’établissements dès lors quedoivent se prendre des décisions de mises en liberté conditionnelle. « Face au poids de l’opinion publique et parfois des médias, sachez qu’il est plus facilepour nous de dire non que oui »…
De la rage à la (cré)action
Créer pour survivre : c’est le créneau qu’a choisi Philippe Lacroix, ancien détenu condamné à mort en 1994, aujourd’hui professeur de languesen promotion sociale. Venu témoigner de son expérience de 15 ans d’emprisonnement, il encourage les responsables politiques et l’administration pénitentiaire àconsidérer le détenu comme un citoyen avant toute chose. « Le système est fait de telle sorte que toute initiative ou autonomie t’est ôtée.Étudier m’a permis de résister en ouvrant mon espace géographique pourtant réduit. » Philippe estime avoir refusé le jeu que tout détenu estcontraint de jouer : celui de l’aliénation.
Face à cette « barbarie carcérale », terme utilisé par Gabriel Mouesca actuellement président de l’OIP France, il est urgent de ramener le droit enprison. Contrairement à certains qui prônent la suppression pure et dure des prisons, il préconise de rendre plus transparent ces lieux « où les droitss’arrêtent dès la porte franchie ». Valérie Lebrun ajoute que pour atteindre une certaine transparence, encore faut-il que l’extérieurs’intéresse à ce qui se vit réellement dans l’enceinte. Elle ne cache pas sa déception face au politique qui, soit ne place pas le sujet àl’agenda, soit le place en termes régressifs. « Avant d’ajouter des droits au sein des prisons, il s’agit de ne pas nous en retirer de l’autre main. » Ellecite l’exemple des soins de santé qui ont de plus en plus tendance à être donnés intra muros plutôt qu’à l’extérieur, ce quiengendre un isolement supplémentaire.
Militer c’est patienter !
Résistances individuelles, résistances collectives, comment éviter la démobilisation ambiante décrite par Philippe Mary, premier président de l’OIPBelgique ? « En dix ans de temps, la section belge du mouvement a certes gagné en atouts. Elle bénéficie d’un certain soutien de la population toutes tranchesd’âge confondues, d’une médiatisation dans le cadre de ses dénonciations notamment et de partenariats comme avec la Ligue des Droits de l’Homme ».
Pourtant l’anniversaire résonne en demi-teinte. D’une part, la section belge s’appuie uniquement sur des bénévoles jusqu’à présent etpeine à recruter des volontaires autour des établissements pénitentiaires autres que bruxellois. « Parmi ces volontaires, l’on compte trop peu de magistrats etd’avocats pourtant intéressés au premier chef », commente Delphine Paci, nouvelle présidente de l’OIP Belgique. D’autre part, la partie flamande du paysest une zone d’ombre que l’OIP doit percer au niveau du recueil de données. Enfin, l’organisation est fortement tributaire des médias. Médias qui sontinvités à casser le mythe de la prison cinq étoiles en dehors des rapports annuels faisant état de la surpopulation en milieu carcéral ! Parce que résistancerime avec patience comme ironise Philippe Mary, l’heure n’est pas à l’abattement mais plutôt au changement de lunettes sur cette réalité à ne pasocculter…
1. Bruxelles laïque :
– adresse : av. de Stalingrad, 18-20 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 289 69 00
– fax : 02 502 98 73
– courriel : bruxelles.laique@laicite.be
– site : www.bxllaique.be
-contact : Mathieu Bietlot.
2. Site de l’OIP : http://www.socialsquare.com.
Possibilité de commander en ligne le Guide du sortant de prison aux Éditions La Découverte (2006).