Le plan d’action national Inclusion, instrument politique, déclaration de principe, ou réel outil pour les acteurs de terrain luttant contre toutes les formes depauvreté ? La question était posée à plus de 120 participants de tous horizons et de toutes régions, le 22 septembre dernier, lors d’un colloqueorganisé par le SPP Intégration sociale.
À la veille de 2010, année européenne de la lutte contre la pauvreté, les ministres régionaux en charge des politiques de lutte contre l’exclusion et lesecrétaire d’Etat fédéral, Philippe Courard (PS), étaient, pour la première fois depuis les dernières échéances électorales,invités ensemble à la clôture d’une rencontre sur un thème d’actualité, celui de l’évaluation de la mise en œuvre du Plan d’action national Inclusion(PAN). Hasard du calendrier ? Non. Il semble en effet que les acteurs institutionnels politiques et associatifs désirent mettre le paquet pour faire de la présidence belge de l’UEau deuxième semestre 2010 et de l’année européenne de lutte contre la pauvreté une occasion de taille pour faire avancer les droits sociaux en Belgique et en Europe, etnotamment ceux des plus démunis.
Au-delà des grands objectifs du PAN, prônant l’inclusion et l’égalité des chances pour tous, c’est aux quatre thématiques suivantes que les groupes de travail sesont attelés durant cette journée : logement et sans-abrisme, activation et diversité, pauvreté infantile (auquel nous avons assisté), et bonne gouvernance.L’extension du sans-abrisme et la diversification croissante de ce public, la baisse du taux d’emploi avec la crise économique, le fait que près de 17 % d’enfants vivent ensituation de pauvreté en Belgique et des avancées trop lentes en matière de participation de tous aux politiques publiques sont quelques-uns des points d’attention qui ont permisd’alimenter les ateliers et ont été présentés par le président de séance, Julien Van Geertsom, président du SPP Intégration sociale.Déclarant en début de journée que l’impact de la stratégie de Lisbonne sur l’éradication de la pauvreté à l’horizon 2010 n’étaitmalheureusement pas atteint – ni atteignable -, il invitait associations et institutions à plancher sur des recommandations concrètes à livrer à nos ministresrégionaux et au secrétaire d’État en charge de la lutte contre la pauvreté, pour enfin aller plus loin sur le terrain que les principes institués par letraité de Lisbonne…
La lutte contre la pauvreté infantile, la première pierre
Le groupe de travail, animé par Françoise Pissart, directrice à la Fondation Roi Baudouin, a abordé de manière frontale la question alarmante des impacts de lapauvreté à long terme sur le développement de l’individu. Et notamment quand le nourrisson ou l’enfant est soumis dès son plus jeune âge au dénuementmatériel, connaît des mauvaises conditions de logement, une alimentation déficitaire, des problèmes de santé physique et mentale récurrents. Le cercle vicieuxde la pauvreté a été souligné avec force par les acteurs associatifs – dont Anne de Roeuck de La Maison ouverte.
La Maison ouverte1 est une des réponses apportées par un centre de santé mentale à Marchienne-au-Pont, (Charleroi), à la problématique desparents seuls ou démunis face au développement de leur enfant du fait d’une situation inquiétante de pauvreté structurelle. Frappés par le fait de ne jamaisrencontrer d’enfants avant que l’école ne les envoie au centre de santé vers 9 ou 10 ans – alors que les impacts de l’isolement et de la précarité sont déjàbien ancrés -, l’équipe des travailleurs sociaux a réuni la permanence pour les nourrissons et le CPAS pour réfléchir à la manière la plusadéquate d’aller à la rencontre de ces familles pauvres, avant qu’il ne soit trop tard. Lieu d’accueil pour les moins de 3 ans, mais non agréé ni financé par l’ONEparce que « hors cadre », la Maison ouverte propose aussi d’accueillir les parents et de les inciter à souffler, à se former, à se rencontrer, pendant queleur enfant est pris en charge. L’objectif côté enfants ? Ne pas laisser s’installer des sentiments de méfiance, d’insécurité, de honte, souventvéhiculés dans des milieux qui souffrent de grande précarité, et qui entravent fortement le développement affectif et physique des petits. Seize enfants et leursparents peuvent donc bénéficier de cet espace ouvert, qui ressemble aux autres maisons du quartier. Initiative unique à ce jour dans cette région, la Maison ouverte areçu le prix fédéral de Lutte contre la pauvreté en avril dernier. Un futur sésame, espère-t-on à Marchienne, pour l’octroi par l’ONE de subsidesstructurels essentiels à son activité.
L’atelier a aussi donné la parole à deux expertes en matière de pauvreté infantile, Katrien De Boyser d’OASeS à Anvers, et Sarah D’Hondt, de la Commissionnationale pour les droits de l’enfant. Parmi leurs points d’attention, le groupe de travail a retenu les éléments suivants : plus un enfant est soumis à une pauvretéde long terme et précoce (même pendant la grossesse), plus les impacts seront profonds sur son développement. Et c’est lorsque plusieurs risques se combinent que les impacts de lapauvreté sont durables : perte de revenu, stress, instabilité familiale, manque de réseaux sociaux, logement insalubre…
D’où la formulation d’une recommandation par le groupe de travail concernant l’accompagnement transversal et le soutien particulier à apporter aux enfants en âgepré-scolaire et à leurs parents lorsqu’ils font partie de familles à « risque de pauvreté » (familles isolées, familles monoparentales,famille sans revenu salarial fixe, familles nombreuses, familles d’origine étrangère…). Soutien multiforme : économique, affectif, médical, mais égalementdans leurs démarches institutionnelles. En effet, une des préoccupations des acteurs du groupe de travail porte sur la question de l’automaticité de l’octroi des diverses aidessociales auxquelles ont droit ces personnes en situation de pauvreté. L’objectif est d’en finir avec le parcours du combattant de bureaux en bureaux, entre allocations familiales, juges,assistants sociaux, lieux d’accueils déjà complets, pour permettre aux parents de sortir la tête de l’eau.
Enfin, un des points qui préoccupe les acteurs de la lutte contre la pauvreté, c’est la priorité donnée à ceux qui ont un emploi dans l’accès aux lieux degarde collectifs publics. Sans la remettre en cause, tous insistent sur la nécessité d’y laisser également des places aux enfants dont les parents ne travaillent pas, justementpour qu’ils puissent se lancer dans une dynamique gagnante de mieux-être&nb
sp;: retour à la formation, temps pour souffler, pour chercher un travail ou passer le permis deconduire…
Des axes prioritaires
Pour conclure la journée, les mandataires publics étaient invités à définir au plus tôt, pour leur territoire, les axes prioritaires de lutte contre lapauvreté. Madame Lieten, pour la Flandre, a mis en avant la thématique de la pauvreté infantile, celle de l’intégration des ménages de migrants àdifficulté, et celle des impacts du vieillissement sur des personnes en situation de pauvreté. Pour la Région wallonne, la première des priorités est le nondémantèlement du système de sécurité sociale, qui reste un des instruments politiques majeurs du fédéral pour lutter contre l’extension de lapauvreté. Mais il s’agit aussi que le PAN « percole dans tous les partis et dans l’ensemble de l’action politique », prévient Luc Mertens, représentant dela ministre Eliane Tillieux (PS) en charge de l’Action sociale en Wallonie.
La Région bruxelloise quant à elle plaide pour la mise en œuvre d’un plan intégré de lutte contre la pauvreté et pour mettre l’accent sur la question dusans-abrisme dans la capitale. Quant au secrétaire d’Etat, Philippe Courard (PS), il a confirmé sa volonté de travailler main dans la main avec les entitésrégionales pour lutter notamment contre la pauvreté infantile et le sans-abrisme, en « utilisant de manière intelligente et adaptée les processus d’activation,tant dans le domaine de l’emploi, du logement que de la santé, etc. ». Un pari auquel tiennent les organisateurs de la journée et les associations ou institutionsprésentes pour faire de l’année 2010 de lutte contre la pauvreté une année exemplaire en matière de soutien par le politique des nombreuses initiatives deterrain.
Mais qu’est ce que ce PAN ?
L’UE n’a pas officiellement en charge les politiques d’inclusion sociale (vous pouvez aussi dire « lutte contre la pauvreté »). La mise en œuvre en Belgique et ailleurs de laméthode ouverte de coordination (la MOC), cadre de coopération et de convergence entre les Etats membres pour les compétences ne relevant pas de l’UE, a amené chacunà élaborer des PAN, des Plans d’action nationaux d’inclusion sociale, à travers lesquels ils ont été amenés à introduire de manièretransversale une perspective d’inclusion sociale dans tous les domaines de l’action publique : santé, emploi, économie, logement, participation…
1. La Maison ouverte asbl :
– adresse : rue Jules Jaumet, 159 à 6030 Marchienne-au-Pont
– tél. : 071 30 51 70