Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

L’esprit déjanté ouvre la réflexion sur le climat

Le parking day tenait « une place » lors du festival TempoColor à Liège de Liège.

03-10-2012 Alter Échos n° 346

Ces 21 et 22 septembre, Les Chiroux (centre culturel de Liège), le CNCD-11.11.11, les Jeunesses Musicales, Annoncer la couleur et le Pac-Liège ont organisé le festivalTempoColor, une manifestation publique qui ouvre la réflexion vers d’autres possibles. Depuis 2002, le festival s’installe au cœur de la ville de Liège. Sur lethème de la « justice climatique » cette année, il propose diverses approches de l’engagement : concerts, marché alimentaire type « circuit court »(distance minimale entre producteur et consommateur) et espaces de sensibilisation appelés « points colère pour la terre ».

Deux artistes déguisés en lapins cagoulés préparent des crêpes sur le son d’une musique glauque au pied de la cathédrale deLiège. D’un geste précis, ils dessinent à l’encre chocolatée une sérigraphie sur des crêpes avant de les offrir aux passants. D’apparencerécréative, le spectacle culinaire est une véritable performance artistique. Il est réalisé par Hellogirls !, un collectif de deux sérigraphes, Renzohet Kevone, originaires de la région de Herve. Inscrit dans un « point colère », il a pour but d’interpeller le citoyen liégeois, et cela, à samanière. « Souvent, les gens ne s’attendent pas à voir deux personnages effrayants. Ils passent par là par hasard, s’arrêtent et regardent avecétonnement tout en étant curieux. Rapidement, ils entrent dans le jeu et crient pour recevoir une crêpe », explique Renzoh.

Loin des spectacles habituels, Hellogirls ! se distingue par sa démarche décalée. Quant à leur participation à TempoColor, Kevone précise:« On nous a invités pour l’aspect ludique du spectacle : un déguisement, de la musique, de la nourriture. Mais en même temps, tout ce coté amusantpeut aussi déranger : la singularité de la performance peut faire peur ». Par refus de toute étiquette, les artistes prônent le non-sens du spectacle touten privilégiant une attitude réflexive à adopter. « On cherche à bousculer le spectateur dans son quotidien. On veut montrer qu’à côtéde l’habitude et de la soi-disant vérité, il y a une énorme possibilité de choix. Chaque geste posé est choisi. On veut insuffler une formed’énergie qui pousserait à prendre sa vie en main », raconte Renzoh.

Le Collectif amène deux nouveautés au festival. Issu du Centre de Jeunes « Les Récollets », installé à Verviers, il propose toutd’abord une alternative aux associations. François Grenade, représentant de l’asbl CNCD-11.11.11 et coordinateur de TempoColor, explique cette ouverture: « avecl’implication d’une maison de jeunes, on a la volonté de s’ouvrir au-delà du petit monde associatif liégeois qui se connait bien. On veut ainsi pousser lesjeunes à sortir sur la place publique et à s’impliquer ouvertement à la réflexion citoyenne ». L’autre nouveauté du festival se marque par laversion liégeoise du « Park(ing) day ». Ce projet international consiste à réinvestir l’espace destiné aux voitures dans une activitéurbaine. La prestation de Hellogirls ! est dès lors prévue sur une place de parking, rue de la Cathédrale.

Mais comme avec toute nouveauté, l’organisation n’est jamais à l’abri d’imprévus, avec son lot de frustrations. D’un côté,Hellogirls ! a dû arrêter sa prestation au bout d’une quinzaine de minutes face à un mélange d’ambiance musicale inadéquat à l’endroitqui leur était destiné. Une mauvaise communication est probablement en cause. De l’autre coté, le principe du « Park(ing)day » a étéà peine mis en avant par le festival. Une seule place de stationnement était réservée pour l’événement et celle-ci a étémalencontreusement occupée peu de temps, étant donné que la prestation du collectif a été rapidement conclue.

Sous l’interpellation, les « sensibilisations »

A l’aval de l’interpellation, les associations et les collectifs, intégrés depuis trois ans au festival, apportent des éléments constructifs audébat. Quatre zones pour quatre volets de la société : approche des banques sur la place Saint-Lambert, aperçu de la distribution des terres en Vinâved’Ile, découverte de jeux en bois sur la place Saint-Paul et « recycl-art » sur la place des Carmes. A chaque stand, les passants sont invités à crierleur colère.

Bien que l’abord ludique ait été privilégié par des jeux et des animations théâtrales aux stands, la difficulté persiste àarrêter les gens au passage. « Le samedi, les Liégeois font leurs courses ou voient des amis. Peu d’entre eux sont enclins à s’informer sur lesproblèmes de la consommation. Du coup, même avec un spectacle, les gens ne prêtent pas souvent attention à nos activités », nous explique-t-on au standFGTB et PAC-Liège qui présente le partage inégal des terres agricoles. « Seules les personnes déjà sensibilisées à laproblématique s’arrêtent spontanément », ajoute-t-on.

Privilégiant le tout public, le festival TempoColor est organisé dans un espace totalement ouvert. Sans accès payant et en contact direct avec l’animation urbainehabituelle. Face à ce défi d’interpellation très large, les organisateurs ont toutefois fixé un objectif assez réaliste. « Le travail sedéroule sur le long terme. Ici, la première étape consiste à toucher le non-sensibilisé : on veut semer ne fût-ce qu’un germe sur un aperçud’une problématique autour de la société. Le fait de découvrir la vraie complexité ou même de s’engager se réalise par la suite quand lepremier pas est franchi, en venant par exemple à des conférences », expose François Grenade.

La fin de journée annonce le rangement des « points colères », avec soulagement pour quelques responsables de stand. Car malgré les échos positifsqu’ont reçus les organisateurs, l’interpellation demande beaucoup d’énergie et de conviction personnelle pour surpasser les a priori souvent négatifs despassants. Une action d’autant plus indispensable qu’elle présente, d’une certaine manière, l’intérêt du grand public vis-à-vis du travail dumonde associatif. Face à ce dilemme, reste donc à (re)construire encore et toujours l’équilibre entre
l’interpellation amusante et la sensibilisation à laconsommation.

Le park(ing) day est un mouvement international qui transforme les places de stationnement en un espace urbain le temps d’une journée. Créée en 2005 parle collectif d’art urbain américain Rebar, l’action mondiale veut faire réfléchir sur la place de la mobilité, plus particulièrement, de la voiture enville et montrer qu’on peut la penser autrement. Elle privilégie l’originalité et la convivialité et propose à chacun de se réapproprier la villeà sa façon. Tout est permis sur les parcelles de parking : table de pique-nique, œuvre d’art, mini-parc naturel, etc.
Cette manifestation, qui s’est déroulée cette année les 21 et 22 septembre à la fin de la semaine de la mobilité, existe dans une centaine de villes. Demanière plus générale, elle pousse les citoyens à réfléchir à la qualité de la vie urbaine et aux problèmes qu’engendre lamobilité en ville.

Photo : Agence Alter/Sophie Lapy

En savoir plus

Hellogirls !
– adresse : Rue de Lamarck, 57, 4000 Liège
– site : www.hellogirls.be
– Kevone : 0496/49.28.74,
– Renzoh : 0494/78.76.00 directement relié au Centre de Jeunes “Les Récollets” à Verviers, www.cjreco.be

François Grenade
– CNCD -11.11.11 asbl
– Centre liégeois du Beau Mur ASBL
– adresse : Rue du Beau-Mur, 50, 4030 Liège
– couriel : françois.grenade@cncd.be
– tél : 04/384.60.45

Park(ing) day
– Collectif d’art urbain : Rebar, www.rebargroup.org
– L’action en Belgique : www.parkingday.be

Sophie Lapy

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