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L'ISP passe aussi par l'éducation permanente

Depuis longtemps, les OISP (organisations d’insertion socioprofessionnelle) souhaitent travailler mieux avec et pour un public peu qualifié. Dans cet esprit, la Febisp(Fédération bruxelloise de l’insertion socioprofessionnelle et d’économie sociale d’insertion)1 a rédigé un manifeste pédagogique et aorganisé une journée d’études.

06-11-2007 Alter Échos n° 239

Depuis longtemps, les OISP (organisations d’insertion socioprofessionnelle) souhaitent travailler mieux avec et pour un public peu qualifié. Dans cet esprit, la Febisp(Fédération bruxelloise de l’insertion socioprofessionnelle et d’économie sociale d’insertion)1 a rédigé un manifeste pédagogique et aorganisé une journée d’études.

Le 16 octobre, la 12e journée d’étude de la Febisp se tenait à Bruxelles-Ville. Thème : « Agir avec et pour un public peu qualifié : le choixpédagogique des OISP ». On a pu y entendre parler de nombre de sujets présentés dans le manifeste pédagogique : le cadre de la formation, les pratiques et le projetpédagogique de la démarche de l’ISP. Le document met, entre autres, l’accent sur la démarche d’éducation permanente, nécessaire pour réussir une insertiondurable.

Une démarche d’éducation permanente

« Bien que l’apprentissage en formation innovante soit centré sur l’acquisition de compétences professionnelles, il s’agit de mettre en place des processusqui mèneront les stagiaires à agir en tant que citoyens, responsables, actifs, critiques et solidaires (« cracs ») dans une plus grande autonomie et dans une réflexion sur lemétier (ex. : quelles sont les différences dans l’exercice du métier d’une entreprise à l’autre ?), explique Patrick Dezille, directeur adjoint de lamission locale de Saint-Gilles. La dilution de la démarche d’éducation permanente (EP) dans les centres de formation s’explique notamment par la contrainte de plus en plusgrande qui s’exerce sur les personnes. Or, l’EP repose sur le principe de base de la volonté individuelle des personnes qui se mettent en marche. »
Virginie Maingain, coordinatrice pédagogique au centre de formation Chom’hier, confirme : « Dans nos modules de formation, on voit des personnes s’épanouir parcequ’elles sortent du sentiment d’incapacité, d’ignorance, d’incompréhension du monde qui les entoure et de l’image négative que, bien souvent, lasociété leur renvoyait. Elles s’émancipent et gagnent en confiance par rapport à leur capacité à se prendre en charge, à faire des choix parrapport à leur propre vie. »

Dans son manifeste, la Febisp insiste sur la démarche d’éducation permanente en tant que processus dans le cadre de la formation. Pour les acteurs de l’ISP, cela se traduit par« un ensemble d’activités structurées qui permettent aux stagiaires de développer et d’exercer leur esprit critique, leur ouverture et leur implication dans lasociété. » Huit compétences doivent être travaillées pour permettre à une personne de construire et de défendre son autonomie :
• Savoir identifier, évaluer et faire valoir ses ressources, ses droits, ses limites et ses besoins ;
• Savoir, individuellement ou en groupe, former et conduire des projets, développer des stratégies ;
• Savoir analyser des situations, des relations, des champs de force de façon systémique ;
• Savoir coopérer, agir en synergie, participer à un collectif, partager un leadership ;
• Savoir construire et animer des organisations et des systèmes d’action collective de type démocratique ;
• Savoir gérer et dépasser les conflits ;
• Savoir jouer avec les règles, s’en servir, en élaborer ;
• Savoir construire des ordres négociés par-delà les différences culturelles.

Accompagner le choc de mentalités

Pour Hérold Descamps, coordinateur pédagogique à la mission locale de Forest, l’insertion socioprofessionnelle constitue le lieu de gestion d’un choc culturel. « Lespersonnes appartiennent toujours à un groupe, ils ont un cadre de référence. Ils veulent aussi un boulot pour gagner de l’argent, voir des gens, sortir de chez eux ou parcequ’ils sont tout simplement obligés. Et nous, on leur propose le « choc ». » Mais il faut pouvoir accompagner ce choc, expliquer à la personne que chaque chose a ses processus,qu’il y a des procédures à respecter, une manière de poser les questions, des codes culturels…
Et de compléter : « En formation innovante, la découverte d’un métier et du monde du travail implique un travail sur la représentation du métier, uneconfrontation à sa réalité à partir de points de vue différents (personnes ressources, visites du secteur), une information sur les conditions de travail et lessyndicats. Les stagiaires s’approprient des outils d’analyse et de distanciation, ils posent un regard sur la formation et sur les relations au travail, ils développent lesavoir-être et réfléchissent aux modes de relation en présence (« Avec qui j’entre en contact et comment je m’y adapte », « Mes modes d’action et messtratégies dans la relation ») et aux comportements professionnels du métier. Ces différents contenus participent à une démarche d’éducation permanente.»

Savoir s’adapter à son environnement professionnel est essentiel. « Servir du vin même si l’on est musulman, dialoguer avec la clientèle même si « dans sa culture,en tant que femme », on a appris à se taire et à baisser la tête… », illustre Fabrice Masuka, coordinateur de l’Atelier de Formation par le Travail AFT-Heure deMolenbeek Formation. Par ailleurs, chaque lieu professionnel possède ses cadences. Il ne faut pas nécessairement travailler le plus vite, mais travailler au mieux de sescapacités. Pour les travaux saisonniers, par exemple, il faut avant tout pouvoir travailler sur le long terme. Les OISP doivent aussi apprendre à éviter d’en faire trop. «On a travaillé avec des agents de gardiennage sur le savoir-être, raconte Hérold Descamps. Or, sur le lieu de travail, on leur a dit : « Ici, faut pas être poli. Ici, tu doisêtre ferme »… » On comprend mieux le choc entre l’histoire de la personne, ce qu’elle apprend en formation et le monde du travail.

Savoir s’autoévaluer

« Organiser une évaluation formative (apprendre à s’autoévaluer par rapport à un but concret) », s’inscrit aussi dans une démarche d’éducationpermanente, peut-on lire à travers le témoignage de Joëlle Gossuin, formatrice à la Maison de quartier d’Helmet. « L’évaluation formative renforce et facilitel’apprentissage ; elle est facteur de motivation. Au sein des OISP, le processus d’évaluation formative comprend l’autoévaluation nécessaire à la construction del’apprentissage, à l’orientation et à la construction des parcours d’ISP ».

Au cours de la journée du 16 octobre, Marie-France Jeanjean, formatrice en alphabétisation et en formation de base à la Chom’hier, a expliqué que « ce sont lesstagiaires qui mettent en place les outils d’évaluation pour le cours de français : « On n’entend pas », « Les mots sont inappropriés »… Étant donné qu’il
sconstruisent eux-mêmes les critères d’évaluation, les stagiaires savent sur quoi ils seront évalués. » D’autres pratiques vont également dans ce sens.Les personnes apprennent ainsi à apprécier leurs niveaux de compétences, leurs faiblesses. « Il n’y a pas d’échec à partir du moment où le public peutexpliquer en quoi la formation ne lui convient pas », pointe Patricia Raveyts, coordinatrice pédagogique au centre de formation Cemea. Mais cela cadre-t-il avec les attentes del’État social actif ?

On s’en doute, les OISP refusent d’être de « bons sous-traitants », de « se plier aux règles de l’activation tous azimuts et de l’efficacité objectivable». Ils constatent toutefois que « le danger est grand que les critères imposés par les pouvoirs publics, par ailleurs subsidiants dans la logique de transparence etd’évaluation des résultats viennent entraver tout espace d’initiative et d’innovation ou même mettre en péril la cohérence des moyens et desrésultats du dispositif d’insertion socioprofessionnelle ». Dès lors, se désolent les acteurs de l’OISP, « les travailleurs du secteur associatif ne peuventjouer pleinement leur rôle que dans un partenariat constructif où les solutions naissent d’une véritable concertation avec les pouvoirs publics. Même s’ils sonttoujours fidèles à leurs convictions, ils sont de plus en plus contraints d’adapter leurs pratiques à des normes qui leur sont imposées et quis’éloignent de leur réalité de terrain. »

1. Febisp :
– adresse : Cantersteen, galerie Ravenstein, 3 bte 4 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 537 72 04
– courriel : secretariat@febisp.be
– site : www.febisp.be

Baudouin Massart

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