Le 9 décembre dernier, aux Halles Saint Géry, l’Atelier urbain invitait Claude Rener pour une conférence-débat consacrée à l’habitat durable.À travers trois de ses chantiers, cet entrepreneur en bâtiment a illustré une approche pragmatique de l’éco-construction. Où le souci de rénover et debâtir des habitations peu énergivores s’articule à celui d’utiliser des matériaux à l’éco-bilan remarquable. Et où la conception dechaque logement intègre dès le départ une réflexion sur les modes de vie de ses futurs habitants, la qualité de l’environnement du quartier… Il formuleaussi quelques pistes pour favoriser l’essor de cette filière durable qui occasionne pourtant un surcoût non négligeable au moment d’investir. L’enjeu de cedébat tient au fait que le développement du concept d’habitat durable ne se limite pas à la construction de nouveaux logements mais trouve tout son intérêtdans la rénovation du parc immobilier existant.
Quatre arguments pour un habitat durable
Tout d’abord, Claude Rener conseille d’appréhender chaque projet dans son contexte particulier. Pas question d’appliquer de façon linéaire une seule normeénergétique. L’important est d’améliorer sensiblement la consommation énergétique d’un bâtiment en tenant compte de sescaractéristiques propres. L’isolation d’une maison de maître dont la façade, remarquable, ne peut faire l’objet d’un traitement lourd n’atteindrajamais les performances d’une habitation neuve « basse énergie » de l’ordre de 30 kilowattheures par mètre carré. Mais avec 93 kWh/m2, ellefait plus que diviser par deux sa consommation d’avant rénovation, estimée à 200 kWh/m2. Pas question non plus d’appliquer une même technologiepartout. C’est l’articulation entre le choix des matériaux, le type de chauffage de l’habitation, l’orientation des pièces… qui permettrad’atteindre une meilleure efficience énergétique.
Ensuite, le choix des matériaux ne tient pas seulement compte de leur impact sanitaire sur les habitants. Il se fait également dans un souci de gestion parcimonieuse des ressourcesnaturelles et d’éco-bilan le plus favorable possible. Les bois, par exemple, proviendront de préférence de nos régions. Dans les cas où ils seraientimportés, ils seront labellisés « FSC1 ». L’importante masse thermique d’une maison « basse énergie » sera obtenue, par exemple,par une maçonnerie en blocs silico-calcaires étuvés ; la fabrication de matériaux cuits aurait émis plus de CO2.
Troisièmement, l’approche se veut globale. Dans la maison de maître, la rénovation a prévu un système de poulies à vélos dans le halld’entrée, une lavanderie commune alimentée par panneaux solaires et un système intégré de tri sélectif des déchets. La construction de nouveauxlogements sur un bâtiment existant, rue de Londres à Bruxelles, prévoit notamment une verdurisation verticale du nouvel ensemble qui profitera à tout le quartier, en manqued’espaces verts.
Enfin, plutôt que de courir derrière la dernière innovation technologique, souvent moins accessible financièrement, l’entrepreneur privilégie une largeappropriation des solutions et techniques d’éco-construction. Dans un souci de reproductibilité maximale, avec l’espoir d’atteindre plus rapidement des effets de seuiltant économiques (nouvelles filières de production et nouveaux emplois) qu’environnementaux (contribution plus massive aux objectifs de Kyoto, notamment).
Surmonter les surcoûts par des prêts à taux 0
Les surcoûts globaux de l’investissement en bio-construction sont importants : de l’ordre de 30 %. Avec des temps de retour variant entre 5 ou 7 ans (pour le chauffage àcondensation par exemple) et 20 ans maximum (15 ans pour le chauffage solaire). Dans le cas de la maison de maître rénovée en habitat communautaire, l’amélioration del’isolation se répercute dans un loyer de 10 % supérieur à la moyenne pour des immeubles comparables ; les charges par contre sont en baisse de 50 %.
Pour surmonter les réticences dues à ces surcoûts, il ne suffit pas de faire valoir qu’un placement sur compte d’épargne rapporte 2 % quandl’installation d’une chaudière à condensation permet d’économiser 20 % de la facture de chauffage. Pour aider les particuliers à passer àl’acte, l’entrepreneur souligne l’importance de voir les pouvoirs publics s’impliquer. En réduisant la TVA sur les matériaux écologiques, par exemple. Ouen renforçant la subsidiation de dispositifs non polluants. Dans une autre logique, s’inspirant d’une politique allemande, Claude Rener suggère : « Plutôt quedes primes, pourquoi pas permettre des prêts à taux zéro, comme en Allemagne ? À la clef : autofinancement des installations et financement des surcoûts par lespouvoirs publics ».
Quel(s) que soi(en)t le(s) dispositif(s) favorisé(s), les pouvoirs publics de la Région bruxelloise semblent devoir rattraper un retard certain sur les régions voisines. Et,sans doute, renforcer leur volontarisme en montrant l’exemple via la rénovation durable de leur propre parc immobilier (administrations, logements sociaux, etc.)
1. Forest Stewardship Council ou Conseil de bonne gestion forestière. Voir : http://www.ecoconso.be/page.php?ID=108