Rien qu’en 2009, quatre agences d’intérim ont reçu des procès-verbaux de l’inspection du travail flamande pour discrimination basée surl’âge ou la couleur de peau.
Flash-back : en 2001, un ancien employé d’Adecco dépose plainte contre cette société d’intérim via le Centre pourl’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR). Une enquête judiciaire révèle qu’au moins une partie des agences Adecco note dans sesfichiers l’origine ethnique des candidats à l’emploi et marque d’un BBB (pour Blanc-Bleu-Belge – sic) les clients qui ne veulent pas d’intérimairesd’origine étrangère. À l’époque, Adecco se défend en disant n’avoir agi qu’à la demande de ses clients et avoir mis fin entre-tempsà ces pratiques illégales. La plate-forme Kif-Kif, SOS Racisme et la FGTB se portent parties civiles, mais huit ans plus tard, à la suite de vices de forme, l’affaire estmenacée de prescription dès septembre prochain. Et la FGTB est bien décidée à passer à la vitesse supérieure.
Pour le secrétaire général Eddy Van Lancker, différentes sources au sein du secteur indiquent que ces pratiques existent encore et les plaintes émanantd’intérimaires d’origine étrangère affluent. Le syndicat socialiste a décidé de rassembler des preuves concernant les entreprises qui discriminent etcompte bien « rendre publics les bons dossiers ». Eddy Van Lancker préfère ne pas donner de noms d’entreprises à ce stade, mais souligne qu’ils’agit de sociétés opérant dans des « secteurs sensibles ». Autrement dit, des sociétés au sein desquelles le personnel entredirectement en contact avec les clients, des entrepreneurs par exemple. Il y a deux ans, la fédération des entreprises d’intérim, Federgon, avait promis que toutes lesentreprises du secteur seraient dotées d’un service central de traitement des requêtes discriminantes et que les clients qui persisteraient dans leurs exigences xénophobesseraient placés sur une liste noire commune à tout le secteur. « Mais tout cela est resté lettre morte », souligne le secrétairegénéral : la liste noire est vide.
L’année passée, le Standaard s’était livré à une enquête auprès de 300 agences d’intérim, enquête dont le tauxde réponse s’était révélé trop bas (10 %) pour être statistiquement significative. N’empêche : les trois quarts des agences avouaientavoir déjà reçu des demandes discriminatoires de la part de clients. Beaucoup de petits entrepreneurs, mais aussi des sociétés de l’industrie alimentaire, dela métallurgie… Raisons invoquées : « ils ne s’adaptent pas à notre culture d’entreprise », « ils se disputent avec lesautres », « on en a déjà assez » ou encore « les clients n’aimeraient pas ça » et, comme soulignait un directeurd’agence, « le client est roi ».
L’inspection sociale confirme
L’inspection sociale flamande confirme le tableau. Rien qu’en 2009, elle a déjà dressé 4 procès-verbaux à des agences d’intérim pour desproblèmes de discrimination, à la suite de 25 enquêtes. Pour Helga Coppen, du cabinet du ministre de l’Emploi sortant, Frank Vandenbroucke (SP.A), « dans tous cescas, il ne s’agissait pas de sanctionner des peccadilles ou des cas fortuits, mais bien des agences d’intérim qui discriminaient de manière systématique, le plussouvent pour des raisons commerciales. » Dans deux cas, les discriminations étaient liées à l’âge, dans les deux autres à l’origine ethnique descandidats. Six autres agences ont encore reçu un PV d’avertissement pour absence de procédure anti-discrimination. Les dossiers des quatre entreprises sanctionnées ontété transmis aux parquets ad hoc, ainsi qu’au Serv, le Conseil social et économique flamand. Ce dernier a la faculté de convertir l’autorisationpermanente d’exercer des agences d’intérim en autorisation temporaire limitée à six mois, le temps pour l’agence de mettre sur pied un véritable plananti-discrimination. Mais le Serv le fera-t-il ? Le Serv, ce sont en réalité les partenaires sociaux et pour l’heure, patrons et syndicats ne semblent pas vraiment sur lamême longueur d’onde dans ce dossier.
Unizo (les PME) déplore l’initiative de la FGTB. Le Voka (les grandes entreprises) demande au syndicat socialiste de lui remettre sa liste d’entreprises xénophobes afinde pouvoir lui-même convaincre les patrons de celles-ci qu’ils sont dans l’erreur. Quant à Federgon, elle affirme « faire tout pour rendre superflue la tenued’une liste noire » et souligne que sur 350 000 personnes mises au travail l’année passée par le secteur de l’intérim, 50 000n’étaient pas Belges, dont 35 000 Turcs ou Marocains.
D’après De Morgen et De Standaard