Immigration, intégration. Des mots fortement connotés et mal utilisés par méconnaissance des réalités complexes qu’ils recouvrent. Politologues etsociologues se sont penchés sur leur genèse, et ont fait l’inventaire des recherches, études et politiques publiques s’y référant. L’immigrationen Belgique francophone a désormais sa « bible »1.
L’immigration et l’intégration sont, par excellence, des sujets galvaudés, quand ils ne sont pas tout simplement instrumentalisés. Omniprésents, que ce soitdans les journaux ou les discussions de comptoir, simplifiés pour mieux rentrer dans des schémas réducteurs. C’est pour leur rendre toute leur complexité que MarcoMartinello, Andrea Rea et Felice Dassetto ont cosigné une « brique », fruit de plus de deux ans de recherches2, destinée à dresser l’état dessavoirs mais aussi des lacunes, sur les multiples facettes de l’immigration et de l’intégration en Belgique francophone. Leur objectif est de « contribuer modestementà empêcher que l’on dise n’importe quoi sur une réalité hautement complexe et multidimensionnelle qui fait le présent et fera le futur de cettesociété ». Surtout, les auteurs se sont attachés à décortiquer les milliers de recherches consacrées aux différents aspects del’immigration, à en déterminer la pertinence, et à en relever les aspects encore mal, peu ou pas pris en compte, pour suggérer de nouvelles pistesd’études.
Au sommaire de cet ouvrage ambitieux, cinq grandes thématiques sont abordées au fil des cinq cents pages que compte la partie rédactionnelle de l’ouvrage: le contexte del’objet d’étude et les repères (historiques, statistiques et démographiques), les politiques publiques, les migrations et le marché du travail,l’intégration et la citoyenneté, et enfin, les thématiques émergentes. C’est dans cette dernière partie que l’on trouvera un inventaire dessavoirs sur les centres fermés, les centres ouverts, ou encore, ceux relatifs au troisième âge immigré en Région wallonne. On l’aura compris, l’ouvrageest aussi fort de ses références et de sa bibliographie – forte, à elle seule, de 80 pages.
Un état des lieux exhaustif
L’objectivité scientifique et la méthodologie universitaire peuvent rendent la lecture ardue mais déterminent aussi la pertinence de l’entreprise, destinéeà fournir un ouvrage de référence pour qui souhaite traiter de ces thématiques à partir de données fiables et exhaustives. L’ouvrage proposeégalement des pistes de réflexion intéressantes quant aux recherches qu’il reste à mener, les champs d’études non encore labourés. Ainsi, MathieuBietlot (ULB) plaide pour une étude plus poussée du contexte dans lequel ont émergé les centres fermés et propose « de chercher à comprendre comment laBelgique a pu basculer d’une situation où, à la fin des années quatre-vingt, l’expulsion et l’incarcération systématiques des étrangers nonautorisés sur le territoire s’avéraient inenvisageables – ou du moins inavouables – et ne pouvaient se concevoir qu’à titre exceptionnel, en casd’impérieuse nécessité, à leur généralisation et banalisation moins de dix ans plus tard » (p. 453).
Quant à l’objectif affiché de « contribuer à éviter que l’on dise n’importe quoi » sur l’immigration et l’intégration,c’est probablement une utopie… Immigration et intégration en Belgique francophone s’adresse essentiellement à un public universitaire, étudiants etchercheurs, aux professionnels (travailleurs sociaux, fonctionnaires, journalistes) travaillant sur ces questions et soucieux de dépasser le « sens commun » pour aborder lesthématiques dans toute leur complexité. Mais il ne suffit pas toujours de savoir pour être capable de dépasser ses propres croyances.
1. Immigration et intégration en Belgique francophone. État des savoirs, sous la direction de Marco Martinello, Andrea Rea et Félice Dassetto, éditions AcademiaBruylant, 2007, 590 pages.
2. Les chercheurs et enseignants des universités et académies de la Communauté Française étaient regroupés dans le groupe de contact FNRS Dymipo(Dynamique migratoires et postmigratoires internationales), créé en 2002.