Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

L'économie sociale appauvrit-elle le travail ?

LST-coopérative fête ses vingt-cinq ans cette année et prévient : un « glissement » dangereux s’opère actuellement au niveau de l’économiesociale.

23-05-2010 Alter Échos n° 295

LST-coopérative fête ses vingt-cinq ans. Une occasion pour la structure d’organiser un colloque-débat et surtout de lancer un message : un « glissement » dangereuxs’opère actuellement au niveau de l’économie sociale.

Constituée en société coopérative depuis le premier janvier 1985, LST-coopérative est une entreprise spécialisée dans les travaux en bâtimentdont le but est, outre son activité économique, de créer un lieu d’activité économique où des personnes exclues du marché du travail peuvent apprendreun métier et retrouver par ce biais un emploi et un statut de travailleur. Reconnue comme entreprise d’insertion depuis 1999 et fonctionnant aujourd’hui avec sept travailleurs, la structureprofite de l’année de ses vingt-cinq ans pour lancer un message clair : il y aurait à l’heure actuelle une situation d’« appauvrissement du travail » au travers desfilières de l’économie sociale. Un constat qui a notamment poussé LST-coopérative à organiser un colloque qui s’est tenu le 20 mai sur ce thème en ayant pourtitre : « Appauvrissement du monde du travail : quel positionnement pour l’économie sociale ? »

« On délocalise sur la tête des plus faibles »

Lors d’une conférence de presse destinée à lancer le colloque-débat, Joseph Burnotte, président, et Luc Lefebvre, travailleur et administrateur de la structure,ont pu préciser leur pensée. « Le glissement dont nous parlons s’opère par une instrumentalisation de l’économie sociale par le politique. Et cetteinstrumentalisation répond à un phénomène actuel : l’activation. Et cela a des conséquences sur le monde du travail », déclare Luc Lefebvre. En clair,une bonne partie des structures officiant actuellement dans le secteur de l’économie sociale, notamment dans une « dynamique » liée à l’« activation», entraînerait un « appauvrissement du travail », lié entre autres aux prix particulièrement bas pratiqués par celles-ci ; prix notammentinfluencés par le statut spécifique de ces structures et de leurs travailleurs. « LST-coopérative a choisi de s’intégrer dans la commission paritaire dubâtiment, qui est l’une des plus chères (NDLR ceci afin de se situer dans une démarche qui ne crée pas de « sous-statut » pour les travailleurs),renchérit Luc Lefebvre. Mais les prix pratiqués par certaines entreprises d’économie sociale sont bas et cela finit par entraîner une situation difficile pour nous. Laquestion qui finit par se poser est : devrons-nous, demain, nous adapter à ces barèmes-là ? »

Si la structure dénonce donc une certaine forme de concurrence déloyale, elle se défend néanmoins de faire du corporatisme et tente d’élargir le débat.« Nous ne voulons pas entrer dans une logique de concurrence avec une EFT, par exemple. Nous voulons seulement dénoncer un mécanisme qui appauvrit actuellement le monde dutravail. À l’heure actuelle, pour toutes sortes de fonctions que l’on ne peut pas délocaliser géographiquement pour en diminuer le coût, on « délocalise» sur la tête des travailleurs plus faibles », continue notre interlocuteur. Des « plus faibles » officiant dans le secteur de l’économie sociale et donc moinschers. Pour certains secteurs (notamment ceux investis aujourd’hui par les titres-services), la différence de prix se situerait ainsi, d’après les intervenants, de un à cinqentre une entreprise d’économie sociale et une entreprise fonctionnant dans le cadre « classique ».

Et nos interlocuteurs de conclure leur propos, en mettant peut-être toutefois aides à l’emploi et économie sociale dans le même panier, par l’exemple d’une travailleuseengagée comme « article 60 » par un employeur auprès duquel elle avait déjà fait des démarches afin d’obtenir un poste sous statut « classique», sans succès. « Une logique de précarisation », conclut Joseph Burnotte.

1. LST-coopérative :
– adresse : rue Pépin, 62 à 5000 Namur
– tél. : 081 22 65 40
– courriel : namur@mouvement-lst.org

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)