Dans le cadre du rapport « À l’écoute du sentiment d’insécurité » publié par la Fondation Roi Baudouin1 en mars dernier, des processusd’écoute2 pour comprendre le sentiment d´insécurité chez les femmes ont été menés. Ces processus d’écoute3 reposent surdes focused groups, des entretiens individuels et des observations participantes. À la lecture d’un de ces processus et à la la suite de la conférence de pressedonnée par Jean-Pierre Goor, coordinateur du rapport sur le sentiment d’insécurité de la Fondation Roi Baudouin, plusieurs constats ressortent, nous en résumons ici lesgrandes lignes.
Premier constat : l’âge, le vécu, la situation familiale, le lieu de résidence, le statut professionnel et la situation socioéconomique de la femme sont autant defacteurs qui influencent la perception de l’insécurité, il ne peut donc y avoir une liste exhaustive des peurs féminines.
Mobilité réfrénée et crainte de la perte de contrôle
Cependant, à un niveau général, le sentiment d´insécurité renvoie à un sentiment de malaise, de perception d’un danger lorsque la femme sedéplace. Il existe toute une cartographie implicite des déplacements autorisés ou interdits aux femmes dans l’espace. Certains lieux apparaissent systématiquementévités. Ils représentent de véritables points noirs que ne fréquentent pas les femmes seules à certaines heures bien précises.
Les femmes se freinent dans leurs déplacements et plus largement dans leur mobilité dans la vie. L’insécurité se met majoritairement en scène dans laville. Celle-ci est déclinée comme un lieu de passage obligé où se croisent et se recroisent quantité de personnes. Désertée par bon nombre decitoyens, la ville est jugée laissée à un public dérangeant et indésirable : les SDF, les toxicomanes… À remarquer, le public qu’ellesdécrivent comme agressif est également un public fragilisé. Toxicomanes, SDF, désœuvrés de tous bords sont identifiés comme les acteurs responsables duclimat d’insécurité. Non maîtrisés, elles jugent leurs comportements imprévisibles. C’est en ce qu’ils manquent de self-control qu’ilsgénèrent un sentiment de peur chez la femme.
En outre, font partie des populations désœuvrées les étrangers, et particulièrement les Maghrébins. Ils ne sont pas stigmatisés en tant quepersonnes n’ayant pas la même nationalité ou la même religion mais ils sont identifiés comme des agents économiquement faibles, au statut trèsprécaire et à l’identité sociale incertaine.
Plus compréhensives
Autre constat, l’infériorité physique des femmes renvoie à une situation de décalage, d’écart entre les sexes. À la fois désireusesd’atteindre une situation d’égalité entre hommes et femmes, elles sont sans cesse confrontées au quotidien à des situations de déséquilibreà l’avantage des hommes. Une des peurs les plus récurrentes demeure celle du viol.
La peur de se faire agresser elles-mêmes mais aussi et surtout la peur pour ses enfants est très forte. Ce type de peur fait partie d’une insécurité jugéespécifiquement féminine.
Pourtant, d’une manière générale, les femmes demeurent indulgentes et compréhensives. Elles stigmatisent moins le vol que l’atteinte à la personne. Lesdérives liées à la société de consommation sont parmi les causes fréquemment évoquées par les femmes. Les femmes épinglentl’impératif de confort matériel, la spirale de la consommation : « Les gens sont poussés à commettre des infractions pour satisfaire les besoins crééspar la société de consommation ».
Par contre, la méchanceté gratuite, le manque de respect ou l’agression physique sans motif légitime ne sont pas tolérés. Ce type d’agression est vuecomme une interaction pouvant potentiellement porter atteinte à l’équilibre psychique et physique de la personne. Dans ce dernier cas, l’acte sera jugé non pas parréférence à une norme générale et abstraite, mais suivant les circonstances de l’agression, les mobiles de l’agresseur, le vécu de lavictime.
1. Fondation Roi Baudouin, rue Brederode 21 à 1000 Bruxelles – contact : Jean Pierre Goor – tél. : 02 549 02 29 – courriel : goor.j@kbs-frb.be
2. Le contenu de ces processus a été utilisé dans la rédaction du rapport « À l’écoute du sentiment d’insécurité » mais ces documents ne sont paspubliés. Par contre, « À l’écoute du sentiment d’insécurité » est disponible sur le site ou enversion papier à la Fondation Roi Baudouin, rue Brederode 21 à 1000 Bruxelles.
3. Processus mené à Liège par l’ULG et le Centre de recheches et d´intervention sociologiques avec les chercheurs Julie Colemans et Didier Delgoffe.