Durant quatre jours consécutifs en août, environ 500 jeunes Québécois et « internationaux » âgés de 15 à 35 ans se sont penchéssur la rédaction d’un Manifeste citoyen dans le cadre de l’École d’été du Nouveau Monde1. La volonté affichée ? Débattredes enjeux sociopolitiques comme la polarisation fédéralistes-souverainistes au niveau de la province canadienne mais, bien au-delà, proposer en tant que jeunes un modèlede société empreint de justice sociale et de respect des valeurs démocratiques.
« Debout ! Arrêtons de pelleter des nuages et sortons du cercle vicieux ! » Le ton est donné sur le site de l’INM, institut indépendant, non partisan,conceptualisé par des universitaires dès 2002 et créé deux ans plus tard. Comme le rappelle Michel Venne, son directeur, « lors de la création de cettevéritable boîte à idées pour le Québec, mais aussi par le biais des rapports que notre pays entretient avec l’extérieur, nous ne pouvions resterà un stade de témoins, et encore moins de victimes, des mutations profondes de la société ». Être acteurs de changement, tel est le défi que se sontfixé les initiateurs du projet.
Des paroles aux actes
L’INM aurait pu rester un laboratoire se contentant d’observer et d’analyser les changements « micro » et « macro » d’une terre, d’un pays,d’une nation, bref d’une province divisée dans son essence par les clivages entre patrons et syndicats, entre libéraux et sociaux-démocrates. Pour le directeur,« on se doit d’emprunter et d’inventer », en particulier dans le cadre d’une École d’été. Lors de sa première édition il y a deux ans,les jeunes avaient émis des propositions brutes, qui ont pris la forme de projets lors de la seconde expérience, en 2005. De là, des collectifs se sont créés autourde projets (voir encadrés) aussi diversifiés que la création d’un dictionnaire virtuel permettant de mieux cerner les questions politiques, ou encore l’ouvertured’une coopérative de commerce équitable dans un collège préuniversitaire (collège que l’on appelle communément cégep).
Dans l’un des cinq manifestes présentés au public cet été, on peut lire des choses comme ceci : « Le monde se désintéresse de la politique. Lapolitique se désintéresse du monde ».. Et dans un autre : « Laisse tomber tes lamentations stériles, les grands discours. Tu t’écoutes trop parler.Éteins la télé, lève-toi de ton canapé et sors du salon. » Chaque fois, explique l’INM, on retrouve une volonté « de dénoncerl’immobilisme et l’inconscience qui bloquent l’avènement d’une société meilleure, plus juste et plus humaine. »
L’INM ne travaille pas que durant l’été, il propose durant toute l’année au grand public des « ciné-débats », en collaboration avecl’Office national du film (ONF), qui produit bon nombre de documentaires ; des conférences qui accueillent des spécialistes de tout parti ou croyance philosophique et religieuse ;et enfin des « rendez-vous stratégiques » où citoyens et experts se rencontrent sur des débats de société. Ces rendez-vous citoyens ont lieu nonseulement à Montréal, mais aussi dans les huit autres régionales sur lesquelles peut compter l’INM.
Un partenariat solide
Hébergé dans les locaux de l’Université du Québec à Montréal, l’INM s’est doté dès le départ de partenairessolides, comme les Éditions Fides, qui l’aident à publier chaque année l’Annuaire du Québec. Cet outil ne rassemble en rien de bonnes adresses, mais sepropose de dresser un bilan des innovations sociales, économiques, politiques et culturelles découvertes tout au long de l’année.
L’ouverture est aussi de mise pour l’École d’été. Aux 500 participants québécois, il faut ajouter 70 « internationaux ». Ces derniers sont venus pourparticiper à des « projets spéciaux », allant du photo-journalisme à la création théâtrale en passant par la réalisation d’un journalquotidien. Pour Michel Venne, « même si l’échantillon est biaisé du fait que les jeunes qui viennent à l’événement sont déjàacquis au dialogue et à la réflexion critique, il s’agit tout de même d’un rassemblement des forces vives francophones, qui permet le développement de projets,ici et en dehors du Québec ».
L’INM peut s’appuyer sur tout le réseau associatif québécois (ONG, groupes de consommateurs, mouvements de jeunes, etc.) et sur les Forums Jeunesserégionaux du Québec2, groupes de jeunes issus du secondaire ou du supérieur qui se rencontrent autour de thèmes et manifestations diverses. Pour les prochaineséditions, Miche Venne compte accueillir les jeunes anglophones du pays de l’Oncle Sam et du Canada anglophone, ainsi que de jeunes Latino-Américains, autour de thèmesfédérateurs comme la culture, thème qui sera mis en exergue en 2008 dans le cadre de la célébration des 400 ans d’un Québec résolument libre etnovateur.
Le projet Jargon3 émane de la seconde année du rassemblement d’été del’INM et, comme l’indique Antoine Boivin, médecin de famille de 28 ans à l’initiative du projet, « du groupe de départ, même s’il ne restequ’environ cinq personnes, l’essentiel est de pérenniser le projet ». Gravitant autour de la pensée de Confucius « Lorsque les mots perdent leur sens, les gensperdent leur liberté », Jargon a choisi d’ouvrir un portail-forum non seulement de discussion mais de définitions offertes par la langue française mais aussi desexperts ou jeunes éclairés. À travers des cours de langue de bois ou d’autodéfense intellectuelle, l’internaute devient « acteur plutôt quespectateur du déclin non de l’empire américain (en référence au film culte des années 80) mais de sa pensée critique ». Pour Antoine Boivin, uneétape ultérieure serait de sortir du forum web et de faire des animations dans les écoles, au cégep et en d’autres lieux où le dialogue devrait primer le monologuequi prévaut.
Samuel l’avoue, « au début on voulait rouvrir la « coop » (coopérative) du collège pour vendre des crasses comme des cigarettes ou des canettes de soda. Je necomptais pas parmi les anges du cégep, même si je pense aujourd’hui me calmer en donnant mon énergie à des projets comme celui du dépanneur (ndlr: magasin denuit) équitable que l’on a ouvert en équipe ». Samuel, 18 ans, est déterminé. La « coop », qui existe depuis les années 70, s’était vuecontrainte de fermer les portes non seulement de la distribution des manuels scolaires, mais aussi des services annexes comme le dépanneur. Dans les années 90, tout comme en Belgique,des manifestations ont interpellé le politique sur la nécessité de doter l’école de moyens suffisants. Samuel se remémore les grèves de 2004 dans lesuniversités après l’annonce de la limitation des prêts-bourses et de la coupe drastique dans ces budgets effectuée par le ministre en charge del’Éducation. Participant pour la seconde année à l’événement de l’INM, Samuel et plusieurs comparses, aidés de leur professeur de scienceshumaines, ont franchi le cap de proposer aux étudiants du cégep des produits issus du commerce équitable. « Nous gérons en toute autonomie le dépanneuralternatif et sommes en quelque sorte associés à toutes les décisions prises par l’assemblée générale, dont nous faisons partie intégrante. Celane sauvera pas notre planète « pantoute » (ndlr: pas du tout), mais nous tenons à ouvrir les yeux de nos chums (ndlr: amis) sur la possibilité d’agir àl’échelon local, celui de notre cégep ! ».
1. INM, Institut du Nouveau Monde, rue Sainte-Catherine Est 209, bureau V-3110, CP 8888, succursale Centre-Ville, H3C 3P8Montréal, Québec (Canada) – tél : +1 514 934 6330 – fax : +1 514 934 6330.
2. Pour plus d’informations, consulter le site de Table de Concertation des Forums Jeunesse régionaux duQuébec
3. www.projetjargon.org