Le service de Sécurité et salubrité a inspecté, le 7 février dernier, les travaux de mise en conformité de l’Espace fraternel1 delogement de Germain Dufour. La Ville réclame « d’urgence » un rapport agréé pour l’électricité et quatre lits sur les vingt doivent êtreenlevés. La visite émane du rapport d’octobre qui a suivi un premier contrôle en septembre – après une dénonciation.
« La Ville n’a pas entièrement tort. Mais quand on accueille des démunis, on accueille aussi leurs problèmes. Parfois on les aide à payer un avocat ou desmédicaments. Je ne peux pas leur dire ‘Dors à côté de moi – et crève, c’est… ta vie’. Donc tout l’argent ne peut pas êtreinvesti dans les travaux. » Germain Dufour, capucin fondateur2 de l’Espace fraternel de logement, en 1987, en Pierreuse à Liège, explique ainsi ladifficulté de mise en conformité réclamée par la Ville3 en octobre 2007 (pour mars 2008), du bâtiment loué depuis vingt ans à la Fabriqued’église Saint-Servais au prix actuel de 230 euros par mois. L’ancienne école loge vingt démunis « en autogestion pour les responsabiliser, par exemple via lenettoyage des communs à tour de rôle », insiste Germain Dufour. Ce 7 février, le Service de sécurité et salubrité a contrôlé l’Espacefraternel sur la base du rapport de huit pages remis par les pompiers. Le constat mentionnait, selon le cabinet du bourgmestre Willy Demeyer, des « fils électriquesdénudés, prises cassées, mezzanines sans rambardes, chambrettes dans un couloir à l’étage sans fenêtre accessibles via des échelles nonfixées – d’où le risque en cas d’incendie et refoulement de CO2, dangereux surtout en hiver… »
« Providence » de 35 000 euros
Trois mois – et 35 000 euros – plus tard, « via la ‘providence’ de dons et une partie de ma pension d’ex-parlementaire et d’ouvrier à la Ville »précise Germain Dufour, les inspecteurs ont noté que « les mezzanines et le couloir à l’étage ont été évacués ». « Surce point, c’est réglé », souffle la Ville. Un sas coupe-feu a été réalisé entre la cuisine et le séjour. Lequel sera doté «très rapidement », assure Germain Dufour, d’une issue de secours vers les jardins en toiture du bâtiment. Pour la chaudière et chauffe-eau, un bon de commande prouvele remplacement pour le 25 février. Reste l’électricité : « Rien n’est fait », s’inquiète la Ville qui réclame un rapportagréé « le plus vite possible ! ». Germain Dufour attend une expertise de la société AIB-Vinçotte avant de faire appel à un électricien :« L’électricité sera conforme pour mai ou juin, prévoit-il. Si le reste est en ordre, on aura peut-être un mois de rallonge. Il serait malvenu de nous expulseralors que nous aurons dépensé 35 000 euros. »
La Ville octroie souvent des délais et le bâtiment n’est « actuellement pas frappé d’inhabitabilité, insiste le cabinet maïoral. Un telarrêté est un échec. Nos inspecteurs dressent à Liège environ dix constats de non-conformité par semaine. Dans neuf cas sur dix, le rapport suffit à lamise en conformité. Un arrêté d’inhabitabilité est toutefois dressé chaque semaine, mais des délais sont accordés et les travaux sont souventeffectués. Il faut aller plus loin une fois sur vingt-cinq, avec menace d’expulsion. Environ dix immeubles sont expulsés par an. »
Certaines chambres sont trop petites : « Il faudra en fusionner, se résout Germain Dufour. Il y aura quatre lits (donc quatre personnes aidées) de moins. Nous devons êtreen ordre d’urbanisme, dit-il en admettant un certain laxisme durant son mandat Écolo 1991-1995 au Sénat, mais il y a des frais. Les mezzanines qui resteront serontenveloppées de matériau coupe-feu d’après les plans d’un architecte. » La Ville suppose le permis d’urbanisme septante jours après enquêtepublique, soit pour juillet.
« Marche à l’ombre » ?
Depuis vingt ans, l’Espace fraternel a logé six cents démunis, pour un loyer actuel de 28 à 128 euros selon les revenus. Germain Dufour compte que « trois centsont aujourd’hui un logement. Les autres sont (poly)toxicomanes : cinquante sont au cimetière, dix sont désintoxiqués et les autres bivouaquent d’un abri àl’autre ». Pourquoi le contrôle – vingt ans après la création de l’Espace fraternel ? « C’est une dénonciation, répond la Ville, quinous a alertés ». En face du bâtiment, les annexes du Palais de justice s’élèvent sous l’épée de Damoclès de la demande de suspensiondu permis par des riverains bientôt privés de soleil. En janvier, le conseil d’État ne cautionnait pas l’avis de l’auditeur favorable à une suspensionprovisoire en extrême urgence. Le chantier se poursuit donc. Des riverains imputent la visite de 2007 à l’Espace fraternel « à la volonté, selon eux,d’évacuer les démunis du site des futurs luxueux bureaux de la Justice ». Germain Dufour pense que « c’est possible, mais ne soyons pas parano. J’ai aussientendu une rumeur – issue de l’administration, comme quoi nous serions une tache sur le sentier touristique des Coteaux de la Citadelle »… Marche à l’ombre ? LaVille dément formellement : « Nous prônons la mixité et nous ne réclamons pas des palaces ! »
1. Espace fraternel de logement autogéré :
– contact : Germain Dufour, rue Volière, 1 à 4000 Liège
– tél. : 04 221 24 25.
2. Moine capucin âgé de 65 ans, ex-balayeur de rues, conseiller communal Écolo à Liège entre 1988 et 1991, sénateur Écolo entre 1991 et 1995, puiscandidat communiste au scrutin européen.
3. Ville de Liège :
– contact : le bourgmestre, Willy Demeyer, Hôtel de Ville,
– adresse : place du Marché, 2 à 4000 Liège
– tél. : 04 221 81 05
– fax : 04 221 80 67
– courriel : bourgmestre.demeyer@liege.be