Libin, commune ardennaise de 14 000 hectares, dont 6 000 recouverts de forêts ! Cette ressource considérable fut longtemps cantonnée au domaine touristique, mais, depuisdeux ans, elle permet aux bâtiments communaux de se chauffer autour du même feu.
Quand en juin 2009, les 715 mètres du réseau bois-énergie communal sont posés et reliés à la chaudière d’une puissance de 550kW, l’échevin Laurent Jacquet1 (aujourd’hui conseiller communal) soupire de soulagement. Il voit l’aboutissement d’un dossier en cours depuis six ans. Sidès le départ, il y eut unanimité des membres du conseil communal, la mise sur pied d’une chaudière commune n’a pas été de tout repos.
Au départ, il y avait cette vieille chaudière publique au mazout en fin de vie. Assez naturellement, les élus envisagent un nouveau chauffage à plaquettes pourvaloriser la ressource locale.
Commencent alors l’élaboration du projet, les détails techniques à maîtriser, la recherche de financements. Initialement, le chauffage public en réseauallait faire tourner les radiateurs de la commune, du CPAS, de la poste, de l’école gardienne et primaire, de l’église, de la maison de village et de maisons sociales, mais« en développant le projet, nous nous sommes rendu compte qu’il était très intéressant de l’étendre à 19 habitations privées età un hôtel à proximité ». Ces nouveaux venus optimisaient l’usage de la chaudière, le privé consommant la chaleur surtout en soirée,le matin et le week-end tandis que la consommation du secteur public se profile de manière complètement inverse, de 9 à 17 heures. L’affaire est conclue. La communevend son énergie et ces acteurs privés achètent leur chaleur à 90 % du prix du mazout. N’y a-t-il pas une injustice par rapport aux autres Libinois ?« Il n’était pas réaliste d’étendre le réseau à tout le monde, avance Laurent Jacquet. Mais tous en profitent car avec une factureénergétique allégée, avec la vente d’énergie, le budget communal est soulagé et la pression fiscale diminue. »
Tout le monde y gagne. Même les communes voisines avec lesquelles furent créés un quai de stockage et un hangar de séchage de bois. Et aussi l’environnement. Laconsommation de 150 000 litres de mazout est évitée, soit 450 tonnes de CO2 chaque année en moins dans l’air. « L’écologie étaitpourtant un objectif dérivé du Plan bois énergie dont participe le Réseau bois énergie de Libin, explique Francis Flahaut, facilitateur bois énergie pour laFondation rurale de Wallonie (FRW)2. Toute notre démarche est d’abord liée à l’emploi et à la plus-value locale. »
Un bon plan de travail
En mettant sur pied le Plan bois énergie & Développement rural (PBE&DR) en 2001, la Région wallonne, qui a financé à 80 % le projet de Libin,voulait faire rentrer dans le domaine public les réseaux énergies, des projets déjà existants dans le domaine industriel, « mais conçus en vase clos, lesopérateurs en marge de l’entreprise n’étaient absolument pas impliqués, le réseau était pensé, livré et installé par desprofessionnels étrangers. »
Au bout de dix ans, une quarantaine de projets publics ont été réalisés et une cinquantaine d’autres sont en conception. Du bureau d’études àla fabrique de pellets, la région a ainsi fait émerger un secteur d’activités liées au chauffage en réseau par le pellet ou plaquette. Francis Flahaut insistesur l’impact économique : « En 2005, il n’y avait pas un seul fabricant de granulés de bois. Aujourd’hui, la Belgique en est le plus grand producteureuropéen avec six gros fabricants en Wallonie et deux nouveaux à venir. » Le tout pour 500 000 tonnes vendues. Ces sociétés ne sont pas pour autantnouvelles. Il s’agit plutôt d’entrepreneurs ayant étoffé leur activité industrielle avec des unités de valorisation des sciures et granulés.
Cette nouvelle activité ne vient-elle pas ajouter une pression sur une forêt qui doit se couper en quatre pour satisfaire toutes les attentes ? A Libin, la commune venddéjà entre 1,5 et 2 millions d’euros de bois et permet un droit d’affouage à chaque ménage qui reçoit six stères de bois contre la somme de 20euros. « La possible destruction de la forêt fut une des premières remarques des citoyens, se souvient Laurent Jacquet. Mais les agents de la DNF [NDLR Département dela nature et des forêts] nous ont garanti que ce prélèvement supplémentaire n’aurait pas d’impact. »
Par ailleurs, Francis Flahaut explique une donnée essentielle : le bois qui sort l’est sur base de la gestion de la forêt et non sur base d’une éventuelledemande à la hausse, fut-elle « écologique ». « On ne coupe donc pas des bois à tort et travers pour en faire des pellets. » Et cen’est sans doute pas les projets bois énergie qui mettront la forêt wallonne en péril : « ils consomment ensemble 0,5 % de la production de boisannuelle en Wallonie. »
1. Commune de Libin, Laurent Jacquet
– tél. : 061 65 63 81
– courriel : laurent.jacquet@creg.be.
2. Fondation rurale de Wallonie :
– adresse : avenue Reine Astrid, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 26 18 82.
– Facilitateur bois-énergie : 084 21 98 62
– courriel : pbe@frw.be