C’est une première en Wallonie et à Bruxelles. Les Chantiers de l’économie sociale se sont tenus durant une demi-journée à l’Arsenal de Namurce 19 juin dernier, sur l’impulsion de SAW-B1.
« Nous voulons donner une identité forte et positive aux travailleurs de l’économie sociale », annonce Marie-Caroline Collard, la directrice de SAW-B,dans son discours d’introduction face aux 150 travailleurs présents du secteur. « En tant que fédération d’entreprises d’économie sociale, ona eu envie que vous puissiez vous rencontrer et créer des ponts de travail. Vous participez à une autre manière de faire l’économie, plus solidaire et innovante.Vous réunir aujourd’hui vous permettra d’échanger sur des questions qui vous concernent tous et d’amener dans vos entreprises de nouvelles idées et pistes desolution. »
La démarche est intéressante et mûrit depuis quelques années déjà. Concrètement, ces derniers mois, les coordinatrices du projet ontdécidé d’aller à la rencontre des travailleurs dans leur entreprise ou leur association pour réfléchir ensemble aux thématiques à aborder.Véronique Huens, responsable du pôle éducation permanente de SAW-B, résume : « Ce travail préparatoire a renforcé la concertation sociale etmené à des réalisations concrètes. Des outils d’échange ont été créés par les organisations désireuses de travailler eninterne sur des thématiques particulières. L’entreprise de formation Au Four et au Moulin2 a organisé un souper avec ses travailleurs, puis un film et desinterviews sur la question de l’interculturalité au sein de sa structure. Quatre travailleuses de la société d’aide aux tâches ménagèresEkoservices BW (la division aides ménagères d’Âge d’Or Services)3, ont réfléchi entre elles et avec d’autres entreprises aux problèmes demobilité auxquels elles sont confrontées. Ce sont elles qui viennent témoigner aux ateliers cet après-midi. »
Votre travail est plein de sens
Interrogée sur les raisons qui ont poussé SAW-B à lancer cette initiative, elle explique encore : « Nous entendons souvent des travailleurs qui ne se sententpas valorisés, soit parce qu’ils sentent que leur métier n’est pas reconnu socialement, soit parce qu’ils se vivent en insertion, en stand by et souhaitentquitter cela. Or l’économie sociale peut être une étape dans la vie de quelqu’un, mais elle ne se limite certainement pas à cela. » Pour appuyer sespropos, l’équipe de SAW-B a même invité un entrepreneur social du Pérou, venu partager l’expérience de sa coopérative de café LaFlorida4 : « Nous, producteurs, nous sommes regroupés il y a 43 ans en coopérative pour obtenir un meilleur prix sur le marché international etraccourcir la chaîne en limitant les intermédiaires. Cela nous a permis d’avoir notre mot à dire, de retrouver une certaine indépendance, bénéficierd’une infrastructure, d’une assistance technique, d’une représentation politique et d’un accès à l’éducation, explique son porte-parole etgérant César Rivas. Nous ne nous posons pas la question d’appartenir ou non au secteur de l’économie sociale, notre coopérative de café est une questionde survie dans une société inégalitaire. » La présentation est suivie par celle de Sybille Mertens, directrice de recherches au Centre d’économiesociale de l’ULg : « Plutôt que d’essayer de convaincre de l’utilité de l’économie sociale, prenons l’autre vision : Et sil’économie sociale n’existait pas ? Nous aurions une société triste, sans espoir, violente et sans doute appelée à disparaître.L’économie sociale permet d’équilibrer les rapports de force dans la société, et d’impliquer les citoyens dans la recherche du bien commun. »Voilà pour la pertinence du modèle et la question du sens de l’entrepreneuriat social.
« L’autre défi de la journée est de sortir l’économie sociale du carcan de l’insertion, reconnaît Marie-Caroline Collard. Ces entrepreneursvont bien au-delà de cet aspect. Ils décident aussi de ne pas tout axer sur le profit, mettent en place d’autres manières de parler et d’organiser l’entreprise,innovent dans leurs pratiques de participation. C’est le cas de coopératives ici présentes. »
Construire une autre économie
Après une série de témoignages, chacun a pu choisir deux ateliers-débats parmi les onze proposés. Quelles valeurs promouvoir dans l’économie socialeet pourquoi ? Comment valoriser l’interculturalité au travail ? Quels outils permettent de mieux concilier vie privée et vie professionnelle ? Quelles solutions ontdéveloppées certaines entreprises pour permettre une mobilité des travailleurs quand ceux-ci n’ont ni voiture ni permis ? Comment se vit la question du genre dansvotre travail ? Etc.
Bien que les travailleurs présents proviennent de quarante entreprises ou associations différentes et exercent des activités diverses, des échangesd’expériences ont pu naître à partir de préoccupations communes. L’atelier consacré à la participation à la gestion d’entreprise, parexemple, a regroupé vingt-cinq travailleurs d’horizons différents qui se sont inspirés de leurs pratiques respectives, dont certaines particulièrement innovantes. Lasociété coopérative spécialisée dans l’informatique Damnet5 a mis en place un modèle où un homme est égal à unevoix. Son patron Jean-François Coutelier précise : « Les travailleurs participent aux réunions, s’expriment sur les comptes, les décisionsstratégiques. Ce qui est important chez nous, c’est de travailler dans une société où l’on se sent bien. » Au sein de la coopérative Cherbai,spécialiste en menuiserie et ébénisterie, les administrateurs sont les travailleurs, ce qui permet à chacun de se sentir motivé et responsable. ChezSinet6, société active dans les titres-services, une part est égale à une voix, mais les dividendes ne sont pas distribués, cet argent permettantd’engager de nouveaux travailleurs dans la région.
« C’est une bonne idée d’organiser ce chantier. Nous, dans notre ce
ntre consacré aux handicapés, nous avons des réunions hebdomadaires, mais nousne gérons pas ensemble les questions liées à l’intégration, au départ de collègues ou aux finances. C’est intéressant de savoir queça existe ; en appliquant ces idées, nous pourrions alléger certaines difficultés en interne et avoir une équipe plus stable », explique l’un desparticipants.
Un regret pourtant, « des ateliers un peu trop courts, d’une heure seulement, ce qui empêche des échanges ciblés, plus profonds », et pas mal dequestions sur le suivi des débats. L’équipe de SAW-B le garantit, il y aura capitalisation en interne des informations recueillies et un suivi en entreprise, chapeauté parla fédération, pour ceux qui le désirent. « Nous espérons continuer le débat avec nos membres et faire de l’événementd’aujourd’hui un rendez-vous annuel pour construire ensemble une économie qui a du sens », conclut Marie-Caroline Collard.
1. SAW-B (Solidarité des alternatives wallonnes et bruxelloises) :
elle fédère plus de 100 membres de l’économie sociale en Wallonie et à Bruxelles
– adresse : rue Monceau-Fontaine, 42/6 à 6031 Monceau-sur-Sambre
– tél. : 071 53 28 30
– courriel : info@saw-b.be
– sites : www.saw-b.be – www.chantiers-es.be
2. Au four et au moulin :
– adresse : chaussée du Roeulx, 331 A à 7000 Mons
– tél. : 065 33 56 45
– courriel : service.admin@afam.be – site : www.afam.be
3. www.ekoservices.be
4. Coopérative La Florida :
Elle regroupe 1 200 producteurs de café, et se situe en Salva Alta, au Pérou. Sa démarche est résolument inscrite dans le commerce équitable
– site : www.lafloridaperu.com
5. Damnet scrl :
– adresse : rue Louis Haute, 6 B à 5020 Namur
– tél. : 081 21 51 50
– courriel : info@damnet.be
– site : www.damnetonline.be
6. Réseau Sinet, Zoning industriel 4e rue, 33 à 6040 Jumet
– tél. : 071 30 03 05
– GSM : 0476 42 61 09
– courriel : info@sinet.be
– site : www.sinet.be