Le travail social, Katia Maryniak connaît, elle en est à quelque 35 ans de carrière chez Toit et moi, d’abord comme assistante sociale de secteur, puis dans les opérations de rénovation en site occupé. « C’est une affaire de terrain, de bonne connaissance des familles. Une attention qui existe depuis toujours dans notre société, mais l’an dernier, les subventions « Référents sociaux » ont permis de renforcer d’une unité l’équipe sociale. »
Avec son parc de plus de 5500 logements, Toit et moi est l’une des plus grosses SLSP wallonnes, la seule à opérer sur Mons et les communes avoisinantes. En tant que référente sociale à temps plein depuis un an et demi, Madame Maryniak positionne son intervention par rapport à la deuxième ligne, ainsi que celle de sa collègue, référente sociale entrée en poste en avril, et qui suit les problématiques des candidats locataires.
Déployer des antennes de proximité
Toit et moi développe depuis l’automne dernier une formule originale de présence sur le terrain. Le parc est divisé en six secteurs et pour chacun de ces secteurs, la société a constitué une équipe mixte composée d’une travailleuse sociale et d’un technicien et active pour 850 à 900 logements. Ces « antennes de proximité » sont ouvertes pratiquement toute la semaine, avec des permanences ou sur rendez-vous, et constituent le premier point de contact pour tout type de question ou de problème.
« Mon rôle est d’accompagner ces équipes de terrain, explique Katia Maryniak. L’objectif est de les positionner comme de véritables antennes, pas juste des permanences. A ce jour les choses prennent forme : dans une grosse société comme la nôtre, la gestion locative comporte un volume important de travail administratif, qui repose en bonne partie sur les travailleurs sociaux. La volonté de l’actuelle direction est de faire évoluer les priorités pour que notre équipe sociale mette plus d’énergie sur le travail social que sur l’aspect administratif.
Nous nous attelons actuellement, continue Katia Maryniak, à la pédagogie de l’habiter (NDLR un des trois volets de la mission des référents sociaux), la bonne utilisation des équipements, la prévention des charges, etc. Bien sûr, tout cela existait déjà. Mais notre travail de proximité est désormais plus pointu : nos équipes rendent visite, en binôme, à tous les nouveaux locataires dans les six mois qui suivent leur installation pour voir si tout se passe bien et pour orienter les familles en cas de besoin : en effet, chez les habitants, on trouve des problèmes de tous ordres : financiers, éducatifs, de santé et de santé mentale, de couple, d’isolement… On veut pouvoir intervenir avant que les gens se trouvent en danger vis-à-vis de leur toit. Si cela arrive, et que la société doit expulser, il n’y a plus grand-chose à faire : il y a une procédure prévue et il faut l’appliquer. Mais pour nous, travailleurs sociaux, c’est un échec complet ! »
En deuxième ligne
« Mon rôle de référente est d’intervenir pour coordonner les équipes, pour dynamiser le travail. Développer les partenariats, c’est la seconde grande étape de ma mission. On a beaucoup plus de besoins que de solutions, en tous cas pour le moment. On doit donc pouvoir faire appel au réseau social. Par exemple pour aider au maintien des gens dans leur logement, nous travaillons régulièrement avec les CPAS. » Il s’agit bien de dépasser les passages de relais ponctuels. Si le référent social incarne les missions sociales de la SLSP vis-à-vis des locataires, il joue aussi le rôle de porte d’entrée sociale pour l’extérieur, avec le CPAS, le service de prévention de la Ville, avec le secteur associatif, etc.
« Le logement public a ses réalités particulières, nous avons donc besoin de faire comprendre nos modes de fonctionnement aux autres secteurs. Et puis on découvre parfois des organisations qu’on ne soupçonnait pas. Nous avons par exemple dans la région une équipe médicale volante, qui comprend un psychiatre : ils sont extrêmement précieux dans certaines situations où nous nous sentons complètement impuissants. Prenez l’exemple de cette dame seule avec une enfant lourdement handicapée. Elle refusait tout contact avec l’extérieur. S’il arrive quoi que ce soit, on se retrouve seuls face à une catastrophe pour laquelle nous ne sommes pas armés. »
« Les problèmes d’argent sont omniprésents, continue Katia Maryniak. Sous forme de surendettement notamment. Le poids des charges locatives sur le budget des familles est considérable, et ça oblige les gens à faire des choix difficiles. Face à une situation de ce type, nous commençons toujours par essayer de comprendre où sont exactement les problèmes. Ensuite, on cherche les solutions, soit nous-mêmes, soit avec un relais extérieur : une administration de biens, une guidance budgétaire, une médiation de dettes, parfois même une aide alimentaire. »
Katia Maryniak est aussi une « ambassadrice sociale » de Toit et moi dans différentes dynamiques locales : « Nous sommes partie prenante de l’axe logement du Plan de cohésion sociale. Nous participons également à de l’Observatoire de l’habitat lancé par la Ville de Mons, etc. »
Chercher de nouvelles réponses
L’émergence de la fonction de référent social est-elle liée à une évolution tendancielle des publics du logement social ? « Chez Toit et moi, il y a toujours eu des travailleurs sociaux. Concernant l’évolution des publics, je tiens toujours à préciser que tout notre public n’a pas des besoins sociaux, heureusement. Mais hormis les problèmes liés à la baisse du pouvoir d’achat, la provenance des nouveaux locataires a évolué. Elle est liée à l’introduction du formulaire de candidature unique, qui amène une nouvelle problématique, je dirais, d’adaptation régionale. Entre la capitale et le Borinage, la vie n’est pas la même… »
Et de commencer à envisager des actions collectives. « Nous préparons une nouvelle expérience : des séances collectives d’information des nouveaux locataires sur toutes les ressources de leur quartier, les écoles, les crèches, les médecins, les grandes surfaces. Une approche liée à cet élargissement de la provenance de nos locataires. Jusqu’ici, l’accueil était centralisé au siège administratif et portait presque uniquement sur les aspects locatifs au sens strict. » Une offre qui pourrait aussi intéresser une partie des locataires plus anciens… « Des projets collectifs, on en a besoin. On a déjà des collaborations avec certains partenaires, mais on veut aller vers de vraies initiatives communes, par exemple avec la Régie de quartier ». D’où la question : deux ETP référent social pour plus de 5000 logements, est-ce suffisant ? « Aujourd’hui, ça va, mais comme on veut continuer à diversifier nos actions, on verra… »
La question se posera. Le pari de Toit et moi est de coupler le déploiement de son action de terrain sous forme d’antennes de proximité avec le programme régional des référents sociaux. Il en ressort un modèle maison original, en phase de maturation : « L’important est de voir le terrain différemment : concrètement et globalement. Quand je participe aux activités sur le terrain, je trouve que ça a déjà un impact, je vois que les gens connaissent leurs personnes de référence, qui constituent le lien entre eux et « la grosse machine société ». »
Depuis deux ans en Wallonie, les 68 sociétés de logement de service public (SLSP) se dotent l’une après l’autre d’un référent social, en quelque sorte un coordinateur social de la gestion locative. Dans ce numéro spécial Alter Échos dresse le portrait de ce dispositif qui se construit pas à pas, et continuera à mûrir.