Les écolos bruxellois1 ont organisé mardi 25 juin une table ronde intitulée « Jeunes Bruxellois cherchent (désespérément) partenaires pour formation etemploi ». Elle regroupait opérateurs économiques, décideurs politiques, partenaires sociaux et acteurs de l’enseignement et de l’insertion.
Christos Doulkéridis, parlementaire vert régional bruxellois et communautaire, a, en introduction à la demi-journée, résumé les trois élémentsà l’origine de la mise sur pied de ce forum :
> la distorsion entre les indices économiques bruxellois et les chiffres du chômage de l’Orbem (en augmentation de 65% chez les moins de 25 ans);
> l’investissement de 600 millions opéré en trois ans par la Région wallonne et la CFWB au travers de politiques croisées sans équivalent à Bruxelles;
> les appels émanant de l’industrie (particulièrement d’Agoria) suite à leurs difficultés à trouver de la main-d’œuvre qualifiée.
La table ronde proposait à chaque catégorie d’acteurs de s’exprimer à la fois sur le taux d’emploi, la qualité et les moyens de l’enseignement et la voie à suivrepour aboutir à un « véritable partenariat ».
1. Responsables ministériels
Pierre Hazette2 et Eric Tomas3 se sont d’emblée accrochés sur la thématique du financement de l’équipement des écoles techniques et professionnelles (voirencadré). Par ailleurs, le ministre de l’enseignement secondaire a fait le point sur le chantier entamé il y a sept ans et en train de s’achever : la réforme des profils dequalification de l’enseignement technique et professionnel. Au vu du très long laps de temps entre la décision de réforme et sa première application dans les classes, leministre a demandé de la patience et de l’indulgence, particulièrement dans le chef des employeurs.
2. Employeurs
2.1. Agoria
Le représentant de l’industrie technologique (la fédération multisectorielle – métaux, mécanique, plastiques, TIC, électronique, automobile,…Agoria), Dominique Michel4, a rappelé les résultats d’une enquête, à laquelle 60% des membres d’Agoria ont répondu. Elle lui permet d’avancer que d’ici fin 2003 lesbesoins en termes de personnel transversal (secrétaires, commerciaux…) et technique (soudeurs, mécaniciens…) atteindraient les 600 à 700 postes. Mais qu’actuellementson secteur industriel constate une pénurie non pas de main-d’œuvre en général mais bien en « travailleurs qualifiés ». « Nous ne cherchons pas des personnesimmédiatement efficaces à 100% mais qui maîtrisent un minimum de connaissances », a-t-il toutefois tenu à préciser.
2.2. Construction
Françoise Nyssens, conseillère juridique à la Confédération de la Construction de Bruxelles-Hal-Vilvorde5, a pour sa part insisté sur la démarche deson secteur qui a d’abord été de « réfléchir sur lui-même ». Cette introspection a débouché sur une série d’initiatives :
> La formation au tutorat à travers des cours destinés aux chefs d’équipe et aux em-ployeurs mais aussi aux accompagnateurs de CEFA (financé à travers le projeteuropéen Equal et réalisé avec Bruxelles-Formation);
> Le screening des listes de demandeurs d’emploi en collaboration avec l’Orbem et Bruxelles-Formation. Certaines personnes sont inscrites sur les listes de demandeurs d’emploi comme maçonsmais ne sont en réalité plus à même de travailler dans ce domaine, notamment physiquement. Il s’agit donc d’identifier dans ces listings ceux qui sont prêts àl’emploi et ceux qui doivent recevoir une nouvelle formation : 70 ma-çons ont été ainsi engagés et les autres métiers du bâtiment vont êtreapprochés de la même manière;
> L’équipement de centres de formation comme le Centre de formation en alternance de la construction (Centre FAC) mis en place au début des années 90 par les CEFA bruxelloisdes réseaux de la CFWB (Anderlecht et Evere) et du libre catholique (Ixelles-Schaerbeek) le communal devant les rejoindre sous peu. Cet équipement s’était réalisénotamment grâce au financement du ministère de l’Emploi dans le cadre du projet « groupes à risques » (« appellation fort stigmatisante ») : les partenaires sociaux de la construction(employeurs et syndicats) avaient obtenu plusieurs millions qu’ils géraient et dont l’utilisation était évaluée en permanence. Ce financement a pris fin il y a six ou septans mais le Centre FAC continue à être financé par le fonds sectoriel ainsi que par des dons.
> F. Nyssens espère enfin voir le centre de Bruxelles-Formation accueillir des formations de grutiers à tour et de machinistes à l’instar de ce qui se fait pour lesmaçons (d’autant plus que le développement de ce type de centres de compétences rencontre une des priorités du récent Plan pour l’emploi des Bruxellois).
2.3. UEB
Le secrétaire général de l’Union des entreprises de Belgique6, P. Thonon, a quant à lui insisté sur le fait que les écoles ne délivrent pas lesqualifications requises. D’où l’importance de l’insertion des demandeurs d’emploi, mais, a-t-il précisé, « encore faut-il avoir l’assurance de la volonté du chômeurde se former pour trouver un emploi ».
3. Insertion
Frédérique Mawet, coordinatrice de la Mission locale pour l’emploi de Forest7, a fortement contesté cette dernière opinion en affirmant que toutes les personnes qu’ellerencontrait voulaient travailler. Selon elle, il serait plus intéressant de se demander pourquoi des jeunes qui sont acceptés comme intérimaires dans une fonction ne sont plusassez formés quant il s’agit d’embaucher au même poste dans un contrat à durée indéterminée, mais aussi de s’interroger sur l’accompagnement des jeunes dansleur parcours d’insertion.
4. Partenaires sociaux
Anne-Marie Appelmans (FGTB)8 a poursuivi dans le même sens en tenant à relativiser la focalisation de tout le mal-être sur l’enseignement T&P. Elle a plutôtinsisté sur le désaccord profond entre partenaires sociaux sur la notion d’employabilité (qui revenait en fait à demander de disposer d’une main-d’œuvre « taillable etcorvéable à merci »). Côté CSC-Bruxelles, Daniel Piersoel9 a notamment insisté sur le fait que les entreprises situées à Bruxelles ont souvent uncréneau d’embauche fédéral alors qu’il est plus local, voire communautaire, dans les autres Régions, ce qui désavantage les habitants de la Régionbruxelloise.
5. Enseignement
Jean Vander Elst, coordinateur du CEFA d’Ixelles-Schaerbeek10, a expliqué que le Centre FAC interréseau avait en dix ans formé plus de 1.000 Bruxellois dans les métiers dela construction, l’initiative étant partie du constat que « c’était surtout des gens d’Alost et de Binche qui travaillent dans ce secteur à Bruxelles ». Mais une des conditions deréussite est l’écoute entre les différents partenaires. Il a sur ce plan demandé à Agoria
d’éviter les effets de manche médiatiques, surtout au regarddes certaines difficultés de collaboration rencontrées récemment avec ses entreprises. Après un an (2000-2001) d’expérience positive avec 10 jeunes des CEFAformés par Iris Tech (le centre d’Agoria), la poursuite du projet, demandée par Agoria pour 20 jeunes supplémentaires, a tourné court puisque les six jeunesproposés par le CEFA n’ont jamais reçu de contrat d’apprentissage (malgré les efforts d’Agoria) et de report en report n’ont pu être comptabilisés dans lesformations en alternance ce 15 janvier 2002, ce qui les a totalement découragés. Les entreprises évoquaient la conjoncture plus difficile. « Quand les gens sont formés etsocialement capables, il y a généralement plus d’offres d’emploi que de candidats », tient à préciser D. Michel.
6. Pistes d’action
Au-delà des désaccords constatés, le forum a toutefois permis de nouer un dialogue recherché par tous autour de pistes visant à améliorer la formation etl’emploi des jeunes Bruxellois. Au nombre de « verrous à faire sauter », Roberto Galuccio (échevinat de l’instruction de la Ville de Bruxelles11) a ainsi regretté qu’on n’ait pasrapproché les CEFA de la promotion sociale. La complexité institutionnelle bruxelloise (ne fût-ce qu’entre opérateurs publics) a également étédénoncée par de nombreux intervenants. Frédérique Mawet a proposé, en prenant le secteur hospitalier et ses 95% d’insertions réussies en exemple, que lesformations soient assorties d’une garantie d’emploi, les entreprises préférant des formules plus souples; et que les missions locales évitent de donner une mauvaise image desemployeurs. Le ministre régional bruxellois Tomas a notamment insisté sur le fait qu’il fallait éviter les concurrences entre opérateurs (enseignement, alternance, classesmoyennes) et proposé que les formations des classes moyennes se regroupent avec celles de Bruxelles-Formation et que les employeurs s’interdisent de pousser des jeunes de plus de 18 ansà abandonner leurs études (et à boucher leur avenir) en leur « offrant » un petit contrat alléchant… Des débats riches et francs, donc, dans lesquels onpourrait regretter un oubli : la problématique des discriminations.
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Polémique sur l’équipement des écoles T&P situées à Bruxelles
Les ministres Tomas et Hazette ont exposé leurs divergences sur la question du financement de l’équipement des écoles techniques et professionnelles. On croyait pourtant laquestion réglée après une récente réunion conjointe des gouvernements régional et communautaire : ils s’étaient mis d’accord sur un plan de rattrapagedu financement du matériel des écoles techniques et professionnelles de Bruxelles, rattrapage qui devrait être effectif en 2005 (si l’ampleur des marges budgétairesdégagées par le refinancement se confirme). Pour comprendre le pourquoi de ce rattrapage, il faut savoir que depuis 2000, la Région wallonne et la CFWB ont financé lerééquipement des écoles situées en Wallonie sur la base de « politiques croisées » des deux niveaux de pouvoir. En tout, 14,9 millions d’euros ont étéinvestis, dont 3,2 millions provenant du budget de la CFWB. Un budget normalement destiné aussi bien aux Wallons qu’aux Bruxellois, d’où l’intervention d’un rattrapage favorisanttemporairement Bruxelles.
Mais le ministre Hazette veut à présent compléter ce mécanisme avec une autre proposition. Il s’agit d’utiliser l’asbl qui va être constituée pourredistribuer l’argent prévu aux écoles T&P bruxelloises pour recueillir d’autres fonds. D’où proviendraient ces fonds? P. Hazette a invité la Région bruxelloiseà « se prendre en main », c.-à-d. à alimenter cette asbl avec ses propres deniers. D’où la fureur d’E. Tomas. Celui-ci « souhaite que chaque niveau de pouvoir exerce sescompétences ». Autrement dit : « Le financement des écoles techniques et professionnelles n’est pas du ressort de la Région bruxelloise, mais bien de celui de laCommunauté française, qui a par ailleurs été refinancée lors des derniers accords institutionnels ». Le ministre Tomas « attend donc de celle-ci qu’elleélabore un plan d’action en vue de rééquiper les écoles bruxelloises ».
Le problème de fond est que les marges dégagées par le refinancement de la CFWB ne seront pas énormes avant 2005 et que, même après, l’optimisme n’est pas derigueur. On doit ajouter à cela que même le gouvernement wallon hésite à prolonger son financement au-delà de cette année : il est prévu que cespolitiques croisées s’éteignent avec le refinancement mais “on verra s’il est possible de prolonger l’effort en septembre–octobre lors de la confection du budget2003”, dit-on au cabinet Van Cauwenberghe.
Face à cette situation, les députés Christos Doulkéridis (Ecolo) et Denis Grimberghs (CDH) ont déposé une proposition d’ordonnance instaurant un Fondsd’équipement bruxellois, sur la base des compétences économiques de la Région et à l’instar de ce qui a été fait en matière informatique. SelonC. Doulkéridis, il s’agit de faire preuve de souplesse face aux avancées qui ont eu lieu en Wallonie et de ne pas prendre les élèves en otages. Si le débatmené en commission a abouti à un rejet de cette proposition par la majorité MR–PS (qui a invoqué le respect du partage des compétences), le ministre Tomas aproposé une solution de remplacement. Il s’agirait d’utiliser les arriérés de redevance radio-télé que les Bruxellois doivent encore à la CFWB et que laRégion bruxelloise ne réclame pas à la suite de la régionalisation (contrairement à la Région wallonne). Ces 2,5 millions d’euros »payésuniquement par des Bruxellois » seraient affectés à l’équipement des écoles situées dans la capitale. La FGTB et la CSC le soutiennent sur ce plan.
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1 Groupe Écolo au Conseil de la Région de Bruxelles-Capitale, rue du Lombard, 57 à 1005 Bruxelles – tél.: 02 549 65 30 – courriel : ecolo.crb@ecolo.be.
2 Cabinet Tomas, bd du Régent, 37-40 à 100 Bruxelles – tél. 02 213 17 00
3 Cabinet Hazette, boulevard du Régent, 21-23 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 506 33 11.
4 Agoria, Diamant Building, bd A. Reyers, 80 à 1030 Bruxelles – tél. : 02 706 78 55 – site Web : http://www.agoria.be/bruxelles.
5 Confédération de la Construction de Bruxelles-Hal-Vilvorde, rue d’Arlon, 92 à 1040 Bruxelles – tél. : 02 230 14 20 – wwww.confederationconstructrion.be
6 Union des entreprises de Belgique, avenue Louise, 500 à 1050 Bruxelles – tél. : 02 210 01 75.
7 Mission locale de Forest, boulevard de la IIe Armée britannique, 29 à 1190 Bruxelles – tél. : 02 349 82 10.
8 FGTB, bd de l’Emper
eur, 34 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 552 03 45.
9 CSC, rue Pletinckx, 19 à 1000 Bruxelles – tél. : 02/508 87 11.
10 CEFA Eperonniers, rue Mercelis, 38 à 1050 Ixelles – tél. : 02 511 23 16.
11 Hôtel de ville, Grand-Place à 1000 Bruxelles – tél. : 02 279 49 10.
Archives
"Jeunes, opérateurs de formation et employeurs se cherchent à Bruxelles…"
Donat Carlier
22-07-2002
Alter Échos n° 124
Donat Carlier
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