C’est la question qui a traversé le deuxième thème de cette journée des insertions. Autour de la table, des responsables politiques pour aborder le premier vecteurd’insertion que constitue l’enseignement obligatoire.
Jules Jasselette, échevin de l’Instruction publique de la ville de Liège introduisait le débat en ces termes : « Nous sommes dans une société dualeoù l’accès à l’emploi, l’accès à la consommation sont inégalement répartis. Et l’école apparaît, comme le principal vecteurd’égalité. Or, elle ne joue pas ou peu son rôle d’ascenseur social. Dans ce contexte, comment assurer une égalité des résultats ? » Seconde questionpour alimenter le débat, « est-il possible d’avoir une école égalitaire dans une société qui est profondément inégalitaire ? ».
L’accès à l’emploi passe par l’enseignement supérieur
Pour ouvrir le débat, Marie-Dominique Simonet, ministre de l’Enseignement supérieur de la Communauté française (CDH). Réaffirmant le rôleintégrateur de l’enseignement, la ministre a insisté sur la valeur économique du diplôme en citant quelques chiffres : 75 % des personnes qui détiennent seulement undiplôme de l’enseignement primaire sont au chômage alors que seuls 10 % des diplômés du supérieur sont dans cette situation. Ce qui nécessite d’avoir obtenu aupréalable son diplôme de fin de secondaire. L’inégalité d’accès à l’enseignement supérieur est, on le savait, fortement liée à l’originesociale de l’étudiant, mais également à son origine géographique. Selon la ministre, 32 % des jeunes résidant dans le Brabant wallon sont inscrits dans unétablissement d’enseignement supérieur alors qu’ils sont moins de la moitié dans le Hainaut. D’où la volonté des ministres successifs de limiter les obstaclesà l’entrée du supérieur. Depuis 2004, différentes mesures ont été prises : la simplification des bourses (avec pour résultats 6.000 boursesoctroyées en plus en 2005), la mise en place de subsides sociaux, la suppression progressive des droits d’inscription complémentaires (DIC), un travail sur l’orientation dans lesupérieur ou encore la préparation d’un décret sur la promotion de la réussite favorisant le tutorat et la guidance des nouveaux étudiants.
Dès la maternelle
Pour Jean Marc Nollet, député fédéral (Ecolo) et ancien ministre de l’enseignement fondamental, c’était une sorte de come-back. La première fois qu’ilreprenait publiquement la parole sur cette matière. « Ce qui me permet de voir les choses différemment, d’avoir sans doute plus de recul ». Pour l’ancien ministre, letravail d’insertion débute à l’école maternelle. D’où l’importance de « travailler ce qui se passe avant et tout au début de l’école. Par exemple, pourles parents d’origine défavorisées, le fait de devoir inscrire un enfant à l’école c’est souvent la première fois qu’ils ont un contact avec une institution qu’ilsont quittée dans des conditions souvent difficiles ». Pour ce faire, il propose notamment de favoriser les contacts entre l’école et la famille en entretenant un espace dedialogue, en travaillant sur le bulletin, le journal de classe ou encore le fait de donner régulièrement aux enfants les travaux réalisés en classe.
Au niveau structurel, J.-M. Nollet propose d’accentuer la logique de différenciation positive initiée sous la précédente législature. Le financementdifférent selon l’origine socio-économique des élèves est pour le moment cantonné à une partie des frais de fonctionnement des établissementsscolaires. Il évoque cependant la nécessité d’étendre la logique à l’encadrement. « C’est en différenciant que l’on permettra au travail d’insertion des’inscrire durablement dans les écoles ». Au niveau du secondaire, il propose que les moyens publics dont disposent les étudiants de l’enseignement supérieur puissentégalement être mis à disposition, sous forme de crédits formation, pour les élèves qui ne poursuivent pas de cursus supérieur. Ces créditsseraient distribués de manière inversement proportionnelle à la formation de base.
Modulariser pour égaliser ?
Quant au représentant de la ministre de l’Enseignement obligatoire, Marie Arena (PS), il a insisté sur les six orientations du Contrat pour l’école1.Premièrement, augmenter le niveau d’éducation de la population scolaire : que la totalité des élèves du fondamental obtiennent leur certificat d’étude debase et que 80 % d’une classe d’âge obtienne le certificat d’étude secondaire supérieur. Deuxième objectif, améliorer les performances de chaque enfant. Ensuite,augmenter le nombre d’élèves « à l’heure ». Le quatrième vise à favoriser la mixité sociale dans chaque établissement scolaire et danschaque filière. Le cinquième cherche à mettre sur pied d’égalité les différentes filières d’enseignement afin que le choix de la filière soitun choix positif en développant une approche métier » de l’enseignement professionnel. « Afin de ne plus enfermer l’élève dans un filière. Ici, il estquestion de modularisation, d’articulation avec la formation professionnelle. La progression de l’élève se ferait par acquisition de nouveaux modules. » Enfin, le dernier objectifest de lutter contre tous les mécanismes de relégation qui existent au niveau des établissements d’enseignement.
Le débat a notamment porté, suite à l’intervention de l’échevin Jasselette sur la modularisation de l’enseignement qualifiant. Pour ce dernier, « c’est lecontraire qu’il faudrait faire. Insister sur les éléments du cursus qui lui permettent de comprendre et agir dans la société. On assiste ici à une ‘balkanisation’de la formation professionnelle au profit d’une vision économiste à court terme. Le rôle de l’école n’est pas de répondre aux besoins du marché. Pourça, il y a le Forem ». Ce à quoi le représentant de la ministre de l’Enseignement obligatoire a répondu qu’il n’était pas question de saucissonner laformation professionnelle. « La modularisation n’a rien à voir avec le saucisson, c’est plutôt de progression vers un métier qu’il s’agit. »
1. L’Agence Alter a publié un dossier sur le sujet téléchargeable sur http://www.altereduc.be/PDF/AlterEduc-Dossier-Contrat-Ecole-062005.pdf