Secteur en crise ou au bord de la faillite ? Les avis sont partagés. La réforme vise en tout cas à aider à retrouver l’équilibre financier. Pour quatresociétés, on appliquera le remède de cheval !
80 millions d’euros ! C’est le déficit cumulé de quatre grandes sociétés de logement représentant 60 % de l’ensemble dela dette en compte courant du secteur. Comment en est-on arrivé là ?
Pour Alain Rosenoer, les causes sont historiques. « Les sociétés ont été livrées à elles-mêmes pendant les années 80. Larégionalisation a été faite en 1981. La SWL a été opérationnelle en 92-93. C’est dans ce moment-là qu’ont commencé les pratiquesqui ont généré les affaires. »
Pour Fabrice Jacqmin, directeur du Foyer marcinellois depuis juin 2007, les causes sont plus diverses. « Il y a eu un évident déficit de gestion par le passéillustré par les « affaires » qui ont choqué le grand public. Mais, il y aussi un déficit structurel dû à l’état du patrimoine qui date des années70 pour l’essentiel et qui est en mauvais état. Enfin, il existe un déficit financier dû au mécanisme de fixation des loyers et poids de la dettehéritée du passé », explique-t-il.
Ce comptable de formation, licencié en management public note aussi que les quatre sociétés en question (Toit et moi, la Carolorégienne, le Foyer marcinellois et laMaison liégeoise) sont situées dans l’axe Sambre-et-Meuse, en milieu urbain et toutes confrontées à d’importants défis sociaux. « Le milieuest pauvre. On n’est pas dans des cités-jardins », assène-t-il.
Au Foyer marcinellois géré par une équipe de 62 personnes, le loyer mensuel moyen est de 206 euros pour un parc de 1 268 logements composé de 1 100appartements dont 480 pour la seule Cité-Parc et 160 maisons. Fabrice Jacqmin décrit les problèmes concrets auxquels il est confronté : « Le patrimoine estdifficile à vendre. Nous n’avons aucun contrôle sur la dette à SWL qui est notre banquier. La société préfinance aussi beaucoup : eau, chauffage,entretien des espaces verts. Comme les locataires sont dans les difficultés, le montant du contentieux est évidemment important, souligne-t-il tout en remettant en avant les errementsdu passé. La mauvaise gestion a créé de lourds déficits. J’ai des exemples de services d’entretien pas efficaces qui coutaient 300 000 euros avant et quiaujourd’hui sont efficaces tout en ne coûtant que 100 000 euros ! » Alain Rosenoer fait, pour sa part le constat que la qualité de la gestion d’unesociété se voit à des petites choses. « Quand un ascenseur est en panne, faut-il téléphoner une ou dix fois pour voir quelqu’unarriver ? », lâche-t-il.
Du cher inefficace au meilleur marché efficient
La situation a-t-elle réellement évolué depuis la découverte des affaires? « En tout cas, on gère en ayant une vision critique de chaque engagementbudgétaire et en minimisant les dépenses », plaide Fabrice Jacqmin qui rappelle que la réforme du ministre précédent André Antoine (CDH)pèse sur ses finances. « En donnant la priorité aux personnes précarisées et en plafonnant le loyer à 20 % du revenu du locataire, on adiminué les moyens de la SLSP. 150 attributions se font par an. Le taux de rotation est donc élevé et cela a diminué les recettes », constate-t-il.
A son arrivée en 2007, le gestionnaire avait une situation difficile. « La société avait environ 4,5 millions de recettes pour 4,05 de dépenses courantes.Mais les 850 000 euros de charges financières nous amenaient à un solde négatif de 400 000 euros. Depuis 2008, on arrive à être en boni de 150 000 paran. Avec comme conséquence négative que nos investissements sont à zéro. Notre politique est de rénover essentiellement via notre équipe. Nous vendons aussiune partie de notre patrimoine », souligne-t-il.
Pour Alain Rosenoer, la situation est effectivement difficile. « Nous sommes les banquiers des SLSP. Leurs avoirs avoisinent 27 millions d’euros. Le déficitglobalisé est de 90 millions euros. Un tiers de société ont un compte courant négatif », nous relate-t-il. Pour Fabrice Jacqmin, ce lourd déficit pose unproblème de crédibilité. « La couverture des dettes par le capital n’est plus assurée. Le bilan ne reflète pas l’image de lasociété. Notre principal créancier est la Région, mais les salaires sont payés et les factures honorées », plaide-t-il.
Les amortissements en prennent pour trente ans
La réforme prévoit quelques mesures radicales pour aider le secteur. Tout d’abord, les amortissements seront plus étalés dans le temps. « Amortir sur30 ans correspond plus à la réalité du bâtiment. Cette mesure va permettre de ramener les sociétés plus rapidement à l’équilibre etfavoriser les investissements », explique Jean-Marc Nollet. Cela a pourtant un coût. « Passer de 20 à 30 ans pour les amortissements coûte 60 % en plusau final. Cela tient la route si le bâtiment est durable », estime le directeur du Foyer marcinellois.
Si les bâtiments étaient amortis, pourrait-on envisager de les démolir ? « Casser l’outil alors qu’on est dans le crédit est une logique endehors de la logique marchande. La dette s’échelonne sur 66 ans. On n’a donc pas encore remboursé le capital ! Je défends l’idée que les tours sontviables. La cité est d’ailleurs plutôt jolie », défend le gestionnaire de la Cité-Parc en nuançant immédiatement. « Evidemment,elles ne sont plus viables pour les locataires dans cet état. Les tours sont agressives. Elles ont plus d’influence sur les gens que l’inverse », reconnait-il.
Quatre sociétés recapitalisées sous surveillance
Autre mesure radicale : la recapitalisation à hauteur de 60 millions des quatre grands corps malades susmentionnés avec de sévères conditions à laclé. La Wallonie doublera sa représentation dans les conseils d’administration ; de nouveaux commissaires seront renvoyés dans les quatre sociétés ;un plan de gestion sera élaboré et appliqué sous la tutelle du commissaire et la mise en œuvre de ce plan sera attentivement suivie par le gouvernement.« Assainir ces quatre sociétés est une priorité. Elles gèrent près
de 15 000 logements, soit 14 % du l’ensemble du parcwallon », précise le ministre.
Un début de polémique est né de la volonté d’éviction des commissaires de la SWL en place. « Cela nous a surpris car les commissaires actuelsfonctionnent tous bien. Cela a évidemment l’avantage du regard neuf. Nous pensons que cette mesure peut être modulée dans l’application de laréforme », pense Alain Rosenoer. Le ministre se défend de toute volonté d’écartement punitif. « Si on veut faire tourner les commissaires,c’est pour renforcer la distance entre eux et la structure. Ce n’est nullement une sanction à leur égard », soutient Jean-Marc Nollet.
Fabrice Jacqmin reste prudent sur l’impact de cette réforme. « Notre dette cumulée est de neuf millions d’euros sur les quatre-vingt millions des quatresociétés concernées. Quelle sera la clé de répartition ? Qu’est-ce qu’il y a derrière le terme recapitalisation ? La Régiondeviendrait-elle propriétaire », s’interroge-t-il. Le problème du sous-investissement le concerne beaucoup. « Pour être franc, rembourser la detten’est peut-être pas le mieux. Je préférerais neuf millions en investissements et la renégociation de l’échéance de la dette »,défend-il en prenant argument du plan Pivert. « Je préférerais changer l’ensemble des châssis de Cité-Parc et étaler la dette »,souligne-t-il. En trois ans, les locataires consomment 2,7 millions de litres de mazout. « C’est plus que l’Erika », clame-t-il ! La comparaisonrapportée par nos soins au ministre l’a plutôt fait sourire. Pour le reste, il répond dans son interview en fin de dossier.