Après près de 20 ans à la tête de l’Onem, Karel Baeck prendra sa retraite à la fin du mois de septembre. Il n’a jamais eu sa langue en poche.
À 68 ans, Karel Baeck cédera sa place d’administrateur-général de l’Onem à Georges Carlens, actuellement chef de cabinet de Joëlle Milquet. Iloccupait cette fonction depuis 1990, dans une organisation qu’il avait intégré en 1972. La crise n’a pas épargné l’Onem et la dernièreannée de Karel Baeck n’aura pas été la plus facile. En un an, l’Onem a vu ses fichiers gonfler avec l’arrivée de 50 000 chômeurs ordinaires,100 000 chômeurs temporaires et 20 000 travailleurs en crédit-temps. L’année prochaine, le budget total de l’Onem devrait dépasser les 12 milliardsd’euros.
Selon Karel Baeck, l’organisation s’en sort notamment grâce à une informatisation poussée qui permet de délocaliser certains dossiers. Ainsi, des dossiers dechômeurs bruxellois sont-ils traités à Alost, « ce qui n’est pas totalement en accord avec les lois linguistiques ». Autre objet defierté : « L’Onem compte encore beaucoup de fonctionnaires peu diplômés. Ils font du travail administratif pour les contrôleurs, ce qui permet auxfacilitateurs d’accomplir cinq entretiens de contrôle par jour, ce qui ne serait pas possible autrement. Seules la police et l’armée emploient proportionnellement davantagede personnes peu qualifiées. »
Régionalisation, non merci
Karel Baeck estime que la réglementation en matière de chômage est trop complexe. L’Onem a créé il y a peu une direction « management de laconnaissance » pour avoir une image précise de l’expertise existante en la matière, car les choses sont telles que « lorsque le spécialisteconcerné s’en va, sa connaissance est perdue ». Il estime que non seulement le gouvernement et les parlementaires sont responsables de cette complexitéexagérée, mais aussi les partenaires sociaux. Mais surtout, Karel Baeck n’a jamais été un chaud partisan de l’actuelle répartition de compétencesentre régions et fédéral. Pour lui, « celui qui décide en matière de chômage doit également en assumer les conséquencesfinancières. Actuellement, ce sont les Régions qui décident de ce qui est un emploi convenable pour telle ou telle personne, alors que c’est le niveau fédéralqui paie les allocations. »
Il estime impensable que l’on régionalise toute la politique de l’emploi. « À Bruxelles, un travailleur sur quatre est au chômage. Bruxelles devrait-ellepayer seule pour cette situation ? Quid alors du principe de solidarité entre tous les citoyens ? Les syndicats n’accepteront jamais cela. Mais toutrefédéraliser serait politiquement tout aussi difficile à réaliser, j’en suis bien conscient. » N’empêche : pour lui, lesdifférences entre marchés de l’emploi ne justifient pas l’existence de trois ou quatre niveaux de pouvoir en la matière. « Il y a plus de différenceentre le Hainaut et le Brabant wallon qu’entre celui-ci et le Brabant flamand. Et du temps où c’était l’Onem qui assurait les formations, il y avait aussi des accentslocaux : des formations au métier de la pêche à Zeebruges, ou de gardes forestiers dans le Luxembourg. »
Pour améliorer le modèle existant, il préconise de récompenser les Régions en fonction de résultats obtenus, avec des indicateurs tels que le nombre dechômeurs longue durée. Pour lui, c’est à Bruxelles que les problèmes sont les plus aigus alors que c’est là que l’on investit le moins dans laformation.
Autre credo : pour Karel Baeck, les allocations de chômage sont insuffisantes. « Un chef de famille au chômage doit s’en sortir avec 40 euros par jour. Unisolé avec 35. En France, les allocations vont de 800 à 5 000 euros, selon le nombre de jours prestés, un système qui n’existe pas chez nous. » Parcontre, il est plus sceptique sur le système français de limitation des allocations dans le temps, « qui précipite certains jeunes dans la pauvreté, voire ladélinquance au bout de deux ans. Je préfèrerais un système où les allocations sont plus élevées qu’actuellement au départ pour diminuerensuite graduellement, mais sans limitation dans le temps. Mais en échange, tous les allocataires devraient chercher du travail, comme on le demande actuellement auxprépensionnés. »
Il plaide aussi pour une modulation des allocations d’attente en fonction du dernier diplôme obtenu. « Actuellement, quelqu’un qui a terminél’université reçoit les mêmes 200 euros que celui qui n’a même pas réussi à finir l’école professionnelle… »
D’après De Morgen et De Standaard